Photo : des officiers de la police des frontières paramilitaire détiennent deux garçons paliestiniens près de la porte de Damas dans la vieille ville de Jérusalem le 7 décembre 2017Israeli paramilitary border police officers detain two Palestinian boys - Activestills / Oren Ziv
Le garçon [1], âgé de 15 ans, a été arrêté chez lui, vers 5 heures du matin, le 13 janvier 2021, dans le quartier de Issawiya à Jérusalem-Est occupée, par des soldats de la police des frontières, force paramilitaire israélienne. Les soldats israéliens l’ont transféré au centre d’interrogatoire et de détention de Al-Mascobiyya à Jérusalem-Ouest, où il a été ligoté avec les yeux bandés et détenu dans une salle d’interrogatoire. Un individu l’a accusé d’avoir jeté des pierres et des cocktails Molotov et aurait ensuite fait subir au garçon des violences physiques et sexuelles équivalant à des tortures, selon les renseignements recueillis par Defense for Children International - Palestine.
« Les soldats israéliens soumettent couramment les enfants palestiniens détenus à des mauvais traitements et à des tortures systématiques à la suite de leur arrestation » a déclaré Ayed Abu Eqtaish, Directeur du Programme sur l’imputabilité à DCIP. « Ces dernières allégations rappellent de façon particulièrement inquiétante que les enfants palestiniens détenus par les Israéliens sont vulnérables à toutes les formes de violence. Les autorités israéliennes doivent immédiatement mener une enquête sur ces allégations qui équivalent à des tortures. »
DCIP soutient que tous les enfants doivent avoir droit à la présence d’un parent en permanence pendant les interrogatoires, ainsi qu’à rencontrer un avocat de leur choix avant l’interrogatoire et tout au long du processus d’interrogatoire. DCIP demande à ce que tous les interrogatoires d’enfants soient enregistrés en audio-vidéo.
Quand il a été détenu le 13 janvier, le garçon était déjà soumis à une assignation à résidence à la suite d’une arrestation précédente en novembre 2020 et devait comparaitre ce jour-là devant un tribunal.
A son arrivée au centre d’interrogatoire et de détention de Al-Mascobiyya, le garçon a été forcé à s’assoir, ligoté et les yeux bandés, dans un couloir où il a subi des violences physiques de la part de ceux qui passaient, selon les renseignements recueillis par DCIP.
« Toutes les deux à trois minutes, quelqu’un passait et me giflait, me poussait, me donnait des coups de poing ou des coups de pied » a raconté le garçon à DCIP. « Je me taisais et je n’ai jamais rien dit. Je ne savais pas ce qui se passait, mais c’était douloureux et fatigant ».
Finalement il a été emmené dans une salle d’interrogatoire. « Un homme est venu dans la salle et m’a dit qu’il s’appelait le Capitaine Kamel » a dit le garçon à DCIP. « Il m’a frappé avec son pied et son poing en criant et en disant que je devais lui dire ce que j’avais fait. A chaque fois que je lui disais que je n’avais rien fait, il me battait plus fort. Il a menacé de m’infliger des décharges électriques, mais je lui ai dit que je n’avais rien fait. »
Le garçon affirme que l’individu l’a ensuite fait tomber par terre, les yeux bandés, et l’a violé avec un objet, selon la documentation recueillie par DCIP. L’individu a menacé de continuer cette violence sexuelle à moins qu’il n’avoue les accusations portées contre lui.
Le garçon a alors été mis debout contre un mur où l’individu lui a infligé une douleur extrême aux organes sexuels. « Il n’y a pas de mots pour décrire ce moment-là » a déclaré le garçon à DCIP. Par la suite le Capitaine a menacé l’enfant, en lui disant que les violences physiques et sexuelles continueraient s’il racontait à son avocat ce qui s’était passé.
Environ 15 minutes après l’incident, les soldats israéliens ont transféré le garçon dans une autre pièce où il a rencontré un avocat pendant environ cinq minutes. Puis, il a été emmené dans une salle où un homme habillé en civil s’est présenté comme étant un interrogateur israélien. Selon les renseignements recueillis par DCIP, le garçon a été interrogé pendant près de quatre heures, pendant lesquelles il a subi des violences verbales et a été forcé de signer des papiers écrits en hébreu, dont il n’a pas compris le contenu.
En raison de l’ajournement pendant quatre jours de son audience au tribunal, le garçon a été détenu pendant trois jours dans une pièce avec quatre autres enfants. Après ce temps-là, il a de nouveau été emmené dans une salle d’interrogatoire. Il a été interrogé pendant environ quatre heures, à la fin desquelles il a, à nouveau, été forcé de signer des papiers en hébreu. Le lendemain, le 17 janvier, il a été libéré et assigné à résidence dans l’attente d’une autre audience à une date ultérieure, selon les renseignements recueillis par DCIP.
« Ce qu’il m’a fait a été très oppressant et humiliant » a dit l’enfant à DCIP. « Je veux que cette assignation à résidence finisse parce que c’est épuisant. Je veux retrouver ma vie. Je veux pouvoir sortir de la maison et voir mes amis. »
Les enfants palestiniens de Jérusalem-Est sont poursuivis dans le cadre du système juridique pénal civil israélien, et non dans le cadre du système de tribunaux militaires israéliens, en raison de l’annexion unilatérale de Jérusalem-Est par les autorités israéliennes, mesure non reconnue par la communauté internationale. Les enfants palestiniens habitant à Jérusalem-Est relèvent en général du droit israélien pour la jeunesse, qui théoriquement s’applique de façon équivalente aux enfants palestiniens et aux enfants israéliens. Toutefois, les preuves recueillies par DCIP démontrent clairement que les autorités israéliennes appliquent le droit d’une manière discriminatoire, en privant les enfants palestiniens de Jérusalem-Est de leurs droits à partir du moment de l’arrestation jusqu’à la fin des procédures judiciaires.
Les enfants palestiniens dans le système de détention militaire israélien sont soumis à des violences et des mauvais traitements généralisés et systématiques, selon la documentation de DCIP. Entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2019, DCIP a recueilli les déclarations sous serment de 752 enfants détenus, décrivant leurs arrestations, leurs interrogatoires, et leurs détentions. 72 % d’entre eux ont été soumis à des violences physiques et 61 % à des violences verbales. Moins de un pour cent a été menacé de violences sexuelles. Cependant, les violences sexuelles équivalant à des tortures ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont connues pour être sous-déclarées par les enfants détenus survivants.
Une étude de 2015 sur les violences sexuelles perpétrées par les autorités israéliennes a montré que la torture sexuelle sur détenus palestiniens adultes par les responsables israéliens est systématiques, et inclus le harcèlement sexuel verbal, la nudité imposée, et l’agression sexuelle physique.
Traduit de l’original par Yves Jardin, membre du Groupe de Travail de l’AFPS sur les prisonniers politiques palestiniens