Quelques heures avant l’arrivée à Jérusalem, hier soir, de la nouvelle secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, les révélations faites par le Mouvement la Paix maintenant (qui a recentré ses activités sur la colonisation depuis plusieurs années) vont servir de test à la nouvelle administration Obama. Washington va-t-il laisser Tel-Aviv se comporter comme bon lui semble ou, au contraire, hausser le ton alors que processus de paix a déjà été mis à mal par l’offensive israélienne meurtrière sur la bande de Gaza ?
Selon l’organisation pacifiste, le ministère de l’Habitat du gouvernement sortant israélien a préparé des plans de colonisation intensive visant à quasiment doubler le nombre de colons en Cisjordanie occupée. Ces plans de colonisation prévoient la construction de 73 000 logements dans les prochaines années, dont 5 700 dans des quartiers de Jérusalem-Est annexé. Au total, près de 300 000 colons israéliens se sont installés en Cisjordanie depuis son occupation en juin 1967. Quelque 200 000 Israéliens vivent dans une douzaine de quartiers de colonisation à Jérusalem-Est.
Pas plus gêné que ça, le porte-parole du ministère de l’Habitat, Eran Sidis, a souligné qu’il ne s’agissait que de « projets préliminaires » de planification urbaine qui ne deviendraient opérationnels qu’après avoir reçu l’aval d’au « moins cinq instances officielles ». Selon lui, « ces plans ne concernent que des constructions potentielles. Dans la pratique, une toute petite partie de ces projets d’urbanisme est mise en oeuvre ». Malheureusement, on ne sait que trop la réalité de ces plans qui n’ont rien de technique et sont, au contraire, très politiques. Le même, d’ailleurs, a accusé la Paix maintenant d’avoir « mélangé des données qui n’ont rien à voir », sans pour autant démentir l’existence de ces projets. Pis, selon la Paix maintenant, des constructions de 15 000 logements ont déjà été approuvées, dont 9 000 sont en cours de construction. Les plans prévoient en particulier, selon la Paix maintenant, la construction d’une nouvelle implantation urbaine dans la région de Bethléem et celle de 3 000 logements reliant l’implantation de Maalé Adoumim, à l’est de Jérusalem, à la Ville sainte.
Ce dernier point est particulièrement important. Depuis les accords d’Oslo, Israël tente de couper tous liens entre Jérusalem-Est et la - Cisjordanie. En l’occurrence, il s’agit là d’empêcher la connexion avec Jéricho, qui surplombe la vallée du Jourdain. Dans le même temps, les autorités israéliennes poursuivent et la colonisation de Jérusalem-Est, comme on le voit avec ces nouveaux plans, et celle du fameux mur dit de séparation qui, en réalité, exclut de plus en plus de Palestiniens de Jérusalem. L’idée étant, à terme, d’invoquer le peu de présence palestinienne dans la Ville sainte pour refuser toute revendication territoriale, et donc empêcher que l’est de la ville ne soit la capitale de l’État palestinien. C’est ce que souligne également le secrétaire général de la Paix maintenant, Yariv Oppenheimmer : « La réalisation de ces projets rendrait totalement irréalisable la constitution d’un État palestinien aux côtés d’Israël. »
Que valent, dans ces conditions, les récentes déclarations américaines ? Avant de se rendre au Proche-Orient, Hillary Clinton, accompagnée par son émissaire pour le Proche-Orient, George Mitchell, avait réaffirmé l’engagement de - Washington en faveur de la création d’un État palestinien. En 2003, déjà, la feuille de route prévoyait le gel de la colonisation. Un engagement qu’Israël n’a jamais tenu, et qu’aucun pays occidental n’a jamais tenté de lui faire respecter. C’est à cette aune que la politique américaine sera jugée. D’autant que ces nouveaux plans de colonisation ont été élaborés sous le gouvernement d’Ehoud Olmert, auquel participent Tzipi Livni et Ehoud Barak officiellement en faveur d’un État palestinien ! Netanyahou peut-il faire pire ? [1]
Dans le NoubvelObs, René Backmann analyse les raisons de cette colonisation à outrance :
Pourquoi Israël accélère la colonisation de la Cisjordanie
Tandis qu’il affirmait être favorable à une solution du problème palestinien fondée sur la coexistence de deux Etats et se déclarait disposé à reprendre les négociations de paix avec les responsables palestiniens, le gouvernement israélien sortant se préparait à construire, dans les prochaines années, 73.000 logements en Cisjordanie dont 5700 à Jerusalem-Est. C’est ce que révèle un rapport de l’organisation La Paix maintenant, publié lundi 2 mars. Selon ce document, fondé sur des données en provenance du ministère de l’Habitat, la construction en Cisjordanie de 15.000 logements a déjà été approuvée par le gouvernement et des projets portant sur 58.000 autres unités sont à l’étude. Ce qui signifie – en se basant sur le chiffre moyen de quatre personnes par logement – que près de 292.000 nouveaux colons viendraient s’installer en Cisjordanie.
Un résident de la Cisjordanie sur 6 est un colon
Actuellement, le territoire compte déjà – selon les chiffres israéliens – 460.000 colons. Près de 260.000 sont dispersés dans les quelque 220 colonies – officielles ou sauvages – de Cisjordanie. Environ 200.000 autres vivent dans la dizaine de colonies adjacentes à Jerusalem-est. Actuellement, un résident de la Cisjordanie sur 6 est un colon, un citoyen israélien sur 13 vit dans une colonie. C’est dire le poids des colons et de leurs alliés dans la politique israélienne et dans la majorité parlementaire de Bennyamin Netanyahou.
Lors de la signature des accords d’0slo en 1993, on comptait environ 110.000 colons en Cisjordanie. Non seulement, leur nombre n’a pas été "gelé", comme le recommandaient les accords, mais il n’a cessé de croître. En d’autres termes, tout en se déclarant favorable à la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie (et à Gaza), Israël évacuait Gaza mais continuait sans répit à implanter des colons en Cisjordanie. Dans quel but ?
Le mur ou la stratégie israélienne d’"annexion"
Le tracé du mur de séparation, construit par Israël à l’intérieur du territoire palestinien donne une réponse claire à cette question. Long de plus de 700 kilomètres – alors que la "ligne verte", qui délimite la "frontière" entre le territoire israélien et la Cisjordanie ne mesure que 320 km – ce mur comporte une multitude de gigantesques méandres qui annexent de fait à Israël la plupart des grands "blocs" de colonisation et la majeure partie des colons. Selon La Paix Maintenant, les nouvelles constructions prévues dans les deux plus grandes colonies – Ariel et Maale Adoumim – "annexées" à Israël par le tracé du mur, devraient doubler leur taille. Comment dans ces conditions créer un Etat palestinien viable dans l’espace restant ? C’est la question que posent, depuis des années, les responsables palestiniens. C’est aussi la question que posent aujourd’hui certaines capitales, qui réclament en vain – comme Washington – un gel de la colonisation.
Les "nouvelles réalités sur le terrain"
Quel objectif poursuit le gouvernement israélien en poursuivant et en accélérant la colonisation de la Cisjordanie ? La réponse se trouve peut-être dans la lettre adressée en avril 2004 par George Bush à Ariel Sharon. Dans ce document, dont le contenu avait été endossé par le Congrès, le président américain, tournant le dos à tous les accords conclus à ce jour sur le sujet, indiquait qu’à la "lumière des nouvelles réalités sur le terrain", il n’était "pas réaliste" d’envisager, dans le cadre des négociations sur le "statut final", un retour complet aux "lignes d’armistices de 1949"… c’est-à-dire à la "Ligne verte" tenue, jusqu’alors, pour la référence internationale en matière de délimitation des territoires israélien et palestinien. Cette question des "nouvelles réalités sur le terrain", c’est-à-dire des faits accomplis israéliens, a été l’une des causes de l’échec des pourparlers d’Annapolis. Elle est désormais au cœur de l’argumentation diplomatique israélienne, alors que l’administration Obama n’y fait plus référence.
Tout se passe en fait comme si le gouvernement israélien –qu’il envisage une solution négociée ou non – s’efforçait de la rendre, chaque jour, un peu plus difficile à mettre en œuvre. Pour négocier en position de plus en plus forte ? Ou pour repousser indéfiniment la négociation, en imposant au jour le jour sur le terrain, sa solution unilatérale ?
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