Comme nous en faisions déjà l’analyse lors de notre dernier Conseil national [1], la situation au Proche-Orient se caractérise à la fois :
par une impasse durable, dont la poursuite du siège israélien implacable et illégal imposé à un million et demi de Gazaouis -un an après l’offensive meurtrière israélienne- et les faits accomplis de la colonisation sous toutes ses formes sont la traduction au quotidien,
et en même temps par des contradictions notamment dans le rapport des forces internationales ;
Il convient de l’observer de près si l’on veut se donner les moyens de peser le plus efficacement possible, singulièrement sur la politique française et européenne, pour imposer une sortie de cette impasse.
Depuis notre dernière réunion, plusieurs événements importants –voire historiques- sont intervenus.
Je vais en citer quatre, qui du reste constitueront pour partie la trame de cette introduction.
a. L’adoption du rapport Goldstone par la majorité tant du conseil des droits de l’Homme des Nations unies et par l’Assemblée générale de l’Onu. C’est une défaite politique, morale, historique pour Israël, qui peut avoir des conséquences juridiques non négligeables. Il a été adopté en dépit d’une intense campagne de Tel-Aviv et de ses alliés. La France, elle, a osé, alors que ce qui était en jeu était de se prononcer sur les suites à donner à des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’Humanité, ne pas participer au vote dans le premier cas, s’abstenir dans le second, rompant avec les principes officiels de la République depuis De Gaulle. Je ne reviendrai pas ici dans le détail de l’analyse ni du rapport et de ses recommandations, ni du rapport des forces qu’il indique et induit, notre analyse est sur notre site. Si vous voulez bien, je reviendrai cependant sur quelques enseignements importants de ce moment.
b. L’issue négative du bras de fer de six mois entre l’administration de Barack Obama et le gouvernement de Benyamin Netanyahu quant au gel de toute colonisation y compris à Jérusalem-Est, comme préalable à la reprise de la négociation, interrompue depuis l’offensive israélienne dans la bande de Gaza l’hiver dernier.
Il s’agira là de tenter de voir :
– ce dont il s’agit
– avec un bref rappel de l’état des lieux de la colonisation et de ce qui se joue en particulier à Jérusalem
– et de tenter d’esquisser une analyse de l’évolution de la position américaine, de ses causes et de ses conséquences.
c. L’adoption par les 27 Etats de l’UE d’une déclaration importante sur Jérusalem, qui fait suite à un autre « bras de fer », cette fois entre la logique suédoise et la logique française. Il me semble important là aussi d’interroger :
– ce que sont ces deux logiques
– la signification de cette résolution, à la fois eu égard au contexte et dans une perspective historique
– également les contradictions, plus largement, de la politique européenne
d. Dans ce contexte, la double décision de Mahmoud Abbas :
– de ne pas retourner, dans la situation créée par la question de la colonisation, à la table des négociations
– de ne pas se présenter aux prochaines hypothétiques élections
Ce qui nous amène à regarder à la fois
– l’analyse sur laquelle s’appuient ces décisions dans le temps long des 16 ans de l’après-Oslo
– les scénarios possibles, notamment en fonction de l’issue de « l’échange de prisonniers », et quant à l’Etat palestinien.
Dire cela, c’est évidemment tenter de mettre en lumière les responsabilités qui sont les nôtres, qui sont celles du mouvement de solidarité. Ce qui interviendra dans la suite de ce Conseil national.
I.Le rapport Goldstone, sa double adoption : un point d’appui historique dans la lutte contre l’impunité d’Israël.
(Cette partie se fonde sur l’analyse déjà proposée et publiée, je n’y reviens pas ici en détails)
1. rappel des enjeux principaux
– Ce rapport accuse Israël et, dans une moindre mesure, des groupes armés palestiniens, de « crimes de guerre » et de « possibles crimes contre Humanité ». Dans une moindre mesure, parce qu’il n’est pas possible de mettre sur un pied d’égalité occupant et occupé, assiégeant et assiégé, agresseur et agressé ; en revanche, les mêmes règles de droit s’appliquent à tous, le droit est indivisible. Ce rapport fait aussi des recommandations précises (enquêtes indépendantes, dans un délai d’un mois, sanctions contre les responsables, faute de quoi doivent être saisis le conseil de sécurité de l’Onu et la Cour pénale internationale. Est mise en évidence, et c’est pour notre combat extrêmement important, la nécessité de la lutte contre l’impunité comme condition de la paix.
– Nous pouvons mettre surtout en évidence la contradiction entre :
– d’un côté, les exigences de la majorité du Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu, de l’AG de l’Onu, mais également des citoyens qui dans le monde entier, en particulier depuis un an expriment leur émotion, leur colère voire l’exigence de sanctions et de respect des droits humains et du Droit
– de l’autre : le veto des Etats-Unis et la position française
2. La panique israélienne
– en moins d’un mois, Israël a été désavoué par deux fois dans sa politique et le narratif qui l’accompagne, c’est une première historique
– sa panique se joue donc à la fois sur le fond et quant aux menaces juridiques
– Tel-Aviv à la fois plaide l’« armée la plus morale du monde » et réclame une réécriture du droit international.
3. rapport de forces internationales (et la politique française)
– si ce rapport reste sans suite, c’est du fait du refus de sanctions contre Israël d’Etats tels, en Europe, que la France.
– Pire encore concernant notre pays : notre gouvernement revendique l’intensification de la collaboration tous azimuts avec Israël (cf. les propos d’Anne-Marie Idrac concernant les coopérations à développer et l’appui français à la demande israélienne d’intégrer l’OCDE ; cf. l’accord signé avec M.Estrosi ; cf. les initiatives de Georges Frêche ; cf. les choix de Nicolas Sarkozy lequel, tout en refusant de prendre acte des choix démocratiques en Palestine, reçoit Benyamin Netanyahu le 11 novembre dernier -un 11 novembre,,jour symbole de paix…, n’a toujours pas reçu Madame Hamouri ; cf. Bernard Kouchner, lequel déclare à radio Kol Israël le 18 novembre dernier que les décisions israéliennes de construire de nouvelles habitations coloniales à Gilo relèvent d’un choix municipal, qu’il s’agit certes d’un obstacle mais que plutôt que de parler des obstacles il vaudrait mieux se focaliser sur le dialogue politique, ce qui est exactement la rhétorique israélienne…).
– Tout ceci met d’autant plus en lumière le travail que nous avons à faire vis-à-vis de la politique française.
4. Brièvement, deux mots de rappel de la situation actuelle dans la bande de Gaza
– Un million et demi de Palestiniens manquent de tout (chacun ici le sait) eau, nourriture, médicaments, chaussures et vêtements, matériaux de constructions, les pharmacies ont été prises d’assaut et manquent de masques de protection et de gel désinfectant pour les mains.
– L’Egypte construit une barrière d’acier souterraine pour empêcher l’approvisionnement par tunnels, fermant au prétexte sécuritaire la seule voie d’approvisionnement en produits de survie.
II.Négociation ou dépossession : le test réussi par Benyamin Netanyahu dans le bras de fer avec Barack Obama :
1.Rappel du deal :
ce qui était exigé : le gel complet de toute activité de colonisation, y compris à Jérusalem-Est, comme préalable à la reprise de la négociation.
Finalement, Benyamin Netanyahu annonce un gel sur dix mois, mais pas de ce qui est déjà engagé (3000 « unités », qui prennent entre 18 et 24 mois pour être construits, ne concernant pas Jérusalem, ni les infrastructures.
Hilary Clinton le décrit comme « un pas en avant sans précédent ».
C’est donc un recul américain sur le fond.
– Rappel : (AFP 11 décembre) : Benny Begin, ministre sans portefeuille, représentant au gouvernement l’aile dure du Likoud, qui fait partie de la commission interministérielle chargée de la mise en application du « moratoire », déclare lors d’une réunion à Tel-Aviv jeudi soir (ses propos ont été diffusés vendredi par la radio) : « Il ne s’agit pas d’un véritable gel. Nous n’avons pas décidé de geler la vie dans les implantations mais uniquement d’imposer certaines limites à la construction » en Cisjordanie. « Pendant ces 10 mois s’ajouteront au moins dix mille résidents aux 300.000 qui y vivent déjà ». Benyamin Netanyahu réitère quant à lui dimanche 6 décembre sa promesse de reprendre la construction dans les colonies de Cisjordanie occupée dès la fin du moratoire. « C’est une décision unique et temporaire, pas un gel illimité ».
Le bureau du Premier ministre a souligné l’intention de celui-ci d’investir 28 millions de dollars de crédits supplémentaires pour des colonies de Cisjordanie occupée selon un porte-parole (10 décembre).
– Ehud Barak, lors d’une rencontre avec le conseil des colons, les rassure sur le fait que les principaux blocs de colonies en WB ne seront pas touchés. C’est, selon lui, une « partie inséparable d’Israël dans futures négociations avec les Palestiniens ». Et il précise que « la Vallée du Jourdain et la Mer morte sont des régions qui sont dans mon cœur ». (cité par Miftah, 5 décembre 2009).
Cela a évidemment un sens quant au contenu de la négociation que le gouvernement israélien prétend être prêt à reprendre, et quant à l’issue qu’il veut y donner.
– Dans les faits, où en est la colonisation
(Selon le Ha’aretz du 021209) : le « mur » est pour 86% de son tracé construit à l’intérieur de la Cisjordanie. Cela représente 385.000 colons inclus dans les zones de facto annexées, dans 80 colonies dont 12 à Jérusalem ; et coupe 285.000 Palestiniens du reste de la Cisjordanie
– l’enjeu spécifique de Jérusalem
– Le document des diplomates européens à Jérusalem (23 novembre), non publié, souligne notamment :
– « Les activités illégales d’implantations à Jérusalem-Est préjugent du résultat d’une négociation sur le statut permanent de Jérusalem et rend non-viable la création d’une capitale palestinienne à Jérusalem-Est ».
– l’intention israélienne de séparer Jérusalem reste Cisjordanie
– que sur 470.000 colons, 190.000 (40%) sont à Jérusalem, 96.000 autour, la majorité dans les grands blocs de colonies.
– l’éviction des Palestiniens de la ville. En 2008, 4577 Palestiniens ont été « déchus » de leur droit de résidence (21 fois plus que la moyenne des 20 années précédentes), 400 maisons ont été détruites depuis 2004.
– à cela s’ajoute, dans les faits, la volonté de confessionnaliser le conflit
– c’est aussi le cas concernant les Lieux Saints chrétiens Ce qui intervient alors que se pérennise un contentieux entre Israël et le Vatican en dépit d’un accord de fin 1993, censé permettre le règlement de questions relatives à la propriété de l’Eglise catholique, notamment dans les Territoires occupés.
– Concernant le rapport de forces dans la société israélienne, il est important de noter le poids du parti des colons. (Aujourd’hui, des médias focalisent sur les heurts entre l’armée et des colons. Ils sont réels, même si le « gel » n’et que partiel et sert de leurre : son principe, pour les plus extrémistes, est perçu comme une trahison.)
2. Barack Obama : du discours du Caire à celui d’Oslo
– Durant la campagne électorale ; et le discours du Caire (4 juin 2009)
– Barack Obama, alors, tient compte de la centralité du conflit israélo-palestinien (telle que l’avait mise en avant le rapport bipartisan Baker-Hamilton sur la guerre en Irak, prônant comme nécessaire sa résolution).
– le multilatéralisme est affirmé, pour garantir le leadership américain
– cela ne signifie cependant ni se fonder sur le droit international et sur l’Onu, ni mettre un terme au conflit en particulier en Afghanistan (alors que se poursuit le « bourbier irakien »), au contraire.
– mais on assiste alors à la dénonciation de la colonisation et Barack Obama entame un bras de fer de six mois avec Benyamin Netanyahu avant, donc, de reculer.
– Le discours d’Oslo
(prononcé par Barack Obama à l’occasion de la remise, quelque peu prématurée, du Prix Nobel de la Paix)
– Barack Obama a hérité de deux guerres de son prédécesseur
– Il a tenté de justifier le recours à la guerre, particulièrement après sa décision d’envoyer 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan neuf jours plus tôt.
– Il a invoqué un « droit » à la guerre.
– Et il a plaidé le droit de se défendre contre les menaces à l’encontre du peuple américain en ajoutant –et nous reconnaîtrons la formule- : « ne vous leurrez pas : le mal existe dans le monde ».
– Même s’il a assorti ce recours à la guerre d’un appel à observer des règles morales.
– Ce discours a été apprécié par la droite conservatrice (voire néo-conservatrice) américaine ; par les Républicains.
– Ainsi (AFP 11-12-2009) : Interrogation d’un journaliste de la télévision NRK : « Obama est-il un nouveau Bush, version sucrée ? ».
– Les conservateurs, tels Sarah Palin, qui avaient peu apprécié l’attribution du prix Nobel au président américain, sont satisfaits de la défense de la notion de « guerre juste » face à l’ennemi.
– Des raisons
– D’abord le lobby pro-israélien et néo-conservateur, que ce soit sur la guerre, ou sur Palestine/Israël.
– Ensuite la bataille très dure sur la réforme de la couverture maladie . Barack Obama attend toujours un accord du Congrès sur le projet qui devrait marquer sa présidence.
– Au moins aussi important : il n’a pas renoncé à vision du monde fondée sur « guerre contre le terrorisme ».
– Cependant :
– Il continue à plaider en faveur de deux Etats côte à côte, dans les frontières de 1967, ce qui constitue une rupture avec le discours George W. Bush sur frontières (cf. lettre à Ariel Sharon 14 avril 2004).
III L’Europe
1.La responsabilité de l’Europe, dans un tel contexte, est d’autant plus forte
2.Jérusalem : France, Suède, deux logiques opposées
– Logique de la Suède : alors que le processus « de paix » est dans l’impasse et que le gouvernement israélien a décidé de poursuivre la dépossession palestinienne de Jérusalem-Est, il s’agit de dire l’engagement de l’UE sur le droit.
– Logique de la France : c’est aux parties de négocier et de décider, seules. Toute intervention pour rappeler le droit international est décrite comme « préemption » de l’issue de la négociation. C’est la rhétorique israélienne et américaine (Israël ne se privant pas de « préempter » unilatéralement). Une perversité du raisonnement dont on voit aujourd’hui les conséquences tragiques seize ans après Oslo : c’est le rééquilibrage qui a manqué au rapport de forces pour imposer le droit comme base de la négociation. La France, pourtant, en appelle comme Tel-Aviv à une reprise de négociations sans préalable, ce qui signifie surtout sans base sérieuse -le droit-, sans empêcher que les faits sur le terrain contredisent la perspective qu le droit devrait annoncer, et sans calendrier. Ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy a reçu Tzipi Livni à Paris le jeudi précédant le vote.
3.La déclaration européenne sur Jérusalem
– Déclaration sous la présidence de Carl Bildt, ministre des Affaires étrangères de la Suède, et dans le cadre d’un consensus trouvé entre les 27, dont il faut mesurer, donc, toute la portée. On peut ne voir que le verre à moitié plein ou à moitié vide, mais dans ces deux cas, on ne regarde pas les évolutions ni les dynamiques.
– Déclaration en dépit de pressions massives israéliennes. (au lendemain de cette déclaration, des euro-parlementaires ont été interdits d’entrée à Gaza. La délégation de l’UE était composée de huit parlementaires de Chypre, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, France, Allemagne et Grèce.) En revanche (Leila Shahid), il n’y a pas eu de pression de Etats-Unis.
– Une manifestation palestinienne a eu lieu à Jérusalem, appelant à adopter texte suédois.
– Positif et très important :
(citations du texte, extraits)
– (article 1) « gravement préoccupé par l’absence de progrès dans le processus de paix au Proche-Orient (…) Appelle à la reprise urgente des négociations en vue de parvenir, dans des délais convenus, à une solution fondée sur la coexistence de deux États, avec l’État d’Israël et un État de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant et viable, coexistant dans la paix et la sécurité. Il est indispensable de parvenir à une paix globale, qui est dans l’intérêt fondamental des parties dans la région et de l’UE, sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, des principes de Madrid, notamment l’échange de territoires contre la paix, de la feuille de route, des accords précédemment conclus par les parties et de l’initiative de paix arabe. »
– (article 2) « L’Union européenne ne reconnaîtra aucune modification du tracé des frontières d’avant 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, qui n’aurait pas été approuvée par les parties. »
– (article 6) « L’évolution de la situation sur le terrain joue un rôle crucial pour créer des conditions favorables au succès des négociations. Le Conseil rappelle que les colonies de peuplement et la barrière de séparation ont été érigées sur des terres occupées, que la démolition de maisons et les expulsions sont illégales au regard du droit international, qu’elles constituent un obstacle à la paix et menacent de rendre impossible une solution fondée sur la coexistence de deux États. Le Conseil demande instamment au gouvernement israélien de mettre immédiatement fin à toutes les activités d’implantation, à Jérusalem-Est et dans le reste de la Cisjordanie, y compris l’extension naturelle des colonies, et de démanteler toutes les colonies de peuplement sauvages installées depuis mars 2001. »
(article 8) « Le Conseil est profondément préoccupé par la situation à Jérusalem Est. À la lumière des incidents récents, il invite l’ensemble des parties à s’abstenir de toute provocation. Le Conseil rappelle qu’il n’a jamais reconnu l’annexion de Jérusalem Est. Si l’on veut parvenir à une paix véritable, il faut trouver un moyen de résoudre par la voie de négociations la question du statut de Jérusalem comme future capitale de deux États. Le Conseil appelle à la réouverture des institutions palestiniennes à Jérusalem, conformément à la feuille de route. Il demande également au gouvernement israélien de mettre un terme à tous les actes de discrimination commis à l’encontre des Palestiniens de Jérusalem Est. »
(article 9) « Gravement préoccupé par la situation à Gaza, le Conseil demande instamment que soit intégralement mise en œuvre la résolution 1860 du Conseil de sécurité des Nations unies et appelle au plein respect du droit humanitaire international. (…) Le maintien du bouclage est inacceptable et contre-productif du point de vue politique. Il a eu un impact dévastateur sur l’économie du secteur privé et a dégradé l’environnement naturel, notamment l’eau et d’autres ressources naturelles. L’UE renouvelle ses appels en faveur de l’ouverture immédiate, durable et sans condition de points de passage pour que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza et que les marchandises et les personnes puissent y entrer et en sortir. Dans ce contexte, le Conseil demande l’application intégrale de l’accord sur les déplacements et l’accès. Si la situation actuelle est susceptible de profiter aux extrémistes, la population civile, dont la moitié a moins de dix-huit ans, souffre quant à elle. Pleinement conscient des besoins légitimes d’Israël en matière de sécurité, le Conseil continue de demander la cessation complète de toutes les violences et de l’introduction en fraude d’armes à Gaza. » (Dans cet article, le conseil demande aussi « aux ravisseurs du soldat israélien Gilad Shalit de libérer ce dernier sans délai. »)
(article 2) « poursuivra les travaux entrepris sur les contributions de l’UE concernant la mise en place d’un appareil d’État, les questions régionales, les réfugiés, la sécurité et Jérusalem. » Et (article 3) se dit « prête à développer ses relations bilatérales avec l’Autorité palestinienne compte tenu de leurs intérêts communs, y compris dans le cadre de la politique européenne de voisinage ». (article 3) encore « L’UE soutient pleinement la mise en œuvre du programme gouvernemental de l’Autorité palestinienne intitulé "Palestine : fin de l’occupation et création de l’État ».
(article 3) « Rappelant la déclaration de Berlin, le Conseil renouvelle également son soutien aux négociations menant à la constitution d’un État palestinien, ainsi qu’à l’ensemble des efforts et démarches mis en œuvre à cet effet et rappelle qu’il est disposé, le moment venu, à reconnaître un État palestinien. »
– NB : Le conseil de Berlin dont il est fait ici mention est celui des 24 et 25 mars 1999, (l’UE étant alors encore à 15) ; en Israël, Benyamin Netanyahu était au pouvoir. Dans la Déclaration de Berlin, l’UE fait référence à Jérusalem comme « corpus separatum » (c’est la résolution 181) et fait part de sa disponibilité à reconnaître l’Etat palestinien, mais « in due time » (en temps voulu). Ce temps n’a jamais été… voulu. Selon la déclaration de principe d’Oslo et les premiers accords, et en dépit du retard pris dès la première année, l’Etat palestinien aurait dû être déclaré et reconnu au plus tard le 4 mai 1999. Mais des élections législatives anticipées ont eu lieu en Israël ce même mois de mai 1999 et des pressions se sont exercées sur la partie palestinienne pour qu’ils ajournent cette déclaration. Ehud Barak est arrivé au pouvoir, l’homme qui au sein du parti travailliste s’était mobilisé contre la ratification de l’accord d’Oslo.
– Limites :
(article 2) « Le Conseil renouvelle son soutien aux efforts déployés par les États-Unis pour relancer les négociations sur toutes les questions relatives au statut définitif. »
(article 4) « Rappelant la position de l’UE du Conseil d’association de juin 2009 (…) [se dit] prêt à développer ses relations bilatérales avec Israël dans le cadre de sa politique européenne de voisinage ». Mais ajoute : « L’UE réitère son attachement à la sécurité d’Israël et à sa pleine intégration dans la région, considérant que le meilleur moyen de les garantir est la paix entre Israël et ses voisins. »
(article 5) Tout en appelant à « l’adoption de nouvelles mesures de confiance concrètes, le Conseil prend note avec satisfaction de la récente décision du gouvernement israélien concernant le gel partiel et temporaire de la colonisation, qui constitue un premier pas dans la bonne direction et il espère que cela contribuera à la reprise de négociations constructives ». (remarques de même nature concernant les checkpoints, article 7).
Quid des prisonniers palestiniens.
Par ailleurs :
(article 10) « Le Conseil exhorte tous les Palestiniens à encourager la réconciliation autour du président Mahmoud Abbas (…) à empêcher une division permanente entre la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, et Gaza. Le Conseil accueillera favorablement l’organisation d’élections palestiniennes libres et régulières lorsque les conditions le permettront. »
(article 11) « Une paix globale doit inclure un règlement entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban » et (article 12) « un règlement global du conflit israélo-arabe requiert une approche régionale (…) » le texte « encourage les pays arabes à être prêts sur le plan tant politique que financier à aider l’Autorité palestinienne et les réfugiés palestiniens, par l’intermédiaire de l’UNRWA. »
Il s’agit :
D’un rappel du droit international comme base
Il n’est pas anodin de citer Marc Otte, envoyé de l’Union européenne au Proche-Orient (09-12-09) : « Cela me renforce dans l’idée que si l’on a été choqué par le rappel de positions connues, il était temps de rappeler ces principes parce que sinon, on dérive. Et alors, sur quelle base appeler à des négociations ? »
Ce texte va plus loin que l’UE a été dans le passé sur Jérusalem
Mais sans qu’elle décide de prendre de mesures pour imposer le droit, ce qui met en lumière notre responsabilité : en nous félicitant de ce pas en avant, nous demandons à l’UE d’être conséquente : il s’agit bien de le faire appliquer. Notons que la fin de la présidence suédoise intervient le 1er janvier, avec un relais à l’Espagne.
IV. scenarios palestiniens
1. La double décision de Mahmoud Abbas
– de ne pas retourner, dans la situation créée par la question de la colonisation, à la table des négociations, et de ne pas se présenter aux prochaines hypothétiques élections
(en outre : les élections dans les territoires palestiniens occupés étaient prévues le 24 janvier, mais la commission électorale palestinienne a recommandé leur report, du fait de l’impossibilité de les organiser dans la bande de Gaza).
– Suite à l’évolution de la position des Etats-Unis, Mahmoud Abbas se fonde aussi sur une analyse dans le temps long des seize ans de l’après-Oslo.
– Il peut sembler, ici, inutile de le rappeler, mais je crois cependant important de le faire et je dirai pourquoi : nous sommes, en cette fin d’année 2009, non seulement plus de soixante ans après la dépossession-expulsion du peuple palestinien de sa terre, plus de quarante ans après le début de l’occupation de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza,
– mais aussi plus de vingt ans après le début de la première Intifada qui a recentré la résistance palestinienne sur la terre de son Etat toujours pas établi,
– plus de dix-huit ans après le discours de l’après-« guerre froide » sur un « nouvel ordre international fondé sur le droit international », discours trahi.
– plus de dix-huit ans aussi après le début de la première négociation israélo-arabe
– et plus de seize ans après la « Déclaration de principes » d’Oslo signée à Washington, laquelle devait aboutir en cinq ans au plus à la négociation finale sur l’ensemble des dossiers au conflit (terre et frontières, Etat palestinien, statut de Jérusalem et réfugiés).
Pourquoi je rappelle cela que nous savons tous ? Pour deux raisons au moins.
– La première, c’est que ces durées sont celles pendant lesquelles sont nées plusieurs générations de Palestiniens et d’Israéliens avec tout ce que cela signifie non seulement en termes de vies humaines mais aussi de perceptions du conflit et de son issue ;
– ensuite, parce que l’impasse actuelle contraint à poser la question de l’échec de la négociation non dans son principe, mais telle qu’elle a été menée : dans l’absence de tout rapport de forces susceptible de « rééquilibrer » la situation face au déséquilibre fondamental entre occupés et occupants dans une telle négociation. :La négociation entamée en 1991, fondée explicitement sur les résolutions des Nations unies réfutées par Israël mais non placée sous l’égide des Nations unies, avait -et aura- besoin pour réussir d’un autre rapport de forces, c’est-à-dire d’une implication réelle des Etats dont la France, notamment, ne veut pas.
– Mahmoud Abbas a fait de la négociation l’oméga de sa stratégie. En cela, ce n’est pas neuf. C’est la stratégie adoptée par CNP (y compris réuni à Gaza en 1996), par Yasser Arafat, dans la droite ligne de la première Intifada.
– Faute de rapports de forces, celle-ci a échoué. Et, sur le terrain, la colonisation a doublé...
– Mahmoud Abbas est affaibli. Il l’a été aussi, du reste, par le volte-face sur l’examen ou son report du rapport Goldstone par le conseil des droits de l’Homme des Nations unies. (NB : le Hamas, les sondages le confirment, l’est lui aussi en partie, mais très différemment, à Gaza, entre autres par sa politique notamment sociétale).
– Remarque ; il n’y a pas d’autre option possible que négociation. Seule alternative : la négociation que refuse Israël (unilatéralisme, prétexte de « l’absence de partenaire », ou quels que soient prétextes, en particulier depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin) ou bien la guerre que veulent les dirigeants d’Israël. La vraie question est donc : quel rapport de force pour que la négociation consiste à négocier modalités d’application du droit.
– Autre constat : celui de la division politique et territoriale. En cela : il s’agit d’un succès israélien enraciné en grande partie dans l’échec que Tel-AViv impose de la négociation. Et ce, en dépit de la négociation inter-palestinienne (en fait Fatah-Hamas) pour une « réconciliation »
– Autre constat, parallèle que nous pouvons faire : la politique israélienne de colonisation, le siège Gaza, le bouclage de facto Cisjordanie, placent de fait le Fatah au pouvoir en Cisjordanie et le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza sous tutelles (économiques et financières) et dès lors pressions politiques de l’extérieur, d’ailleurs contraires.
– Fondamentalement aujourd’hui : c’est l’absence de perspective.
2. Options envisagées ou envisageables –non exhaustives-.
– la fin de l’ANP :
Il s’agirait alors de laisser Israël face à ses responsabilités dans les territoires palestiniens occupés.
Cette option n’es pas sérieusement envisagée (entre autres du fait de la nécessaire continuité de services publics, quelle que soit leur faiblesse imposée)
– l’Etat binational
– Je vous renvoie ici, pour l’essentiel, à l’analyse de Dominique, publiée sur notre site [2].
(Avec en outre trois rappels :
– le principe de l’Etat démocratique pour tous ses citoyens envisagés par l’OLP à son origine ne renvoie pas directement à l’option de binationalité
– même si deux Etats, Palestine et Israël, finissent par co-exister, se posera la question de la bi-nationalité en Israël du fait de la présence de 20% de Palestiniens sur leur terre dans ce qu’est devenu Israël
– l’impasse actuelle, durable, construit selon plusieurs observateurs un rapport au temps compliqué pour ceux qui subissent l’occupation. Il est possible de regarder ce qu’il peut advenir dans l’heure qui suit, ou bien d’imaginer l’avenir dans cinquante ans ; plus difficile de prédire ce qu’il peut se produire dans une semaine, ou d’envisager les scénarios sur un temps court ou moyen.
– La déclaration de l’Etat palestinien
L’hypothèse en a été formulée.
Handicap : il s’agirait d’un Etat sous occupation
Avantages : il s’agirait de mettre l’Onu et le Conseil de sécurité face à leurs responsabilités vis-à-vis de l’occupation d’un Etat par un autre
En outre, cela aurait des conséquences juridiques non négligeables quant à la recevabilité de plaintes pour crimes de guerre ou autres, par exemple.
Mais, outre les pressions israéliennes contre cette hypothèse, qualifiée d’unilatérale en dépit de l’unilatéralisme permanent de la politique israélienne de faits accomplis, ni les Etats-Unis, ni l’UE ne sont prêts à le reconnaître (veto).
– L’option Marwan Barghouti
– Sa libération est improbable, et son annonce s’accompagne d’une menace d’expulsion (des informations contradictoires ont circulé sur la négociation d’un accord pour sa libération en échange de près de 1.000 détenus palestiniens). Israël et le Hamas mènent des négociations indirectes parrainées par l’Egypte avec l’intermédiaire de l’Allemagne pour finaliser l’échange.
– Quoi qu’il en soit, Marwan Barghouti est reconnu par tous, au point que le Hamas demande sa libération. Il est le principal initiateur du « document des prisonniers ».
– Il prône une double stratégie depuis toujours : l’unité nationale, et l’articulation entre négociation et résistance populaire.
Cette stratégie, même s’il n’est pas libéré, est aujourd’hui à l’ordre du jour.
Il s’agit effectivement de la construction d’un rapport de force. Tant en interne, que du point de vue international. Et là, c’est, pour la part qui nous revient, notre responsabilité qui est engagée.