Paris, Londres et Berlin, nous dit-on, appellent à un cessez-le feu immédiat à Gaza. Pour ces chancelleries, « la trêve doit prévoir des mesures susceptibles de répondre à la fois aux préoccupations d’Israël en matière de sécurité et aux demandes palestiniennes en ce qui concerne la levée des restrictions sur Gaza ». Le discours est bien rodé et l’initiative européenne serait à saluer comme un exemple de bon sens et de juste équilibre.
Sauf qu’en l’espèce l’équilibre est foncièrement faussé. Il renvoie à un discours malheureusement classique en ce qu’il traduit l’incapacité de penser la question israélo-palestinienne en termes d’égalité de droits. Les préoccupations et besoins des Palestiniens en matière de sécurité sont tout aussi fondamentaux que ceux des Israéliens. C’est vrai pour Gaza comme pour le reste de la Palestine. L’exigence de sécurité doit être la même pour tous. Cela veut certes dire l’arrêt des roquettes sur Israël, mais tout autant l’arrêt des opérations de toute nature contre Gaza ou des exactions, de la répression et de la colonisation en Cisjordanie.
Quant au discours sur la « démilitarisation » de Gaza, il est indécent face à une des plus grandes puissances militaires mondiales, et lorsque l’on voit que la communauté internationale n’a rien su faire depuis 20 ans pour protéger les Palestiniens des exactions de l’État d’Israël. Engager l’Europe dans cette voie la transformerait en auxiliaire de la « loi du plus fort » israélienne qui vient ce matin encore, avec des moyens colossaux et après avoir détruit sa maison, d’assassiner près de Naplouse un jeune cadre du Fatah. La vraie question est celle des conditions de la mise en place d’une protection internationale du peuple palestinien.
La notion de « levée des restrictions sur Gaza » de son côté est éminemment floue. Elle n’aurait de sens que s’il s’agissait d’une manière diplomatique de traduire « levée du blocus et du siège » qui seules répondent en effet aux besoins de la population martyre de Gaza. Le siège et le blocus ne peuvent que générer étranglement économique, appauvrissement massif, crise humanitaire et catastrophe sanitaire et donc menacer en retour Israël.
La levée du blocus de Gaza, c’est permettre le libre redémarrage des activités économiques y compris la pêche, c’est permettre la reconstruction de l’aéroport détruit par Israël depuis 13 ans et la construction du port mille fois promise et jamais réalisée, c’est ouvrir le libre passage vers son arrière-pays naturel : la Cisjordanie.
Faut-il rappeler par ailleurs, qu’au delà de l’étranglement de Gaza, la question de la libération des prisonniers politiques reste incontournable pour permettre tout règlement politique ?
Si les grands pays européens manifestent enfin la volonté d’affronter une occupation militaire qui concerne aussi la paix et la sécurité en Europe, ce ne peut pas être de façon aussi ambiguë. Ils ne peuvent être crédibles en passant pour pertes et profits les quelque 2000 morts et les milliers de blessés de Gaza. Ils ne peuvent faire comme si tout au long de ces années, Israël ne s’était arrogé le droit d’intervenir sans limite à Gaza pour y assassiner qui bon lui semble. Ils doivent appuyer la commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et faire savoir qu’ils soutiendront les démarches palestiniennes pour signer le statut de Rome et intégrer la Cour pénale internationale (CPI).
La seule voie possible aujourd’hui est la levée immédiate et inconditionnelle du blocus de Gaza, associée à la revitalisation du processus politique amorcé par le gouvernement palestinien d’entente nationale. L’État d’Israël, qui a tout fait jusqu’ici pour saboter cette voie, n’y viendra pas sans de réelles pressions de la communauté internationale.
Il faut faire entendre à Israël que l’ère de son impunité est terminée, et qu’il ne peut plus dicter ses conditions à l’Europe. Il faut sans délai cesser toute coopération militaire avec Israël, mettre un embargo sur les armes et suspendre l’Accord d’association UE-Israël en s’appuyant sur la clause de sauvegarde de son article 2 qui le lie au respect des droits de l’homme.