C’était il y a 40 ans. L’été se terminait. La présence de l’OLP au Liban venait de prendre fin. L’héroïque résistance des commandos palestiniens avait duré suffisamment pour permettre la mise en place d’une force d’interposition franco-italo-étasunienne : la direction de l’OLP et ses forces militaires ont pu quitter le Liban avant le 1er septembre. Le plan du criminel Sharon « éliminer tous les terroristes » (c’est-à-dire la direction de l’OLP) n’avait pas réussi.
Le 15 septembre (lendemain de l’assassinat du président libanais Béchir Gemayel par un Libanais pro-syrien), Israël, reniant ses engagements, envoie son armée dans Beyrouth- Ouest où se situent les camps de Sabra et Chatila qui ont été évacués par les combattants de l’OLP à la fin du mois d’août : du 16 au 18 septembre, des milliers de civils palestiniens désarmés sont massacrés par les milices libanaises phalangistes (chrétiens d’extrême droite), sous l’oeil complaisant des soldats israéliens qui éclairent les deux camps avec de puissants projecteurs, ce qui facilite les massacres phalangistes. (cf Jean Genet : Quatre heures à Chatila).
La complicité passive était évidente et a été démontrée par le rapport Kahane, rapport de la commission d’enquête créée par le gouvernement israélien le 28 septembre 1982. Dans son rapport du 8 février 1983, elle conclut à la responsabilité directe des milices phalangistes et à la responsabilité indirecte des autorités israéliennes, notamment celle du Premier ministre (Menaghem Begin ; du ministre de la Défense, Ariel Sharon [dont la commission demande la démission]). Elle met en cause aussi la responsabilité des autorités libanaises et de l’ambassadeur étasunien à Beyrouth. On peut se demander si le rôle de la commission Kahane était bien de faire la lumière sur les responsabilités israéliennes dans les massacres de Sabra et Chatila… ou seulement d’établir un pare-feu, quitte à sacrifier le pion Sharon, pour éviter que l’opprobre mondial ne rejaillisse trop violemment sur Israël et ses dirigeants, alors que leur responsabilité était de mieux en mieux établie ? Poser la question, c’est bien évidemment y répondre…
Mais n’était-ce que de la complicité passive ? L’ouverture progressive d’archives israéliennes et leur publication montrent que cette complicité allait bien au-delà : en 2012, le chercheur de l’université Columbia, Seth Anziska, « démontre la planification du massacre de Sabra et Chatila par Israël ainsi que la complicité des représentants américains » (D. Vidal, Mediapart, 14-09-2022). Ces massacres (comme bien d’autres de Deir Yassine à Srebrenica et Boutcha) « sont un instrument de guerre utilisé par des pouvoirs criminels pour modifier la démographie et redéfinir les frontières communautaires ». Ce ne sont pas des « vengeances spontanées » mais « des plans stratégiques prémédités » (Leila Shahid, citée par D. Vidal). Et j’emprunte une phrase à D. Vidal pour conclure : « Face à l’Histoire, Israël ne pourra plus dissimuler ses responsabilités, indirectes ET directes, dans ce massacre à caractère génocidaire ».