Le 18 décembre nous apprenions avec effroi l’arrestation de Munther Amira, au milieu de la nuit dans des conditions extrêmement violentes, chez lui dans le camp de réfugiés d’Aida. C’était sa dixième arrestation. Son frère avait été tellement battu qu’il avait perdu connaissance ; il ne savait pas s’il était vivant ou mort. Les premières minutes laissaient présager de la manière dont il allait être traité par la suite.
Pendant près d’une semaine personne n’a eu de ses nouvelles, Israël ayant édicté de nouvelles « règles » depuis le 7 octobre concernant les prisonniers politiques palestiniens, les isolant du reste du monde. Il avait ensuite été placé en détention administrative comme la plupart des milliers de Palestiniens arrêtés depuis le 7 octobre ; son appel avait été rejeté.
Le 29 février, nous apprenions que Munther Amira était libéré ainsi que 40 autres : difficile de le reconnaître, tant il était amaigri – il a perdu 32 kg en deux mois et demi ; deux jours après 25 autres prisonniers ont été libérés. En fait, il n’y a plus de place dans les prisons et comme l’armée d’occupation arrête une vingtaine de Palestiniens chaque jour, ils commencent à faire de la place. L’objectif d’Israël est de soumettre le maximum de Palestiniens aux traitements inhumains et dégradants qu’ils leur font subir dans leurs geôles, ils espèrent ainsi briser leur volonté afin qu’ils renoncent à résister à l’occupation.
Concernant Munther Amira, leur objectif a échoué. Depuis qu’il est sorti de cet enfer, il ne cesse de témoigner et de raconter l’horreur. Le terme qui revient le plus dans ses propos est « tombeau ».
« Je ne savais pas si je sortirai de ce tombeau, si je reverrai ma femme, mes enfants et mes petits-enfants. Jamais je n’aurais imaginé vivre un tel enfer. Jamais les Palestiniens n’ont vécu de tels conditions en prison. Nous sommes humiliés, frappés, battus dès le premier instant, tous les jours »
On se souvient des propos du ministre israélien Galant qui avait traité les Palestiniens de Gaza d’animaux humains. En fait ce sont tous les Palestiniens qui sont considérés par Israël, par son armée et par son administration pénitentiaire comme des animaux humains.
« Les humains marchent sur leurs pieds, j’ai été contraint, dénudé, de marcher à quatre pattes, pieds et mains entravés. Comme je redressais la tête parce qu’il n’est pas question de baisser la tête devant eux, ils m’ont battu me disant que même les yeux je n’avais pas le droit de les lever. Ils nous faisaient manger dans les coins de la cellule, dans des écuelles, comme des chats ; nous donnaient leurs restes de repas qu’ils bourraient de sel. » Les rations quotidiennes pour 13 étaient celles prévues pour deux personnes. Et encore pas tous les jours. Les restes des soldats venaient en complément ou en substitution.
Munther Amira explique que tous les droits que les prisonniers politiques palestiniens avaient gagnés par leurs mouvements y compris de grève de la faim ces 15 dernières années ont été annihilés : aucune relation avec la famille, rien. Les entretiens avec les avocats réduits et rares ; les comparutions, de véritables mascarades en visio-conférences. Ils ne disposaient de rien dans les cellules, rien ; même pas un stylo et une feuille de papier. Ils étaient 13 dans une cellule pour 5. Pas de promenade, 15 minutes de douche tous les 3 jours pour les 13 de la cellule ; des matelas de 5 centimètres d’épaisseur, pas de couverture.
Lors d’un transfert d’une prison à l’autre, dénudé, ils l’ont couché devant la porte du véhicule et les 12 soldats lui ont marché sur le dos « comme s’il n’y avait pas d’autre chemin que mon dos pour entrer dans ce camion »
« Je n’avais pas mes médicaments, puis pas les plus importants et en quantité insuffisante, mais mon seul défi était de garder ma santé mentale. Je peux supporter la souffrance physique mais la souffrance mentale, non. Ne pas perdre la tête ! Il n’y avait rien à faire, rien, rien d’autre que de compter les minutes, les secondes, en attendant le moment où essayer de dormir. »
Trois fois par jour les geôliers pénétraient dans la cellule avec deux gros chiens, à 4 heures, à midi et à 18 heures. Certaines fois, c’étaient de véritables attaques ; ce fut le cas quand l’un d’eux avait tenté de mettre fin à ses jours.
« Ils nous traitent comme des criminels, nous traitent de criminels, mais nous sommes des combattants de la liberté. Rien ne m’empêchera de continuer à me battre pour mes droits et ma liberté. Je ne veux la mort de personne, je veux juste mes droits. »
Le témoignage de Munther Amira ne fait que confirmer ce que nous savions sur le traitement des prisonniers politiques palestiniens par le régime d’apartheid israélien, il glace le sang. L’Association France Palestine Solidarité leur apporte tout son soutien et sa solidarité et continuera de dénoncer ces faits.
Israël viole tous les droits des Palestiniens, cela doit cesser, notre gouvernement doit cesser par son silence de se rendre complice de ces crimes et exiger avec nous la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens.
Le bureau national de l’AFPS,
Le 6 mars 2024
>> Visionner le témoignage de Munther Amira
Photo : AFPS