Au cours de son séjour qui coïncidera avec la réunion, à Paris, de la conférence internationale sur la Syrie à laquelle doivent participer une centaine de pays occidentaux et arabes, Mahmoud Abbas doit rencontrer la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, les ministres des Affaires étrangères français, britannique, norvégien et allemand, avant d’être reçu vendredi vers 19 heures par François Hollande.
Alors que la situation en Cisjordanie et à Gaza, est jugé "préoccupante" par un diplomate palestinien en raison de la crise financière que traverse l’Autorité palestinienne, dans l’impossibilité de payer à temps ses fonctionnaires, Mahmoud Abbas doit affronter la colère de ses compatriotes qui protestent depuis la semaine dernière contre la brutalité de sa police. Samedi dernier, plusieurs jeunes manifestants qui défilaient à Ramallah pour protester contre un projet de rencontre entre Mahmoud Abbas et le vice-premier ministre israélien Shaul Mofaz avaient été violement frappés par les policiers. Sept d’entre eux avaient été interpellés et trois autres avaient dû être hospitalisés à la suite des coups reçus, tandis que plusieurs journalistes avaient été agressés. Une brise de "printemps palestinien" soufflait sur Ramallah.
La colère des Palestiniens
Moins de dix mois après avoir été accueilli en héros à son retour de New York où il avait plaidé devant l’Assemblée générale des Nations unies pour l’admission de la Palestine, Mahmoud Abbas est confronté à la mauvaise humeur de la population palestinienne, déçue de l’indifférence de la communauté internationale, lasse de la confrontation avec des difficultés économiques récurrentes, exaspérée par les rumeurs de corruption et d’enrichissement qui visent de nouveau certains dirigeants, et surtout, désespérée devant l’interminable agonie du processus de paix. A cela s’ajoute l’activisme, sur le terrain politique, social et diplomatique du Hamas, encouragé par l’élection en Egypte d’un président membre des Frères musulmans, c’est-à-dire issu de la même matrice politico-religieuse que les responsables du Hamas.
Désormais convaincus que l’administration Obama, qui a multiplié ces derniers mois les concessions à Benjamin Netanyahou – malgré les véritables provocations que constituent les décisions du gouvernement israélien en matière de développement de la colonisation – ne prendra aucune initiative spectaculaire avant l’élection présidentielle américaine de novembre, les dirigeants palestiniens estiment que l’Union européenne et les nouveaux responsables français pourraient – devraient ? - passer à l’offensive sur le terrain diplomatique en soutenant la candidature de la Palestine à l’ONU et en avançant leur propres propositions pour la reprise du processus de paix, s’il est encore temps.
Un plan Mofaz ?
La rumeur a même circulé, au début de cette semaine que l’ancien général Shaul Mofaz, nouveau chef du parti Kadima, qui vient de rejoindre la coalition gouvernementale de Netanyahou, pourrait aussi se rendre dans les prochains jours à Paris pour y rencontrer Mahmoud Abbas. Pour l’instant, cette rumeur n’a reçu aucune confirmation.
Les diplomates Palestiniens font observer que le "plan" de négociations évoqué à plusieurs reprises par Shaul Mofaz est fondé sur le principe des "frontières temporaires", qu’ils jugent inacceptable. Ils relèvent aussi que le Premier ministre israélien ne partage pas, sur ce point les positions de son nouvel allié et que les deux hommes se sont récemment accrochés à plusieurs reprises à ce sujet.
La presse israélienne révelait aussi mercredi qu’un autre contentieux oppose aujourd’hui les deux hommes : Mofaz entend faire adopter par le gouvernement les conclusions d’une commission qui se prononce en faveur de l’enrôlement dans l’armée et dans le service civil des juifs ultra-orthodoxes et des arabes israéliens. Netanyahou, qui est hostile à cette mesure, difficile à faire accepter à son électorat religieux, a purement et simplement décidé de dissoudre la commission en question. Décision qui a conduit Mofaz à menacer de quitter la coalition…
Le moins que l’on puisse dire est que les conditions ne sont pas réunies, côté israélien, pour une percée diplomatique de nature à ressusciter le processus de paix. Mahmoud Abbas parviendra-t-il, comme il l’espère, à convaincre les Européens et l’administration Obama, confrontés au sanglant dossier syrien et aux conséquences parfois déroutantes, voire inquiétantes, des révoltes arabes, que la solution du problème palestinien est dans l’intérêt de la région, de la communauté internationale et pas seulement des peuples israéliens et palestiniens ? Rien n’est moins sûr.