Mahmoud Abbas est l’instrument légitime des Palestiniens, pour
essayer de changer les choses », affirme le Premier ministre israélien.
Ehoud Olmert doit rencontrer aujourd’hui Jacques Chirac et Dominique de
Villepin pour leur exposer son projet de retrait unilatéral de
Cisjordanie.
La France a répété à plusieurs reprises qu’elle
s’opposerait à toute reconnaissance de frontières déterminées de façon
unilatérale.
Paris souhaite qu’Israël donne une chance au président
palestinien, Mahmoud Abbas. Olmert s’est dit prêt à le rencontrer.
Mais
il juge qu’en cas d’échec des négociations Israël aura toute latitude
pour « prendre son destin en main ».
LE FIGARO. - Quel est l’objectif de votre tournée en Europe ?
Ehoud OLMERT :
Je souhaite développer une relation beaucoup plus
étroite avec l’Europe. Je veux y exposer mon programme de réalignement
(plan de retrait en Cisjordanie, NDLR) et discuter avec Jacques Chirac
des différentes dimensions et opportunités liées à ce projet. Je veux
aussi lui parler de mon désir de stabiliser la situation à la frontière
nord d’Israël avec le Liban. Je considère que son action peut apporter
une contribution majeure, pour changer la situation dans cette région.
La France affirme pourtant que les frontières entre Israël et les
Palestiniens doivent être déterminées à travers des négociations.
En principe, la stratégie de la négociation a aussi notre préférence.
Nous devons vérifier si ce choix est réaliste, s’il existe un
partenaire. Pour l’instant, les Palestiniens s’entre-tuent, le Hamas est
au gouvernement. Que se passera-t-il si, en dépit de nos efforts et de
ceux des Européens et des Américains, rien ne se produit ? Devons nous
attendre sans rien faire pendant encore 5, 10 ou 15 ans ?
Je veux
entendre les conseils du président Chirac et lui faire part de mes
inquiétudes. Je veux voir s’il peut y avoir un cadre au sein duquel nous
pouvons joindre nos forces pour faire avancer les choses, au cas où les
Palestiniens ne seraient pas prêts.
Vous vous dites prêt à rencontrer Mahmoud Abbas. De quoi souhaitez-vous
discuter avec lui, lui qui voudrait débattre du statut final d’un État
palestinien ?
Les fantasmes sont le privilège des grands hommes. Mahmoud Abbas a le
privilège de rêver. Mais, si l’on examine de façon réaliste la situation
dans laquelle il se trouve, je rêve pour lui qu’il parviendra à
s’imposer face au Hamas. Je rêve pour lui qu’il aura le pouvoir de
forcer le Hamas à adopter et à appliquer les principes édictés par le
Quartette. S’il accomplit tout cela, alors nous pourrons commencer à
parler de la stratégie à long terme.
Il a adopté une attitude plus dure vis-à-vis du Hamas, en convoquant un
référendum entérinant la solution de deux États. Devient-il un
partenaire à vos yeux ?
Je le félicite pour ce début de nouvelle approche. Mais c’est une
affaire interne à l’Autorité palestinienne. Dans le contexte de sa
compétition avec son opposition, cela a peut-être un sens.
Mais il
convoque un référendum pour un projet qui ne constitue même pas le début
d’un commencement pour des négociations entre nous et les Palestiniens.
La lettre des prisonniers ne parle pas de désarmer les organisations
terroristes. Elle leur offre au contraire un statut officiel. A aucun
moment elle n’évoque la paix avec Israël, ni son droit d’exister.
Pour
nous, comme pour la communauté internationale, il existe trois principes
: désarmer les organisations terroristes, reconnaître le droit d’Israël
d’exister en tant qu’État juif au Proche-Orient et accepter tous les
accords liant, depuis 1993, l’Autorité palestinienne à Israël.
Ce référendum risque d’entraîner l’organisation de nouvelles élections
côté palestinien, quel espoir pouvez-vous offrir aux électeurs modérés ?
Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour renforcer le statut de
Mahmoud Abbas, afin qu’il puisse remplir les critères permettant
d’entamer un processus de paix.
Je ferai tout ce que je peux pour
subvenir aux besoins humanitaires des Palestiniens. Nous sommes prêts à
participer aux initiatives pour transférer de l’argent à des fins
humanitaires à l’Autorité palestinienne, y compris à travers le
mécanisme envisagé par l’Union européenne, à condition que de l’argent
ne soit pas versé pour les salaires de l’administration et qu’il n’y ait
pas de soutien direct ou indirect à des agences gouvernementales.
Les Palestiniens cherchent un horizon politique...
C’est une perspective politique : je suis prêt à aider Mahmoud Abbas,
parce que je veux qu’il soit la force dominante au sein de l’Autorité
palestinienne.
Redoutez-vous que la tension dans les territoires ne conduise à une
guerre civile et à un effondrement de l’Autorité palestinienne ?
Nous ne sommes pas loin de la guerre civile. Ils se tirent déjà dessus.
L’Autorité palestinienne est aujourd’hui dominée par une organisation
terroriste, une bande de tueurs qui ont du sang sur les mains. Je crois
que Mahmoud Abbas est l’instrument légitime des Palestiniens, pour
essayer de changer les choses.
Je crains aussi pour sa vie. C’est
pourquoi nous avons autorisé la vente d’armes à sa garde présidentielle,
pour le protéger.
Évidemment, nous redoutons une confrontation violente
au sein de l’Autorité palestinienne. La voulons-nous ? Non. Je veux que
le gouvernement du Hamas s’effondre sans violence. Mais je veux aussi
que ce gouvernement terroriste s’effondre, pour que des gens civilisés
puissent prendre le contrôle et reconstruire l’Autorité, des gens avec
lesquels nous pourrons parler.
Combien de temps êtes-vous prêt à attendre avant de lancer votre plan de
« réalignement » en Cisjordanie ?
J’attendrai les Palestiniens, mais pas pour toujours. Si nous parvenons
à la conclusion, après un délai raisonnable et en concertation avec nos
partenaires de la communauté internationale, qu’ils ne sont pas prêts,
nous avancerons sans avoir un accord. Aucune personne sensée ne peut
exiger de nous d’attendre une minute s’il n’y a aucune chance de faire
avancer les choses.
Votre plan de « réalignement » coupe la Cisjordanie en plusieurs morceaux,
compromettant ainsi la contiguïté territoriale d’un futur Etat
palestinien. Pourra-t-il être viable ?
Rien n’empêchera la contiguïté du territoire palestinien.
Comment ? Cela
reste à voir. J’ai des idées. Mais je ne suis pas en position de
dévoiler tous les aspects du plan avant d’avoir exploré toutes les
possibilités de négocier avec les Palestiniens.
Les Palestiniens rêvent d’un Etat avec Jérusalem-Est pour capitale.
Etes-vous prêt à partager Jérusalem ?
Non. Jérusalem a été la capitale d’une seule nation à travers
l’histoire. C’est la nation juive. Jérusalem restera toujours la
capitale d’une seule nation. Elle est aussi la ville des juifs, des
musulmans et des chrétiens. Elle restera ouverte, pour défendre la
liberté religieuse de chacun.
La « barrière de sécurité » sera-t-elle la frontière définitive de l’Etat
hébreu ?
La barrière de sécurité sera ajustée aux frontières, et non l’inverse.
La ligne finale de la barrière sera déterminée par le tracé exact des
frontières.
Ces frontières engloberont-elles les blocs de colonies ?
Dans sa lettre du 14 avril 2004, le président Bush dit qu’il comprend
que, en dernière analyse, les changements démographiques auront un
impact et qu’Israël ne devra pas se retirer de ces blocs
d’implantations. Je souscris totalement à sa vision.
A propos de l’Iran, l’approche diplomatique suivie par les Etats-Unis et
l’Union européenne peut-elle empêcher Téhéran de se doter de l’arme
nucléaire ?
Je n’en suis pas certain. Mais c’est une étape incontournable pour
trouver une réponse à cette question.
Nous sommes tous déterminés à ne
pas permettre aux Iraniens de posséder l’arme nucléaire. Cela aurait un
effet dévastateur sur le monde entier. Cela forcerait d’autres pays,
notamment dans le Golfe, à se doter de l’arme nucléaire, menaçant la
stabilité du monde. Nous ne sommes pas le principal acteur dans cette
affaire.
Il est de la responsabilité des grandes puissances et des
Nations unies de joindre leurs efforts pour combattre efficacement cette
menace.