Quand le projet sioniste commence à se concrétiser au début du XXe siècle, environ 750 000 Palestiniens vivent en Palestine. Selon l’historienne Sandrine Mansour « au sein de cette population majoritairement musulmane, on trouve 11 % de chrétiens et environ 5 % de juifs. Il s’agit d’une population arabe, toutes religions confondues, assez typique du Moyen-Orient. Les villes principales sont Haïfa, Jérusalem et Jaffa ». Conforté par la Déclaration Balfour qui en 1917 « donne » la Palestine aux juifs pour y construire un foyer juif, le projet colonial s’amplifie. La population juive et la terre qu’elle cultive triplent de 1917 à 1948, date de la création officielle de l’État d’Israël. Les colonies juives sont multipliées par 10. Mais c’est le génocide des juifs en Europe qui transforme un mouvement minoritaire en une migration coloniale majeure. Le 29 novembre 1947 les Nations unies votent le plan de partage de la Palestine pour y créer deux États, juif et arabe, Jérusalem et Bethléem restant sous statut international.
Avant 1948 des milices juives procédaient déjà à un nettoyage ethnique. Mais c’est le village de Deir Yassin, sauvagement attaqué le 9 avril 1948, qui est emblématique de cette politique de terreur. Il s’agissait déjà de pousser la population autochtone à fuir ses foyers pour s’en emparer. On estime à 800 000 (sur environ 1 400 000 en 1948), les Palestiniens qui furent chassés de chez eux par les milices, future ossature de l’armée israélienne. Les photos de l’exode rappellent sinistrement celui vécu en France occupée. Selon Ilan Pappé, historien israélien, le plan Daleth était conçu depuis mars 1947 : environ 70 massacres, plus de 500 villages partiellement détruits ou rasés, des quartiers des villes palestiniennes vidés de leurs habitants pour y loger des colons. La Nakba commençait.
Quand en 1949 les maigres armées arabes qui s’étaient levées dès mai 1948 reconnurent leur défaite, Israël occupait 78 % de la Palestine historique. Les Palestiniens étaient devenus des réfugiés : ils avaient perdu leurs biens, leur terre et ses ressources, et subissaient désormais une politique délibérée d’anéantissement de leur identité : noms et nature des lieux transformés, effacement de la mémoire, de la culture et de l’histoire de la Palestine. En juillet 1948 Ben Gourion déclarait : « Il faut nous assurer qu’ils ne reviennent pas. Les vieux mourront et les jeunes oublieront ». Souvent le seul bien sauvegardé fut la clé de leur maison. Seuls près de 150 000 Palestiniens restèrent dans ce qui était devenu Israël où ils furent souvent déplacés de force et soumis à un régime militaire jusqu’en 1966.
Les expulsés qui vivaient au Nord fuirent en Syrie et au Liban, ceux du centre à Gaza et en Cisjordanie puis au-delà. Dans les pays d’accueil le temporaire se transforma en permanence et la situation des réfugiés dans des camps insalubres et surpeuplés était souvent critique. L’UNWRA, organisme des Nations unies dédié aux centaines de milliers de réfugiés palestiniens, fut créé en 1949 afin de leur fournir les services élémentaires : nourriture, santé, éducation, assistance juridique, aide psychologique.
Dans les 59 camps (8 à Gaza et 19 en Cisjordanie) l’UNWRA fournit des services à environ 7 millions de réfugiés.
Jusqu’en 1967, un statu quo régna en Palestine où l’identité politique palestinienne s’affirmait, avec la création de l’OLP en 1964. En 1967 Israël lança une « guerre préventive » qui en 6 jours aboutit à l’occupation de ce qui restait de la Palestine et aussi du Sinaï et du Golan. Ce fut la Naksa, le deuxième exil : 300 000 Palestiniens chassés de chez eux, certains pour la deuxième fois, de façon très organisée par Israël. Des villages furent rasés (Jiftlik, Beit Nuba, Emwas…), ainsi que le quartier des Maghrébins à Jérusalem et des camps furent vidés de leurs habitants (Aqabat Jaber, Ein el Sultan). Les réfugiés vécurent la permanence de l’exil. En novembre 1967 les Nations unies votaient pourtant la résolution 242 qui « exige le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit » et demande « un juste règlement du problème des réfugiés ».
Pour beaucoup, ce ne fut qu’une étape avant un départ vers des pays plus lointains, jusqu’au continent américain. Dans nombre de ces pays d’accueil, la situation était souvent précaire, les discriminations fortes, des massacres et des expulsions eurent lieu. Pour beaucoup, la vie était en fait de la survie, et le reste à ce jour.
Avec le processus d’Oslo en 1993, certains crurent à une avancée. Mais la réalité les a démentis : la colonisation s’est intensifiée, le vol de la terre et des ressources, les agressions des militaires ou des colons (plus de 650 000 en Cisjordanie) témoignent aujourd’hui encore de la volonté israélienne de faire de la Palestine la « terre sans peuple » inventée par les premiers sionistes. En violation constante du droit international et dans le silence complice des États qui normalement devraient en être les garants. Pour autant, malgré la fragmentation sociale, la séparation géographique, le blocus, l’occupation et l’intense violence coloniale, l’exigence de tous les réfugiés demeure : l’application du droit au retour, conformément à la résolution 194 de l’ONU votée en 1948.