Les soldats israéliens ont retenu un camion de pompiers lundi 11 mars à Jérusalem-Est, en l’empêchant d’atteindre la maison en feu de Ahmad Dola, âgé de 34 ans. En conséquence, Dola est mort dans le brasier, et son bébé âgé de deux mois et sa femme ont souffert de brûlures modérées à sévères et d’autres blessures.
Apparemment le feu a pris naissance dans le cordon électrique d’un appareil de chauffage dans le logis familial de Dola, alors que toute la famille dormait. Ahmad s’est réveillé, a couru chez les voisins pour demander de l’aide et ils ont appelé le service d’incendie, Ahmad s’est précipité à l’intérieur pour sauver sa femme et son bébé.
Il a réussi à sauver sa famille, mais a eu un malaise alors qu’il essayait de s’échapper, et il est mort après avoir inhalé la fumée. Le camion de pompiers, qui s’est mis en route quelques instants seulement après avoir reçu l’appel, a été bloqué à un point de contrôle israélien bien qu’il ait été de façon évidente en mode d’urgence avec des sirènes et des lumières.
Les soldats israéliens, en poste sur le point de contrôle de Qalandia à Jérusalem-Est, ont refusé le passage du camions de pompiers pour qu’il soit en capacité d’éteindre l’incendie.
Le camion de pompiers a été retenu pendant plus de 30 minutes en l’attente d’une escorte militaire. Au moment où ils ont réussi à arriver, Ahmad était mort.
Le quartier où habite la famille, Kafr Aqab, est qualifié de « bidonville » par de nombreux organes de presse, essentiellement en raison de son nombre important d’habitants Palestiniens.
Les autorités israéliennes ont annoncé il y a cinq ans qu’elles construiraient une caserne de pompiers du côté de Kafr Aqab du point de contrôle, que les Palestiniens de l’endroit feraient fonctionner, pour fournir un service au quartier. Mais la caserne de pompiers n’a jamais été construite, et camions de pompiers et ambulances en route vers Kafr Aqab terminent en étant retenus pendant des heures aux points de contrôle militaires israéliens, dans l’incapacité d’atteindre ceux qui en ont besoin.
En conséquence de nombreux Palestiniens sont morts.
Kafr Aqab a été décrit en 2019 par le journal The Guardian comme "un quartier où les Palestiniens peuvent garder un pied à la fois à Jérusalem et en Cisjordanie - et être avec leurs proches », en raison d’une faille dans ce que le document décrit comme étant une occupation israélienne "chaotiquement complexe, (dans laquelle) les Palestiniens sont divisés en de multiples catégories, souvent imposées selon l’endroit où ils habitent. C’est près du sommet de la hiérarchie bureaucratique que se situent les Palestiniens de Jérusalem, (qui) peuvent bénéficier des services israéliens et peuvent voyager dans le pays ».
Selon le Guardian, « Les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie occupée sont en bas de l’échelle des permis et ne peuvent pas se rendre facilement à Jérusalem. Par conséquent, une personne palestinienne de Jérusalem qui s’éprend d’une personne habitant en Cisjordanie et qui s’y installe avec son conjoint risque de perdre son précieux statut de résident.
« Kafr Aqab est la réponse à ce dilemme. Israël considère que ce quartier fait partie de Jérusalem, mais en réponse aux attentats-suicides de la seconde intifada palestinienne du début des années 2000, il a isolé ce quartier, en le séparant de la ville proprement dite par une barrière en béton. Les habitants de la zone vivent désormais dans les limbes – ils vivent théoriquement dans Jérusalem mais physiquement dans les territoires palestiniens.
« Ce statut contradictoire crée une faille, permettant aux Palestiniens de vivre en Cisjordanie sans perdre les précieux permis de résidence à Jérusalem, tandis que d’autres personnes interdites d’accès à Jérusalem peuvent également s’y installer. »
La réalité que ce « statut contradictoire » a créé à Kafr Aqab est un manque pour les habitants de services de base – dont une caserne de pompiers. Le journal israélien Ha’aretz rapporte qu’il lui a été dit par Samikh Abu Ramila, militant bien connu dans le quartier, « Kafr Aqab n’intéresse personne : nous ne bénéficions d’aucun service, nous n’avons pas de boîtes aux lettres, les rues ne sont pas goudronnées, la municipalité ne s’occupe pas des eaux usées et il n’y a pas de cliniques pour bébés. Nous vivons à moitié à cause du point de contrôle. »
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du Groupe de Travail de l’AFPS sur les prisonniers politiques palestiniens.