Pendant près de quatre mois, la population a vu son quotidien, pourtant déjà peu enviable, se dégrader toujours plus, sous les coups de boutoir de l’occupant israélien et du boycott international décrété par les pays occidentaux et arabes après l’avènement des islamistes.
Il n’en fallait pas plus pour créer une crise politique sans précédent au sein du mouvement palestinien écartelé entre la présidence de Mahmoud Abbas, par ailleurs dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et le gouvernement Hamas, incapable de la moindre initiative, coincé dans un dogmatisme dangereux et suicidaire.
Le 6 juin pourtant une lueur d’espoir est apparue. Paradoxalement, elle est venue des geôles israéliennes. À l’initiative de Marwan Barghouti, condamné à cinq fois la prison à vie, les prisonniers représentants quasiment toutes les factions palestiniennes, dont le Hamas, ont paraphé un document (d’où son nom « document des prisonniers ») qui définit les axes du combat de libération nationale : création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, ré- sistance à l’occupation à l’intérieur de ces territoires, lutte pour le droit au retour des réfugiés... Un document évidemment capital puisqu’il reconnaît implicitement Israël.
Mais le 25 juin, un soldat israélien est capturé à la lisière de la bande de Gaza. Il n’en faut pas plus pour qu’Israël déclenche une offensive militaire dont le bilan en pertes civiles est très lourd. Des dizaines de femmes et d’enfants sont tués, soulevant les réactions indignées de la communauté internationale. Dans ces conditions, les négociations interpalestiniennes marquent le pas. On est au bord de la rupture. Pendant de longues semaines il ne va plus rien se passer sur le plan de l’initiative politique interne.
Le 12 juillet, un autre événement survient, en partie lié à la situation de Gaza assiégée. Trois soldats israéliens sont capturés, cette fois à la frontière nord, par le Hezbollah libanais. Israël lance une nouvelle guerre, tout aussi meurtrière. En trente-trois jours, plus de 1500 civils vont trouver la mort. Mais pour la première fois, Israël ne sort pas vainqueur et est affaibli. Ehud Olmert, le premier ministre israélien, est dans la tourmente. Il a fait donner l’armée mais les trois soldats sont toujours en captivité.
Dans l’opinion publique, des voix de plus en plus nombreuses (les organisations pour la paix mais aussi des intellectuels de renom, qui avaient soutenu la guerre au Liban) demandent l’ouverture de négociations, avec les Palestiniens et avec la Syrie, pays qui devient incontournable. Au lieu de quoi, Olmert nomme au poste de vice-premier ministre chargé des menaces pour la sécurité d’Israël Avigdor Liebermann, du parti d’extrême droite russophone. Avec lui, c’est l’Iran et son éventuelle arme nucléaire qui sont maintenant dans le collimateur is- raélien. Cela alors qu’Olmert, dans une bourde mémorable, a reconnu qu’Israël possédait l’arme atomique !
Au Liban, la reconstruction va bon train mais les militaires français de l’ONU doivent subir les provocations de l’aviation israélienne qui viole chaque jour l’espace aérien libanais. Sur le plan intérieur, en cette fin d’année, la tension est forte. L’assassinat du ministre de l’Industrie, Pierre Gemayel, se produit alors que la rupture est consommée entre les mouvements chiites Hezbollah et Amal (qui ont démissionné du gouvernement), d’un côté, et les Forces du 14 mars, la majorité, de l’autre. Le bras de fer est engagé dans la rue avec des manifestations monstres organisées par le Hezbollah. Au centre des divergences : les prérogatives du tribunal chargé de juger les assassins de Rafic Hariri, le remplacement du président de la République, Émile Lahoud, et la constitution d’un gouvernement d’union nationale dans lequel le Hezbollah et ses alliés (dont le général Aoun) posséderaient une mi- norité de blocage. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, poursuivait ses navettes à la fin du mois de décembre.
Même attente dans les territoires palestiniens. Malgré un cessez-le-feu avec Israël (celui-ci est sous pression américaine), les Palestiniens ne parviennent pas à s’entendre. Face au blocage et au développement des violences, Mahmoud Abbas annonce son intention d’organiser des élections présidentielle et législatives anticipées. Le Hamas refuse. Mais les discussions se poursuivent toujours pour parvenir à la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Danger pour les Palestiniens : pour la première fois depuis la création de l’Autorité palestinienne, les pressions extérieures et les enjeux régionaux refont leur apparition dans le jeu palestinien. Ce n’est pas de bon augure.