L’engagement de la résistance palestinienne était de donner une chance de plus à la négociation politique, basé sur l’espoir -fragile- que la partie israélienne respecterait les règles du jeu définies lors des discussions de Charm el Cheikh en février 2005 entre Sharon et le nouveau président palestinien Mahmoud Abbas et qu’elle renoncerait aux formes les plus violentes de l’occupation qu’elle déploie contre les Palestiniens depuis le début de la deuxième Intifada.
Il n’en a rien été.
Le rideau de fumée du « désengagement » unilatéral de Gaza n’a pas masqué longtemps la réalité de la colonisation effrénée en Cisjordanie, dont à Jérusalem-est.
Le Mur d’annexion, les routes d’apartheid, et maintenant le tramway colonial à Jérusalem sont les signes sur le terrain de la politique sioniste d’accaparement des terres et des richesses, d’appropriation de la terre de Palestine. Les déclarations des dirigeants israéliens de tous bords, au cours de cette année, ne laissent aucun doute, tout comme leur politique coloniale de l’habitat à Jérusalem.
La politique d’ assassinats ciblés et d’arrestations massives ne s’est pas relâchée, les destructions de maisons, les attaques contre les civils, y compris à Gaza « libérée », ont connu peu de répit. Les quelque 9000 prisonniers croupissent toujours dans les geôles israéliennes, les millions de réfugiés palestiniens n’existent même pas sur l’agenda politique israélien.
La Cisjordanie et la Bande de Gaza sont bouclées jusqu’au 3 janvier, les villes sont envahies, les check- points asphyxient la Palestine. Ainsi le 29 l’armée israélienne a érigé de nouveaux check-points dans le nord de la Cisjordanie, envahi Jénine et le camp de réfugiés et bouclé Tulkarem et les villages avoisinants le 31 décembre.
Côté palestinien, pendant ces 10 mois la trêve a été généralement respectée. Les attentats suicide ou les actions militaires qui ont suivi des attaques meurtrières contre des dirigeants et militants de la résistance ont été rares.
Chaque tir de roquettes artisanales du nord de la Bande de Gaza a été d’ailleurs le prétexte à des offensives militaires d’envergure, comme en septembre, octobre, novembre. Actuellement, sous couvert de sécurité, les autorités militaires israéliennes viennent de facto de réoccuper une partie de Gaza en instaurant une zone interdite aux Palestiniens, qu’ils bombardent quotidiennement. Dans l’attaque menée aujourd’hui contre Gaza deux jeunes hommes, deux frères, ont été tués dans leur maison à Beit Layia par
des obus israéliens.
Rien d’étonnant dans ce contexte que les principales organisations de la résistance armée à l’occupation ne prolongent pas la trêve [1].
L’ANP a fait des efforts considérables pour convaincre les groupes et partis palestiniens de renoncer complètement à la résistance armée, mais elle n’a aucun bilan positif à apporter pour convaincre. Les quelques déclarations de sympathie de George Bush à Mahmoud Abbas, qui « joue la carte » américaine dans cette impasse, ne peuvent compenser l’ amélioration promise et non réalisée dans la vie quotidienne d’une population épuisée par 5 ans de répression militaire et d’écroulement socioéconomique.
Quelques courtes semaines avant les élections législatives palestiniennes, que le gouvernement israélien veut interdire à Jérusalem-est, les difficultés politiques internes au mouvement le plus important, le Fatah, perturbent encore le jeu politique palestinien. Scission et réunion, alliances et déclarations diverses laissent supposer des modifications profondes à venir, sur un fond d’inquiétude devant la percée du Hamas dont les résultats aux élections municipales ont avoisiné 30% [2].
Marwan Barghouti, député du Fatah emprisonné en Israël [3] et porte parole de la ‘jeune garde’ du Fatah vient néanmoins de déclarer que « le Fatah et le Hamas collaboreraient dans le futur gouvernement ». Il répond ainsi aux récentes déclarations des Etats-Unis, de l’Europe et du Quartet qui ont émis des menaces claires d’arrêt de l’aide à l’ANP et demandent que le Hamas soit en quelque sorte interdit d’élections.
Barghouti a également promis, si la liste unique (finalement) du Fatah l’emporte, des changements importants dans la conduite par l’ANP des affaires palestiniennes.
Pendant que la campagne électorale prend son essor, malgré les menaces qui pèsent sur Jérusalem, et à l’ombre des incidents préoccupants et médiatisés qui ont lieu à Gaza où l’état de droit peine à s’imposer, de nombreuses manifestations pacifiques se déroulent en Palestine.
Hier 31 décembre des manifestations pacifiques de Palestiniens, Israéliens et Internationaux contre l’occupation ont eu lieu à des check-points, à Naplouse notamment [4] ou à Tel-Aviv, Haïfa et Jérusalem. Il y a eu des arrestations tout comme dans le village de Bil’in où la résistance non violente au mur de spoliation s’exprime d’une façon inventive et collective chaque vendredi.
De même une conférence internationale sur la non violence vient de se tenir à Bethléem, avec la présence de dizaines de participants du monde entier. Certains se sont vu interdire l’entrée en Israël, passage obligé pour aller en Palestine occupée sauf à passer par la Jordanie, et ont été arrêtés. L’un des organisateurs, Sami Awad, candidat aux législatives, vient aussi d’être arrêté dimanche midi lors d’une manifestation pacifique contre le mur d’apartheid à Beit Jala. C’est la réponse classique d’une armée d’occupation à un mode de résistance populaire qui ne lui permet pas de « représailles » militaires.
Quelle que soit la forme de lutte dont les Palestiniens se dotent pour résister à l’occupation, leurs revendications demeurent : le retrait de l’armée israélienne de Cisjordanie, le démantèlement du Mur et des colonies, la libération des prisonniers, la création d’un état palestinien viable avec Jérusalem pour capitale, le droit au retour des réfugiés, le respect des résolutions des Nations unies.
Dans cette exigence de justice pour arriver à la paix, nous les accompagnerons en 2006 encore.