Le 7 octobre restera un tournant dans l’histoire du peuple palestinien. La réaction d’Israël à l’attaque des commandos du Hamas et aux crimes de guerre commis contre des civils israéliens ce jour-là, est apparue dès le début comme une entreprise de vengeance d’Israël contre la population civile de Gaza. Les propos sans ambiguïté des ministres du gouvernement de Netanyahou ne laissaient aucun doute sur leurs intentions : quand on décide de priver une population de plus de deux millions d’habitants d’eau, de nourriture, du moyen de faire fonctionner les hôpitaux, les boulangeries, les usines de désalinisation, c’est bien avec l’intention de la priver de tout moyen de survie.
À Gaza, par la volonté d’Israël, on ne meurt pas seulement des bombardements massifs ciblant délibérément des civils, on meurt de ne pouvoir boire, manger, se soigner.
Cela avec la complicité de celles et ceux qui ont, sans aucun état d’âme, donné à Israël un permis de massacrer en lui affirmant leur soutien inconditionnel et en déclarant qu’Israël a « le droit de se défendre ». À Gaza, Israël ne détruit pas seulement des vies, Israël détruit tout ce qui permet de faire société, détruit la mémoire d’un peuple, ses bâtiments publics.
Ce qui est apparu dès les premiers jours comme une deuxième Nakba – le déplacement imposé par la terreur de centaines de milliers de personnes, puis de près de 2 millions – a pris très rapidement la tournure d’un génocide. Le génocide est un crime dont il convient de vérifier la définition en droit : il s’entend « d’actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Parmi ces actes, « le meurtre des membres du groupe », « la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Pour que le génocide soit avéré, il faut que l’intention de destruction soit prouvée. Des universitaires, des diplomates, des ONG de défense des droits humains ont assez rapidement noté que les déclarations de membres du gouvernement israélien démontraient cette intention. Raz Seguev, historien israélien spécialiste de l’Holocauste, a déclaré, dès le 13 octobre que nous étions face à « un cas d’école de génocide ».
Loin d’être une guerre d’Israël contre le Hamas, c’est bien une guerre totale contre tout le peuple palestinien qu’Israël a déclenchée afin de tenter d’achever ce qu’il avait commencé en 1948 : déposséder le peuple palestinien de ses biens et de sa terre. Une agression contre Gaza bien sûr, mais aussi en Cisjordanie – dont Jérusalem Est, contre les prisonniers, dans les camps de réfugiés. Citons les attaques des colons totalement décomplexés, les destructions de maisons, les raids meurtriers et destructeurs des camps de réfugiés, les assassinats, les arrestations arbitraires de milliers de personnes : depuis le 7 octobre, mi-décembre, 300 assassinats (près de 500 depuis le 1er janvier) dont un quart d’enfants ; 4 500 arrestations dont la grande majorité en détention administrative dans des prisons devenues des zones de non droit où la torture et les mauvais traitements sont devenus systématiques ; dans le seul camp de réfugiés de Jénine, 16 raids.
Face à tout cela, plus de deux mois après le déclenchement de cette horreur, aucune mesure n’a été prise, par la communauté internationale pour imposer à Israël le cessez-le-feu qui permette l’arrêt du massacre. Pire, en France, après avoir tenté d’empêcher la solidarité avec le peuple palestinien de s’exprimer et avoir affirmé son soutien inconditionnel à Israël, le gouvernement par la voix de la ministre Catherine Colonna en est toujours à faire des recommandations à Israël pour que les civils soient épargnés alors que ce sont précisément eux qui sont visés : l’intelligence artificielle utilisée par Israël cible précisément des lieux surpeuplés et les armes choisies permettent de faire un maximum de dégâts humains.
Ces États qui ont su prendre en quelques jours des sanctions contre la Russie ont refusé d’arrêter Israël dans son entreprise génocidaire, ils en porteront la responsabilité devant l’histoire et devant les juridictions internationales.
À l’heure où ces lignes sont écrites, nous ne savons rien de ce qui va se passer. Aucune sanction n’a encore été prise contre Israël pour aucun de ses crimes contre le peuple palestinien. Les Palestiniens résistent depuis 75 ans à la colonisation, à l’occupation, à l’apartheid et au génocide en cours. Cette résistance, et leur capacité de résilience font qu’ils sont toujours là, debout, en tant que peuple. Nous avons la certitude que seule la poursuite de la mobilisation du mouvement de solidarité peut imposer la fin de l’impunité d’Israël et l’égalité des droits pour toutes et tous entre Méditerranée et Jourdain. C’est à cette condition que le peuple palestinien pourra, comme les autres peuples, faire valoir son droit à l’autodétermination.
Anne Tuaillon, présidente de l’AFPS, le 19 décembre 2023