D’autres projets existent aussi pour le prolonger le long du Jourdain. De toute façon le mur est déjà en train de fabriquer une situation aux conséquences tragiques et incalculables. Pourtant, dans l’immédiat, les réactions et objections des organisations internationales, des gouvernement, des opinions publiques à l’extérieur et à l’intérieur d’Israël (à l’exception notable de groupes courageux comme Gush Shalom, B’Tselem, Ta’yush) restent étrangement mesurées, comme si cette construction était un fait accompli, comme si protester devait attendre que tout soit fini ou qu’il faille observer des précautions tactiques au moment où on renoue « des conversations pour la paix » sous les auspices des Etats-Unis et autres pouvoirs dans le monde.
Directement ou indirectement l’éviction des populations et/ou la privation de leurs moyens d’existence - (arrachage des arbres, interdiction de l’accès à l’eau et aux terres arables) - et des possibilités d’étudier et de travailler, à travers la désespérante restriction de circuler, le Mur s’attaque à la capacité du peuple palestinien de résister sur place, et conduira à des situations comparables à celles des expulsions de masse en 1948 et de 1967. On estime que 90.000 à 210.000 Palestiniens seront chassés de leurs habitations. Quant aux autres, il est prévu de leur rendre la vie tellement impossible que beaucoup n’auront d’autre choix que de partir de leur village ou de leur pays.
Le Mur autorise et rend irréversibles les colonies juives (toutes illégales selon la loi internationale) et l’appropriation progressive de Jérusalem Est, ce qui transforme le futur et toujours promis « Etat Palestinien viable » en un simple patchwork de Bantoustans et de camps de réfugiés, généralisant et aggravant le modèle déjà réussi à Gaza.
Cela emprisonne les Palestiniens (ou plutôt ce segment du peuple Palestinien qui jusqu’à présent est parvenu à rester et à résister sur son propre sol) dans une partie réduite de la Cisjordanie à l’intérieur d’une triple ligne meurtrière de fortifications de béton, de barbelés et d’électronique, dont les précédents dans l’histoire moderne appartiennent indiscutablement à la tradition totalitaire. C’est aussi transformer les « forces de défense » israéliennes et les citoyens israéliens eux-mêmes en un peuple de gardiens de camp. Bref, c’est une nouvelle Naqba qui ne promet, tant pour le présent que pour le futur, que famine, déportations, terreur, guerre et abjection - quels que soient les arrangements transitoires qui pourraient être obtenus via des accords locaux et internationaux.
Allons-nous regarder ce processus sans élever la moindre protestation, pour découvrir juste après l’évènement que nous aurons été coupables de « non-intervention » dans un crime contre l’humanité commis sous nos yeux ? Les signataires ci-dessous refusent d’accepter la fatalité du Mur et condamnent la lâcheté de ceux qui n’élèvent pas la voix contre pareille injustice. Les signataires lancent un appel urgent aux forces démocratiques et aux gouvernements, aux Nations Unies et aux organisations humanitaires, aux communautés juives qui partout dans le monde gardent en mémoire leurs propres souffrances passées et aux autorités religieuses, morales, intellectuelles, et juridiques.
La construction du Mur doit s’arrêter immédiatement. L’opinion mondiale doit contraindre le gouvernement israélien à démanteler le Mur et à restituer et restaurer la terre palestinienne dont il s’est déjà emparée et qu’il a détruite. Ce n’est pas un objet de négociation. C’est un impératif moral et politique.
Pour prendre connaissance du même texte en anglais et signer la pétition en ligne :
http://www.petitiononline.com/stw/petition.html
Premiers signataires :
– Ariella AZOULAY, Bar-Ilan University, Israel Etienne
– BALIBAR, University of Paris-Nanterre and University of California, Irvine
– Daniel BOYARIN, University of California, Berkeley
– Susan BUCK-MORSS, Cornell University, Ithaca
– Judith BUTLER, University of California, Berkeley
– Nabil EL HAGGAR, Université des Sciences et Techniques de Lille
– Ghislaine GLASSON-DESCHAUMES, Directrice, Revue Transeuropéennes
– Neve GORDON, Ben-Gurion University, Beer-Sheva
– Barbara HAHN, Princeton University
– Domenico JERVOLINO, Università Federico II, Napoli
– Henri KORN, Académie des Sciences, Paris
– Catherine LEVY, CNRS, Paris
– Jean-Marc LEVY LEBLOND, Université de Nice, Sophia-Antipolis
– Michael LÖWY, CNRS, Paris
– Camille MANSOUR, Université Bir-Zeit et Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
– Joëlle MARELLI, traductrice, Paris
– Fatma OUSSEDIK, Université d’Alger
– Bruce ROBBINS, Columbia University, New-York
– Peter SCHÖTTLER, Centre Marc Bloch, Berlin
– Marianne SCHULLER, Universität Hamburg
– Immanuel WALLERSTEIN, Yale University -