Inévitablement, certains mots sont connotés et semblent devoir être soumis à une grille de lecture bien précise, et particulièrement quand leur usage rappelle de près ou de loin le génocide juif perpétré sous le régime nazi. Que certains n’hésitent pas à hisser au rang de seul génocide de l’Histoire. Tous les autres n’accédant pas à ce « label »…
Tout cela ne traduit-il pas, sans bien nous en rendre compte sans doute, une certaine culpabilité, palpable jusque dans l’usage même d’un mot, comme si celui-ci devait être « mérité » par la situation qu’il recouvre ?...
Méfions-nous donc... de nous-mêmes, pour commencer.
S’écarter de la définition qu’en donne l’ONU au profit de celle qu’en donnerait tel ou tel intervenant (sur base de quoi ?... son avis ou son sentiment personnel est-il un meilleur critère !?) ne me semble pas une démarche appropriée. Parce qu’elle ouvre la porte à toute interprétation, en fonction du « camp » dans lequel on se situe, du moment où l’avis est émis, et d’une foule de critères plus subjectifs les uns que les autres.
Tout au contraire, je pense que dans ce cas (comme dans d’autres), il conviendrait de coller au plus près à ce que l’ONU propose, afin d’éviter une interprétation (et dans la foulée, une justice) à géométrie variable.
Peut-être est-il intéressant de parler comme Ilan Pappé de "génocide lent"... ce qui renvoie à une autre terminologie onusienne quand il est question de conflit de "basse, moyenne ou haute intensité"...
Ce genre de nuance peut s’avérer utile, pour autant qu’elle ne serve pas à camoufler une réalité...
Je pense donc que lorsqu’on examine les critères onusiens de base (les points a-b-c-d-e, ci-dessous) * qui permettent ou non l’usage du mot "génocide", plusieurs de ces critères sinon tous y autorisent dans le conflit qui se déroule en Palestine.
Et si nous y sommes si réticents, n’est-ce pas parce que nous n’avons pas encore réglé nous-mêmes nos problèmes de conscience vis à vis du génocide juif et que nous y collons automatiquement une notion quantitative de victimes ? (Mais alors à partir de combien !?)
Ce qui traduit peut-être bien une forme d’aliénation...
Par ailleurs, n’y aurait-il qu’un seul terme qui soit vraiment approprié ? N’est-ce pas-là une nouvelle forme d’aliénation ?
Le plus objectivement possible, et dans le cadre définit par l’ONU, n’y a-t-il pas dans la situation palestinienne, tout à la fois :
une politique d’apartheid, entraînant un transfert et un nettoyage ethnique qui au fil du temps et des évènements qui s’enchaînent dans cette logique mortifère, prend des allures de génocide... lent ?
Pour ma part, et dans mon prochain livre, c’est en ces termes que j’en parle.
Je ne me censure pas sur cette terminologie, parce que je crois qu’une forme de génocide est effectivement mise en application par les stratèges israéliens qui ont l’art de "jouer" sur ces limites... jusqu’à nous y enfermer, prisonniers de notre propre langage...
Daniel Vanhove –
Observateur civil
09.02.08
* Dans la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1948 pour la Prévention et le répression du Crime de génocide, celui-ci s’entend lorsque l’un des actes ci-après est commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a - Meurtre de membres du groupe ;
b - Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c - Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d - Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e - Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.