Comment est née cette idée de venir cueillir des olives chez des paysans palestiniens ?
« Il y a 20 ans, des militants de l’AFPS des groupes de Bretagne, ont réfléchi à la façon de rendre les mouvements de solidarité internationale plus efficaces. L’idée était évidemment de renforcer la résistance des Palestiniens aux politiques coloniales de l’occupation Israélienne. Après la signature des accords d’Oslo, tout le monde parlait de paix alors qu’Israël continuait d’agrandir les colonies existantes et de construire des routes pour faciliter leur accès aux colons.
Évidemment, ce sont les paysans palestiniens qui en ont payé le prix et qui continuent de le payer. Ce sont eux qui perdent leurs terres, ce sont leurs oliviers qu’on arrache. Ce sont eux qu’on empêche de ramasser leurs olives. Les militants français et des paysans palestiniens se sont alors mis d’accord sur l’idée d’organiser des campagnes de cueillette de olives pour aider les agriculteurs les plus exposés au colonialisme israélien ».
Pourquoi ces missions sont-elles particulièrement importantes ?
« Les objectifs de cette forme de solidarité sont les suivants : protéger la terre palestinienne quand Israël se donne le droit de confisquer toutes parcelles non cultivées pendant plus de 3 ans ; aider les paysans palestiniens à gagner leur vie ; montrer le vrai visage colonial dissimulé par la propagande israélienne qui raconte qu’Israël respecte les résolutions des Nations unies ; mobiliser le plus de gens possibles pour construire un front qui milite pour la Palestine partout dans le monde. Les internationaux qui ont participé à une ou plusieurs campagnes de cueillette des olives sont devenus des ambassadeurs de Palestine dans leurs pays. Le fait de vivre le quotidien des Palestiniens leur donne le courage de défendre une cause humaine contre un projet capitaliste ».
Comment les Israéliens ont-ils réagi ?
« Depuis 2001, date de la première campagne, j’ai vu combien l’armée d’occupation, et les colons avec elle, étaient gênés par la présence des militants internationaux. Ils ont essayé par tous les moyens d’empêcher leur arrivée dans les champs ; arrestation, désignation des zones concernées en zones militaires, gaz lacrymogènes, tirs à balles réelles quelquefois, voire expulsion du pays. Il nous est arrivé d’aller travailler sur une parcelle au pied d’une colonie et de voir l’armée israélienne proposer au propriétaire palestinien de venir travailler sans les militants internationaux, sous peine de se voir interdire l’accès à son champ ».
Comment s’organise la cueillette ?
« Chaque année, les militants de l’association France Palestine Solidarité de Rennes annoncent le lancement de la campagne et organisent des réunions de préparation pour les militants intéressés, pour que les volontaires aient une idée juste de la situation qu’ils trouveront en Palestine. De notre côté, nous contactons les mairies pour avoir les cordonnées des paysans menacés par le projet colonial israélien. En 2004, les comités de défense de la terre ont rejoint la mission et à partir de 2010, deux ONG palestiniennes, le PARC [1] et l’UAWC [2] participent à l’organisation de la cueillette.
Aujourd’hui, nous avons une liste des parcelles menacées situées au pied des colonies, près du mur d’apartheid et des deux côtés des routes de contournement utilisées par les colons ».
Quel rôle jouez-vous dans cette organisation ?
« Depuis 20 ans, j’accueille toutes et tous à la maison, on mange ensemble, on sort ensemble, on discute beaucoup, on échange nos expériences. Il y a souvent beaucoup de monde mais comme on dit en arabe : la maison de l’ami loge mille amis. Et je sais que c’est la même chose sur les sites de Der Estia et Farkha, dans le nord de la Palestine. Grâce à ces missions de cueillette des olives et aux relations que j’ai tissées avec des Français, des Belges et des Suisses, ce qui est à mon avis le meilleur projet de solidarité en Palestine a vu le jour : la coopérative Al Sanabel qui recueille le raisin des agriculteurs de la région de Halhul pour en faire du jus de raisin. Sans oublier le jumelage de Halhul avec la ville bretonne de Hennebont, dans le Morbihan.
Ces missions de cueillette ont permis la naissance de relations personnelles fortes et d’échanges de connaissances importants. Plus de mille personnes sont venues chez moi depuis 20 ans, je ne me souviens pas de tous leurs noms mais j’ai gardé de très bonnes relations avec la plupart d’entre eux. Et même ceux qui nous ont quittés, nous nous souvenons d’eux.
Ces missions sont très importantes pour les Palestiniens, au premier rang desquels les paysans. La présence physique des militants a aidé beaucoup d’entre eux à sauver leurs parcelles, c’est essentiel pour la cause palestinienne. Quand on voit le nombre de gens qui manifestent en France, en Belgique ou ailleurs, on sait bien que c’est la conséquence de cette mobilisation sur place. C’est le fruit du travail des associations comme l’AFPS.