L’épais brouillard, qui a empêché George W. Bush de se poser en hélicoptère, faisait peser une atmosphère glaciale sur un centre-ville presque désert, en raison des bouclages imposés par la police palestinienne. Les habitants des quartiers environnant la Mouqataa, le siège de la présidence, avaient reçu la consigne de ne pas se pencher aux fenêtres ou aux balcons, au risque d’être pris pour cible par les tireurs d’élite américains postés sur les toits.
« Si l’Autorité veut le recevoir, c’est son affaire. En tous cas, le peuple ne veut pas de lui », lançait un marchand ambulant, au moment où les forces de sécurité palestinienne dispersaient une poignée de manifestants qui tentaient de marquer leur opposition à la venue du « criminel de guerre Bush » sur la place Manara.
Dans son échoppe où s’alignent les portraits de Gamal Abdel Nasser, Che Guevara, Jésus ou Yasser Arafat, le dessinateur Walid Ayoub, n’a pas pris la peine d’afficher celui de George W. Bush. « Si je dessine le portrait de Bush, je ne pourrai jamais le vendre. Toutes les catastrophes du Proche-Orient, de l’Irak au Liban et jusqu’à chez nous, c’est à cause de lui. Tout ce que nous avons subi pendant huit ans, toutes les invasions israéliennes, il aurait pu l’empêcher s’il avait dit un seul mot », dit-il, résumant le sentiment d’indifférence teintée d’hostilité vis-à-vis d’un président américain perçu comme un allié indéfectible d’Israël.
Bush demande à Israël de mettre fin à « l’occupation qui a débuté en 1967 »
Georges W. Bush a pourtant insisté au cours de sa conférence de presse avec Mahmoud Abbas sur l’engagement des Etats-Unis à parvenir à l’établissement d’un Etat palestinien avant la fin de son mandat, en janvier 2009, assurant qu’il ne s’agira pas d’un « Etat gruyère », sans continuité territoriale.
Evoquant les nombreux check-points qui entravent les déplacements des Palestiniens à l’intérieur de la Cisjordanie, le président américain a reconnu la « grande frustration pour les Palestiniens » tout en disant comprendre que « les check-points créent un sentiment de sécurité pour Israël ». Un peu plus tard dans la journée, à Jérusalem, le président américain a demandé à l’Etat hébreu de mettre fin à « l’occupation qui a débuté en 1967 », un terme connoté, rarement utilisé en Israël où l’on préfère parler de territoires « disputés » plutôt que de territoires « occupés ».
Georges Bush n’a en revanche presque pas évoqué la bande de Gaza, se contentant de dire que le Hamas, qui contrôle désormais ce territoire, n’avait apporté que des « souffrances » au peuple palestinien. Le sort de la bande de Gaza et des 1,5 million de Palestiniens qui y vivent, sous l’administration du mouvement islamiste, est pourtant la plus grosse hypothèque qui pèse sur un éventuel accord de paix.
Le président américain s’est ensuite rendu à Bethléem pour visiter la basilique de la Nativité, comme l’avait fait avant lui un autre président américain, Bill Clinton, en décembre 1998. A l’époque, Bill Clinton avait été chaleureusement accueilli à Gaza par Yasser Arafat. George W. Bush, de son côté, a refusé de se rendre sur le mausolée de l’ancien président palestinien, qu’il n’a jamais voulu recevoir à la Maison Blanche, l’accusant de tremper dans le « terrorisme ».
Le poids de Washington sera-t-il suffisant pour faire avancer les négociations israélo-palestiniennes ? Dans son petit restaurant de Ramallah, Boulos Mughnamy veut y croire. « Le fait qu’un président américain vienne ici est un grand pas. C’est le signe que les Etats-Unis ont accepté l’idée que les Palestiniens doivent avoir un Etat. Je crois que cette visite va ouvrir des portes » confie-t-il, avant d’ajouter : « Même si je suis l’un des rares à penser cela ».