Je me pose objectivement la même question. Cette question me travaille, moi et sûrement d’autres personnes. Que peuvent faire de plus les Palestiniens – qu’il s’agisse des dirigeants, du peuple ou du mouvement révolutionnaire - pour atteindre leur objectif d’un état palestinien ? En laissant de côté les problèmes internes – problèmes que nous devrons, nous Palestiniens, régler seuls – je ne crois pas que nous puissions faire grand-chose de plus, hormis capituler sans conditions. Ce qui, chers amis, est exclu.
La question doit surtout s’adresser à la communauté internationale, aux pays occidentaux en particulier - à l’exclusion d’Israël, bien entendu – puisque ce dernier n’a pas l’intention d’aider les Palestiniens dans leur quête d’un état. Qu’attend-on des Palestiniens ? Qu’ils se lancent dans un processus de paix ? Ils l’ont déjà fait. Qu’ils renoncent à la violence ? Même réponse. Qu’ils acceptent un état s’étendant sur 22 % de la Palestine historique ? Cela aussi, ils l’ont fait. Aujourd’hui, après le désastre initial de 1948 et alors que l’occupation israélienne perdure depuis 45 ans, la question demeure aussi brûlante et actuelle qu’au moment où nous avons perdu la Palestine.
Si l’on retrace l’histoire de la révolution palestinienne, on s’étonne de ses rebondissements. Ce qui commença par le vœu solennel de libérer toute la Palestine par la lutte armée s’est mué en revendication d’un état palestinien tronqué incluant la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem-est, une rognure par rapport au territoire palestinien d’avant la guerre de 1948.
Ayant accepté un gouvernement sans État et une Autorité sans souveraineté, les Palestiniens se retrouvent, aujourd’hui, dans un no-man’s land politique. Ils ne peuvent ni reprendre la lutte armée et porter la casquette de mouvement révolutionnaire ni constituer un Etat et un gouvernement indépendants, totalement maîtres de leur destin. Ils sont tout cela et rien à la fois, et ils ont payé pour cela un prix élevé. La question est de savoir pourquoi ils sont toujours sous occupation, toujours sans Etat, toujours marginalisés ?
A propos de résistance, par exemple, le droit international garantit le droit d’un peuple sous occupation d’y résister par tous les moyens. Pourtant, la communauté internationale a considéré cette option d’un mauvais œil et les dirigeants palestiniens ont adopté une forme plus "acceptable" : la résistance populaire non violente. Les Palestiniens, et les militants internationaux qui manifestent leur solidarité en venant les soutenir, affrontent des soldats et des colons israéliens lourdement armés avec pour seule défense leur courage, leur détermination et leur foi en leur cause. Ils se font tuer, blesser, expulser et emprisonner sans que la communauté internationale ne trouve grand-chose à redire. Entre-temps, on laisse les colonies – incontestablement illégales selon le droit international – se développer et se répandre comme un feu de brousse. Devant ces atrocités, la communauté internationale secoue légèrement la tête, déclare ces violations “préoccupantes” et ferme les yeux.
La question centrale est la suivante : si le monde reconnaît aux Palestiniens le droit d’exister et de vivre dans la dignité dans leur propre Etat palestinien indépendant, que nous demande-t-on de plus ?
Une question essentielle, aujourd’hui plus que jamais. Plus de 2 000 prisonniers mènent une lutte extrêmement courageuse, derrière les murs des prisons israéliennes. Certains sont sur le point de mourir, suite à leur grève de la faim, autre moyen de résistance non violente qui n’a pas reçu l’attention et le respect mérités. Et tous ont déclaré qu’ils n’arrêteraient que lorsque leurs revendications seraient satisfaites. Si ces prisonniers meurent, il n’y a plus rien à espérer.
Personne ne peut dire quelle réaction ni quel renversement de situation il s’en suivra. Si leurs filles et leurs fils devaient mourir de faim, les Palestiniens – les dirigeants et le peuple – ne demanderont plus à la communauté internationale ce qu’ils peuvent faire de plus. Si l’on déchaîne cette colère-là, la communauté internationale en portera seule la responsabilité.
Joharah Baker est rédactrice pour le Service Médias et information de la Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH). On peut la contacter au : mid@miftah.org