A travers la Palestine, les mêmes mots sont prononcés encore une fois alors que l’occupation cherche à imposer une solution finale, celle de l’apartheid, de la ghettoïsation et de l’emprisonnement au peuple palestinien.
Beit Hanina faisait partie du district de Jérusalem depuis le règne ottoman. Situé à juste 5 kms de la ville, le village est entrelacé dans le tissu économique et social de Jérusalem. Le village s’est étendu vers l’Est (ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de Beit Hanina Jadida) et est situé entre Ramallah et Jérusalem. Beit Hanina est le foyer de Khaled Odetallah, un membre actif de la communauté depuis plusieurs dizaines d’années. Il a été le témoin en première ligne des effets brutaux de l’occupation coloniale et sioniste.
« Après 1967, l’occupation a annexé Beit Hanina à ses frontières municipales de Jérusalem. Les mesures de l’occupation et des confiscations des terres des villages ont continué depuis cette période et ont atteint leur apogée entre 1971 et 1995 ».
« La confiscation a été utile pour beaucoup de stratégies des sionistes. La première a été de construire des colonies sur nos terres. La colonie de Ramot à l’Ouest a été construite. Les colonies de Pisgat Ze’ev ont rapidement suivies. Les terres de Beit Hanina avaient à l’origine une superficie de 2.000 hectares. C’était le deuxième plus important village de Jérusalem après Lifta au Sud. Nos terres atteignaient le village de Kalandia au Nord, Lifta au Sud, Hizma à l’est ainsi que les villages de Nabi Samuel et Beit Iksa à l’Ouest. »
Jusqu’en 1950, les habitants de Beit Hanina dépendaient de deux principales sources d’agriculture : le futum oriental et le futu occidental. Ces noms viennent de la pratique durable de cultiver les deux zones de terre chacune à son tour, pendant des saisons différentes de l’année. Avec la confiscation de plus de 80% des 2.000 hectares de terres d’origine des villages, Khaled se souvient de la façon avec laquelle les terres ont été volées graduellement :
« Les deux mille hectares sont divisés de la façon suivante : 716 hectares ont été confisqués pour les colonies de Ramot Allon, Pisgat Ze’ev, Nabi Ya’acov et Atarot. 300 hectares ont été volés pour le parc de la colonie de Har Samuel.
C’est une « réserve naturelle » de 150 hectares qui est aussi constituée de terres prises à d’autres villages. La route des colons a pris 4.5 hectares. Cette route n’est pas comme une route normale mais ressemble à une base d’atterrissage pour avions. Elle est réservée pour les seuls israéliens et nous n’avons pas le droit de l’utiliser.
Maintenant le Mur de l’Apartheid est en train d’être construit sur 140 hectares et isole 700 hectares de terres. Ils (Israéliens) ont également installé une base militaire en haut de la colline, confisquant 34 hectares de nos terres. Tout ce qui nous reste c’est environ 200 hectares de terres. Le Mur entoure Beit Hanina sur trois côtés, Est, Ouest et au Sud, et relié à Bir Nabala par un chemin de terre. Auparavant, nous utilisions la route vers Beit Hanina Jadida, par la route de Jérusalem à Ramallah. Dans notre village, le Mur, quand il sera terminé, va annexer le double de ce qu’il annexait dans les autres villages du même canton dans lequel nous sommes forcés de vivre ».
« Cette attaque sioniste sur nos terres, la source de vie principale pour notre communauté, a été dévastatrice. Les gens de Beit Hanina qui vivent aux USA sont au nombre de 24.000 et beaucoup d’autres milliers vivent en Amérique Latine, en Jordanie et dans le Golfe. Il n’en reste plus que 2.000 dans notre village.
Le Mur va provoquer la destruction de milliers d’oliviers. Ces arbres sont vieux et ont été sur nos terres depuis les temps romains. De plus nos terres utilisées pour faire pousser des graines et paître nos animaux sont toutes détruites par le mur où se retrouvent isolées derrière lui.
Ils nous promettent maintenant des portails dans le Mur pour avoir accès aux terres mais nous savons ce que cela signifie : encore des confiscations. Nos familles dépendent des oliviers. Nous possédons des oliviers qui nécessitent deux ou trois jours pour la cueillette et qui produisent de 11 à 19 litres d’huile. Tout est en train d’être détruit ou isolé.
La partie Ouest de notre village s’appelle Khirbet Hazur et c’est un site archéologique. Sa terre et ses sources d’eau sont importantes. C’est un très beau site ancien cananéen. Il va être soit détruit soit volé.
La zone plus large est riche en sources d’eau : l’ancienne génération de notre village se souvient des 15 puits et des trois sources (Muzrab, Malqa et Abu Ziad) qui ont tous été confisqués pour le parc Nabi Samuel. »
Diviser le village, l’isolant de l’éducation
Les anciennes et nouvelles parties de Beit Hanina vont être coupées l’une de l’autre par le projet apartheid des forces d’occupation. Khaled note : « La route entre les deux sections est fermée depuis 2002. Le Mur va renforcer cette fermeture. 211 personnes sont devenues des chômeurs suite à cette fermeture. Tout le monde avait l’habitude de travailler dans la section Est (Beit Hanina Jadida) et dans le vieux Beit Hanina 27 ateliers et magasins ont fermé et quelque 217 personnes ont perdu leurs sources de revenus. Le lycée de filles du village recevait des écolières venant des villages de Beit Hanina Jadida, Beit Iksa et Jib. Cela a changé après la fermeture, le chiffre d’étudiants passant de 500 à 150 et continue à décroître chaque jour. »
« Avec le Mur, l’école est menacée. La nouvelle école de garçons est dans l’autre section de Beit Hanina et les garçons du village vont se trouver séparés de leur école.
En ce qui concerne les services de santé, toutes les institutions médicales se trouvent dans Beit Hanina Jadida et les personnes âgées dans le vieux village ne pourront pas les atteindre. Nous avons une clinique dans laquelle un médecin vient une fois par semaine mais la route à Bir Nabala est trop longue pour les cas d’urgences. Si quelqu’un a une crise cardiaque, le Mur nous oblige à voyager à travers Bir Nabala à Ram et de Ram à Hizma et c’est beaucoup trop long pour quelqu’un qui a besoin de soins immédiats. Avant la fermeture de la route vers le village, le trajet ne prenait que 10 minutes.
« La politique d’expulsion sioniste est évidente quand je raconte ce qui se passe à Beit Hanina. Mais ce qui se passe dans le village n’est qu’une partie d’un projet global qui est en train de se faire pour tout Jérusalem. Nous n’avons pas de potentiel pour nous étendre. Une grande partie de ce qui reste des terres du village sont des « zones vertes » où nous ne pouvons pas construire car les prix pour obtenir un permis de construire sont très élevés. Ceci est fait exprès pour nous empêcher de construire. Avec le Mur, l’occupation essaye d’expulser les gens de la ville et cela fait partie de la politique sioniste de judaïsation de Jérusalem. »
« Il n’y a pas de projet national en vue de résister au Mur.
Prenez par exemple les tribunaux. Les gens vont au tribunal avec l’idée de « sauver ce qui peut être sauvé ». Je pense, personnellement, que cela ne sert à rien d’aller au tribunal. Débattre du tracé du Mur et chercher à obtenir des modifications est ridicule. Quand la solidarité est minée, les gens cherchent des solutions individuelles. Pourtant ces avocats et ces ONG sont étrangers au désespoir des gens et à notre misère qui continue à cause des colonies et des confiscations ».