« Nous tournons en rond, soupire Maer, Israël est toujours Israël. Et avec l’Autorité palestinienne depuis 1994, qu’avons-nous réussi ? ». Ce Palestinien aux cheveux gris, rencontré ces derniers jours dans le centre de Ramallah, résume le sentiment général de ses concitoyens, désabusés après deux décennies d’un processus de paix qui porte bien mal son nom.
Côté israélien, un sondage publié cette semaine par le quotidien Haaretz indique que 55% des Israéliens seraient prêts à soutenir un accord de paix. Mais on entend aussi beaucoup d’interrogations et de lassitude. « Je n’ai pas beaucoup d’espoir, explique Tobie, une habitante de Jérusalem, pour qui l’annonce de la reprise des négociations a un air de déjà-vu. Nous avons vu cela tant de fois dans le passé », lance la retraitée pour qui le point de blocage est évident : « La question des colonies est un très gros problème ».
Accord à l’arraché
En annonçant la reprise des négociations le 19 juillet dernier, John Kerry s’est gardé de dévoiler le contenu de l’accord qu’il a littéralement arraché aux deux camps. Depuis, spéculations et informations contradictoires se succèdent : les fameuses lignes de 1967 (sur la base desquelles les Palestiniens veulent dessiner la carte de leur futur Etat) serviront-elle de référence à la discussion ? La colonisation israélienne sera-t-elle freinée de manière conséquente pendant la durée des négociations ? Une chose semble acquise : l’Etat hébreu libèrera prochainement plusieurs dizaines de Palestiniens condamnés à de lourdes peines. On parle d’environ 80 individus ayant en commun d’avoir été emprisonnés avant les accords d’Oslo en 1993.
Oppositions internes
Israéliens et Palestiniens doivent aussi faire face à l’hostilité d’une partie de leurs camps respectifs. Côté palestinien, Mahmoud Abbas est passé outre le refus des instances de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qu’il a consultées. Par ailleurs, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a immédiatement rejeté les négociations annoncées par John Kerry.
Côté israélien, Benyamin Netanyahu doit aussi affronter les réticences d’une bonne partie de sa coalition et même de son propre parti, le Likoud, largement hostile à l’idée d’un Etat palestinien et largement favorable à la colonisation. « Droite et gauche ont gagné, analyse le politologue israélien, Emmanuel Navon, également membre du Likoud. La gauche a convaincu la société israélienne qu’un compromis était nécessaire. Et la droite a convaincu tout le monde que cela n’était pas possible ». Selon l’universitaire de droite, la question est celle de l’attitude des Palestiniens « qui ont rejeté des propositions historiques présentées en 2000 et en 2008 ».
Déjà trop tard ?
Largement galvaudée, l’expression « négociations de la dernière chance » s’applique-t-elle aux pourparlers qui se préparent ? En confirmant la percée obtenue par John Kerry, le Premier ministre israélien Netanyahu a parlé d’un « intérêt stratégique vital » pour son pays, dans le but d’éviter l’établissement d’un Etat binational entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Cette solution à deux Etats, impossible à concrétiser en vingt ans de processus de paix, semble aujourd’hui dépassée pour un certain nombre d’intellectuels palestiniens. « La lutte, c’est désormais celle de l’égalité, des droits civiques », affirme l’universitaire palestinien Amjad Shihab pour qui « avec cet océan de colonies qui morcellent le territoire, il est déjà trop tard pour un Etat palestinien ».