Il fallait se dépêcher. Non pas tant parce que les Palestiniens continuent de mourir par dizaines chaque jour à Gaza, mais parce que le vendredi approchait. A la Tour de verre de New York, les Etats arabes montraient des signes croissants de nervosité : il s’agissait d’obtenir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, fût-elle largement déclamatoire, avant le jour de la grande prière, afin d’éviter que la rue arabe ne s’embrase. La résolution, la 1860, a été adoptée jeudi soir. Elle « appelle » à un cessez-le-feu immédiat entre le Hamas et Israël. Elle est passée sans aucune opposition. Les Etats-Unis, le plus fidèle allié des Israéliens, se sont abstenus.
Un texte purement symbolique, après treize jours de pilonnage israélien qui ont provoqué quelque 800 morts ? « Nous sommes tous conscients que la paix se fait sur le terrain, tandis que les résolutions sont écrites aux Nations unies. Notre travail ici consiste à soutenir les efforts de paix sur le terrain et à convertir les beaux mots en changements sur le terrain, qui sont désespérément nécessaires », a commenté le chef de la diplomatie britannique, David Miliband qui, comme ses collègues français et américaine ainsi que de nombreux ministres arabes, avait décidé de prolonger son séjour à New York jusqu’à l’adoption du texte.
Pendant les trois jours précédents, pourtant, les Etats-Unis de Condoleezza Rice s’étaient opposés avec la dernière énergie à toute prise de position commune, même sous la forme d’une simple déclaration non contraignante. « La secrétaire d’Etat a passé sa journée de jeudi au téléphone avec (le premier ministre israélien) Ehoud Olmert. C’est lui, en réalité, qui a négocié mot à mot le contenu de la résolution », souligne une source diplomatique proche du Conseil de sécurité. Aussitôt le texte approuvé, aussi bien Israël que le Hamas l’ont rejeté.
Ne pas entraver l’Egypte
Souci de ne pas trop heurter les alliés arabes « modérés », au premier rang desquels l’Egypte et l’Arabie saoudite ? Obligation de répondre aux pressions internationales, qui se renforcent à mesure que les humanitaires dressent le tableau des conditions qui règnent à Gaza ? La secrétaire d’Etat sortante expliquait, après l’adoption du texte, que les Etats-Unis « soutiennent pleinement les objectifs » de cette résolution. Elle justifiait l’abstention de son pays par le fait qu’il ne voulait pas... « entraver » l’initiative de l’Egypte et de la France qui vise, elle aussi, à obtenir la fin des combats. « Le Conseil de sécurité a fourni une feuille de route pour une paix durable à Gaza », résumait-elle.
De fait, il est apparu clairement depuis le début de l’offensive israélienne que l’administration américaine actuelle entendait laisser le champ libre à son allié. Une majorité des observateurs américains estime cependant qu’Israël ne compte pas embarrasser Barack Obama en poursuivant les combats après sa prise de fonctions le 20 janvier. Pour ce faire, le cadre se doit d’être d’ores et déjà préparé, ce qui pourrait être l’objectif réel de cette résolution, sur laquelle on pourra s’appuyer le moment venu. A estimer que d’ici là Israël puisse proclamer que ses objectifs (qui restent jusqu’ici particulièrement peu clairs) ont été atteints. Et à estimer aussi que la machine militaire puisse être arrêtée dans les temps.