Israa Ja’abees est une jeune femme palestinienne de 33 ans, originaire du quartier de Jabal al-Mukabber à Jérusalem Est, partie palestinienne de la ville, occupée par Israël. Elle est mère d’un petit garçon âgé aujourd’hui de 10 ans et croupit dans une prison Israélienne depuis plus de trois ans et demi.
Elle a été condamnée à 11 ans pour avoir, selon le tribunal militaire israélien, tenté de tuer des soldats israéliens.
L’histoire d’Israa est une tragédie humaine provoquée par l’occupation, le racisme, l’oppression et l’injustice : elle a été arrêtée en octobre 2015 près d’un poste de contrôle militaire à l’entrée de Jérusalem, dans des circonstances dramatiques et a subi de graves brûlures.
Israa est titulaire d’une carte d’identité de Jérusalem, mais son mari et son fils possèdent une carte d’identité de Cisjordanie. Elle avait appris que si elle n’y vivait pas elle risquait de perdre son droit de résidence à Jérusalem - dans le cadre de la politique israélienne de réduction systématique du peuplement palestinien à Jérusalem. En y retournant elle se voyait contrainte de vivre séparée de son mari et de son fils.
Pour mémoire, depuis 1967 Israël a révoqué les permis de résidence de plus de 14.000 Palestiniens, les forçant ainsi à quitter Jérusalem.
Afin de préserver son droit à résidence à Jérusalem et de tenter d’obtenir des permis pour son fils et son mari, Israa y avait loué un nouvel appartement.
Le 11 octobre 2015, Israa a pris sa voiture pour déménager quelques affaires de Jéricho à Jérusalem. Selon son beau-père, la voiture avait du mal à démarrer ce jour-là et Israa a réussi après plusieurs tentatives à la mettre en marche. Mais dans le centre-ville de Jéricho, la voiture s’est arrêtée de nouveau ; des personnes l’ont aidée à pousser et elle est repartie. En arrivant à quelques centaines de mètres d’un checkpoint à l’est de Jérusalem occupée elle a perdu le contrôle de sa voiture et après quelques zigzags s’est arrêtée sur la voie de droite destinée aux autobus.
Pendant qu’Israa essayait de faire redémarrer sa voiture un policier israélien lui a fait signe d’arrêter, s’est approché d’elle et lui a demandé pourquoi s’arrêter à cet endroit. La difficulté à expliquer a été accrue du fait que le policier parlait hébreu et elle l’arabe, l’un ne comprenant pas la langue de l’autre. Elle a essayé de lui expliquer la panne de voiture et la difficulté de redémarrer. Dans le même temps de la fumée a commencé à sortir du véhicule et a envahi l’habitacle. Paniquée, Israa a ouvert la porte de son véhicule pour sortir mais le policier l’a poussée à l’intérieur en refermant la portière fortement sur sa main. Elle n’a pas pu rouvrir rapidement la portière alors qu’un incendie se déclarait à l’intérieur du véhicule, apparemment causé par un faux contact. Le policier, indemne, s’est éloigné pour contrôler la circulation laissant donc Israa dans le véhicule en flammes. Selon des témoins un chauffeur de la coopérative israélienne d’autobus « Egged » a même tenté de lui tirer dessus, affirmant qu’elle envisageait de faire sauter la voiture.
Israa Ja’abis a été grièvement brûlée sur 60% de son corps, notamment au visage et aux mains ; huit doigts ont été amputés lors de son hospitalisation. Elle a été transférée à la prison de Hasharon avant la fin de son traitement.
Malgré les rapports initiaux établissant qu’il s’agissait d’un incident survenu sur une voie de la circulation, la police israélienne a accusé par la suite Israa d’avoir tenté de mener une opération à la voiture piégée contre les soldats israéliens en poste au check-point. Les médias israéliens à leur tour ont rapporté qu’il s’agissait d’une opération visant des soldats israéliens.
Trois mois après Israa, toujours interdite de visite, a été soumise à de sévères interrogatoires et a subi diverses formes de pression, voire de torture physique et psychologique, en dépit de son état et de ses blessures.
Elle a été transférée ensuite à la prison de Ramleh, puis à la prison de Hasharon, enfin à la prison de Damon où elle purge depuis une peine de onze ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre.
Le 11 octobre 2015 restera gravé dans sa mémoire ; ce jour-là, sa vie a basculé dans la terreur, la douleur et la souffrance, emportant ses rêves et ses espoirs de réunir sa petite famille. Son histoire mêle la terreur de l’emprisonnement, le nettoyage ethnique de Jérusalem en cours, la violence à l’encontre des familles palestiniennes.
Depuis son arrestation Israa souffre énormément des brûlures qui lui ont causé des difformités corporelles : elle ne peut pas lever les bras, ses mouvements sont limités et la rendent dépendante car la peau est soudée à l’aisselle, son oreille droite est presque inexistante et souvent elle est victime d’infections graves, son nez est brûlé de l’intérieur - ce qui l’oblige à respirer par la bouche -, son œil, sa gencive et ses dents cassées la font souffrir. Elle a besoin d’un suivi médical d’urgence mais l’administration carcérale ne se soucie pas de ses souffrances et ne lui fournit pas les soins thérapeutiques nécessaires. Les services pénitentiaires israéliens lui refusent encore tout accès à un traitement hospitalier approprié pour les brûlures couvrant la majeure partie de son corps, depuis plus de trois ans et demi donc.
Le cas d’Israa est particulièrement grave mais des dizaines de prisonnières et des centaines de prisonniers blessés par balles lors de leur arrestation souffrent dans l’indifférence et le mépris des geôliers de l’occupation. La Commission chargée des affaires des prisonniers - anciennement Ministère des Prisonniers - a affirmé que la détenue Israa Ja’abis est soumise depuis son arrestation à une négligence médicale systématique et laissée seule face à sa douleur. Elle souffre beaucoup physiquement et psychologiquement et aurait besoin de plus de 8 interventions chirurgicales urgentes ; les retards dans l’administration des traitements nécessaires ne feront qu’aggraver son état de santé.
« Un traitement décent et des soins médicaux appropriés sont des droits fondamentaux pour les prisonniers » a déclaré la Commission, soulignant que les prisonniers palestiniens sont privés de leurs droits dans les prisons israéliennes en violation de la 4ème convention de Genève qui impose à l’occupant de respecter l’hygiène des prisonniers et de leur assurer les soins médicaux nécessaires.
L’association Addameer (association palestinienne de soutien aux prisonniers et de défense des droits de l’homme) signale qu’il existe une politique systématique de négligence médicale dans les prisons israéliennes où les prisonniers comme Israa Ja’abis se voient refuser les soins de santé appropriés et des visites médicales périodiques.
Lors de sa visite à la prisonnière blessée à la prison de Damon, l’avocate Israélienne Léa Tsemel a lancé à sa sortie un appel au secours pour sauver Israa et témoigné de la gravité de son état. Elle a appelé à des soins d’urgence pour soulager ses douleurs. « Être dans une prison israélienne est comme un processus de mort lente où la vie est enlevée de chaque veine vivante dans votre corps pendant que vos yeux sont grands ouverts » (citation extraite d’un texte paru dans le journal Forkane).
Sources : Maan, Addameer, Al - Jazeera, Quds Press International, Journal al-Forkane.
Traduction et synthèse des documents : M C
Groupe de travail AFPS prisonniers politiques palestiniens