Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a ordonné hier la poursuite de la construction de la "ligne de séparation" en Cisjordanie malgré l’avis de la Cour internationale de justice.
Quelques heures plus tôt, un attentat à la bombe, revendiqué par les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, un groupe armé du Fatah de Yasser Arafat, a fait un mort et une vingtaine de blessés à Tel-Aviv. La victime est une jeune soldate israélienne. La bombe a explosé près d’un arrêt de bus. Ariel Sharon a carrément accusé la CIJ d’avoir « patronné » cet attentat en déclarant illégale cette barrière de sécurité qu’Israël construit pour, dit-il, empêcher les attaques palestiniennes sur son territoire.
La CIJ a exigé son démantèlement et le versement de réparations aux Palestiniens lésés par la construction de ce vaste ouvrage défensif qui doit courir sur 700 km, le long de la ligne de démarcation entre Israël et la Cisjordanie et qui ampute largement, par endroits, sur le territoire de l’Etat palestinien à venir.
« Avis immoral ».
« Une Israélienne a été assassinée par des terroristes palestiniens criminels. Ce meurtre est le premier commis sous le patronage de l’avis de la Cour internationale de justice de La Haye. (...) Cet avis ignore totalement la raison de la construction de la barrière de sécurité, qui est le terrorisme palestinien », a affirmé Sharon hier.
Vendredi, alors que le juge chinois de la CIJ lisait le texte de l’avis rendu par la Cour de La Haye, l’organe judiciaire principal de l’ONU, le gouvernement israélien avait effectué un premier tir de barrage avec ce même argument.
Hier, Sharon a été plus virulent : « Vendredi, le droit sacré de combattre le terrorisme a reçu une claque des mains des juges de La Haye. (...) Ce qu’ils ont refusé de voir, les Palestiniens se sont empressés [dimanche] de le montrer en tuant et blessant des civils innocents. » Et d’ajouter aussitôt : « L’avis de la Cour internationale de justice, d’une part, transmet un message dévastateur d’encouragement au terrorisme et, d’autre part, évince les Etats qui se défendent face à lui. Tous ceux qui redoutent que s’étende le fléau du terrorisme doivent aujourd’hui se tenir aux côtés d’Israël et exiger que l’avis immoral et dangereux de la CIJ soit effacé de la face de la terre. »
Veto américain [voir article joint ci-dessous].
La presse israélienne, unanime, a serré les rangs derrière le gouvernement, relevant toutefois, avec une pointe d’inquiétude, que cette décision de la CIJ était la plus dure jamais adoptée contre Israël, depuis 1967, voire depuis la création du pays, en 1948.
L’affaire va maintenant revenir devant l’Assemblée générale de l’ONU, qui a requis l’avis de la CIJ sur la légalité de la barrière. Puis elle sera portée devant le Conseil de sécurité pour exiger qu’Israël se plie à la légalité internationale, sous peine de sanctions.
Mais Israël a pris les devants en dépêchant dès la semaine dernière le chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, à Washington, pour s’assurer d’un veto américain dans ce cas de figure.
Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, qui s’est félicité de la décision historique des juges de La Haye, se dit confiant. « L’avis de la Cour de La Haye a montré que le monde entier est aux côtés du peuple palestinien contre ce mur. Personne ne peut nous imposer ce mur de l’apartheid et son démantèlement est inéluctable. Le mur de Berlin est tombé, le mur de Sharon tombera », a déclaré samedi Arafat. « Je pense que la décision de la Cour est claire, a expliqué hier le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Si nous acceptons le fait que le gouvernement d’Israël a la responsabilité, et en fait le devoir, de protéger ses citoyens, toute action qu’il prend doit être en conformité avec le droit international. »
Oubliées les rivalités, l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahou, rival déclaré d’Ariel Sharon au sein du Likoud (droite), a mis ses talents de débatteur hors pair au service du gouvernement dans des attaques au vitriol contre la CIJ. « Le tribunal de La Haye s’est comporté comme une cour martiale, sur un terrain politique où les jeux étaient faits d’avance, écrit Netanyahou dans une tribune publiée par le Yédiot Aharonot.
ONU : les Etats-Unis ne veulent pas d’une résolution demandant à Israël de détruire son mur
Les Etats-Unis ont affirmé mardi qu’ils étaient fortement opposés à la résolution que les Palestiniens souhaitent faire adopter par l’Assemblée générale des Nations Unies, et qui vise à demander à Israël de se conformer à un jugement de la Cour international de justice en détruisant la "barrière de sécurité" édifiée en Cisjordanie.
L’ambassadeur américain auprès des Nations unies John Danforth a qualifié la résolution de "partiale" et a ajouté que l’avis rendu par la Cour de la Haye -dont les avis ne sont pas contraignants— ne contribuerait en rien à promouvoir la paix au Proche-Orient.
"Le mode de discussion appropriée n’est pas un processus judiciaire mais une démarche politique telle que celle mise en oeuvre avec la "feuille de route" soutenue par les Etats-Unis, les Nations unies, l’Europe et la Russie, a-t-il ajouté.
La Cour a estimé vendredi que la construction de la barrière était illégale et a ordonné à Israël de la détruire et de verser des indemnités aux Palestiniens affectés par la construction du mur.
La résolution devrait être soumise aux votes des représentants de l’ONU vendredi. Elle prévoit que l’Assemblée Générale se réunisse à nouveau pour décider d’éventuelles mesures additionnelles "pour mettre fin à l’illégalité de la situation actuelle" dans l’hypothèse où Israël ne réagirait pas à la première résolution.
L’observateur palestinien aux Nations Unies, Nasser Al-Kidwa a affirmé lundi que les Palestiniens espéraient un "soutien très large, proche de l’unanimité, pour le projet de résolution" -comptant notamment sur les voix des 25 nations de l’Union européenne. La résolution a été formellement introduite par les pays arabes et le mouvement des non-alignés qui compte 116 pays pour la plupart en développement.
L’ambassadeur israélien auprès des Nations unies Arye Mekel a également affirmé qu’Israël était engagé dans une campagne diplomatique pour rallier à sa cause les voix des représentants, particulièrement celles de l’Europe.
Les ambassadeurs de l’UE se sont réunis mardi pour discuter de la résolution mais les diplomates ont affirmé qu’ils ne chercheraient pas de position commune.
Les résolutions votées par l’assemblée ont essentiellement une portée morale puisqu’elles ne sont pas légalement contraignantes. Seule une résolution du Conseil de Sécurité aurait un effet juridiquement contraignant pour Israël.