Reste que l’éviction de cet économiste internationalement respecté pourrait coûter aux Palestiniens plusieurs centaines de millions de dollars en aide occidentale, signifier la fin de l’assistance américaine dans la formation de leurs forces de sécurité et compromettre les efforts destinés à obtenir un soutien aux Nations unies en faveur de la création d’un Etat palestinien.
Au sein même du Hamas, Salam Fayyad est perçu comme un laquais de l’Occident et, dans les rangs du Fatah, sa popularité est jugée plus importante que celle du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ; toutes considérations qui pourraient bien signer son arrêt de mort politique.
"Tant le Fatah que le Hamas ne veulent pas de Fayyad pour Premier ministre", souligne le Palestinien Hani Nasri, qui a joué les médiateurs entre les deux factions. "Rien n’est impossible en politique mais jusqu’à présent, Fayyad n’a la préférence d’aucun des camps."
Agé de 59 ans, Fayyad s’est attiré des soutiens à l’étranger et sur la scène intérieure en raison de son opposition à la violence et de ses efforts pour poser les jalons d’une indépendance palestinienne. Détenteur d’un doctorat d’économie de l’université du Texas à Austin, cet ancien responsable du Fonds monétaire international (FMI) est reconnu pour sa lutte contre la gabegie et la corruption qui prévalaient sous la présidence palestinienne de feu Yasser Arafat.
Un sondage -d’une marge d’erreur de plus ou moins cinq points de pourcentage- diffusé dimanche témoigne aussi de son immense popularité : 58% des 420 personnes interrogées en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza disent souhaiter le voir tenir les rênes du nouveau gouvernement.
Homme politique indépendant, Salam Fayyad est devenu Premier ministre en 2007 après l’effondrement d’un gouvernement d’unité de courte durée entre le Fatah et le Hamas. Depuis, il dirige l’administration en Cisjordanie tandis que le Hamas gouverne dans la Bande de Gaza.
Les profondes divisions entre les gouvernements rivaux ont constitué un sérieux obstacle à la poursuite d’un objectif majeur pour les Palestiniens, à savoir l’unification des Territoires au sein d’un Etat indépendant. La semaine dernière cependant, les deux factions ont annoncé le projet de former un gouvernement provisoire jusqu’à la tenue de nouvelles élections l’an prochain.
Le pacte de réconciliation a été signé mercredi au Caire. Mais le nom du Premier ministre n’a pas encore été discuté, selon des responsables.
Le Hamas étant considéré comme un groupe terroriste par Israël et les Occidentaux, toute connexion manifeste avec le mouvement de la résistance islamique pourrait menacer ce que les Palestiniens ont obtenu ces dernières années [1].
Salam Fayyad est engagé dans les dernières étapes d’un plan de deux ans destiné à montrer que les Palestiniens sont prêts pour l’indépendance. Il a supervisé les efforts visant à mettre de l’ordre dans les forces de sécurité palestiniennes, déchirées par les rivalités et minées par un manque de discipline. Son gouvernement a construit de nouvelles écoles, supervisé des projets de travaux publics et d’infrastructures routières, assuré la promotion du développement économique. Résultat : il reçoit aujourd’hui près d’un milliard de dollars d’aide occidentale (environ 672 millions d’euros) par an.
Mais ces succès valent à Salam Fayyad l’inimitié de nombreuses personnes sur le plan intérieur, à commencer par les fidèles de Mahmoud Abbas qui l’accusent de vouloir accaparer toute l’attention. Des proches d’Abbas ont confirmé sous le couvert de l’anonymat que ce dernier n’était pas enthousiaste à l’idée de garder Fayyad mais que le président n’avait pas encore arrêté de décision et savait combien son Premier ministre était important pour la cause palestinienne.
Du côté du Hamas, certains jugent que le maintien de Fayyad à la tête du gouvernement serait une insulte pour le Premier ministre du mouvement islamiste dans la Bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh, qui devrait perdre son poste.
Interrogé sur son avenir, Salam Fayyad a refusé de se prononcer. "Il incombe aux partis de décider", a-t-il dit, soulignant que le principal objectif était l’unité et non le nom du prochain Premier ministre.
Malgré l’hostilité qu’il suscite, les Palestiniens pourraient bien être contraints de le conserver, sans compter le manque de candidats crédibles au poste de chef de gouvernement. Parmi les autres noms mentionnés figurent ceux de l’homme d’affaires Mounib Masri et du militant politique Moustapha Barghouti. Mais le septuagénaire Masri souffrirait de problèmes de santé tandis que Barghouti ne bénéficie que d’un faible soutien populaire.