Témoignage de Mohamed Najem, Clarinettiste, Franco-palestinien :
"Les autorités israéliennes m’ont (encore) refusé un permis, pour jouer à Majdal Shams, Shefa’Amr, Jerusalem, Nazareth et Haifa, Tamra
Je m’appelle Mohamed. Je suis né à Jérusalem et j’ai grandi à Bethléem. Je suis clarinettiste professionnel. J’ai beaucoup voyagé à l’international. Aujourd’hui je n’ai plus besoin de visas pour voyager dans de nombreux pays pour mes concerts car j’ai obtenu la nationalité française au mois de janvier. Quand je voyage, je suis considéré comme citoyen français. Sauf pour l’état démocratique d’Israël, pour qui je reste Palestinien, et donc un homme de seconde zone. En tant que Palestinien de Cisjordanie, je dois passer par le pont Allenby, via la Jordanie, dont l’accès est contrôlé par les autorités israéliennes. La traversée peut être longue et nous pouvons y être interrogés pendant des heures par les autorités israéliennes.
Je n’ai pas le droit de passer par l’aéroport de Tel Aviv, ce qui raccourcirait de moitié mon trajet pour aller voir ma famille, qui réside à Bethléem, à une heure de route de cet aéroport.
En tant que Palestinien de Cisjordanie, je ne peux circuler qu’en Cisjordanie, et encore, pas partout. La Cisjordanie est en grande partie colonisée et je n’ai bien sûr pas le droit de rentrer dans les colonies ni de circuler sur certaines routes. Pour aller à Jérusalem, Haïfa ou Nazareth, où habitent de nombreux Palestiniens, descendants de ceux qui sont restés malgré les guerres de 1948 et 1967, j’ai besoin d’un permis, délivré par les autorités israéliennes. Ces permis sont délivrés à des Palestiniens de Cisjordanie qui souhaitent se rendre de l’autre côté du mur, pour des raisons professionnelles ou personnelles, et peuvent être refusés sans motifs et sans recours.
Je suis pacifique. Je vis de ma passion, la musique. Je n’ai jamais eu de problèmes avec la justice, qu’elle soit palestinienne, israélienne ou française. Mais les autorités israéliennes m’ont refusé la semaine dernière la possibilité d’aller jouer mon instrument avec des musiciens palestiniens, de l’autre côté du mur. Ce mois-ci, j’avais neuf concerts prévus, à Majdal Shams, Shefa’Amr, Jerusalem, Nazareth, Haifa et Ramallah, avec des musiciens avec qui je joue habituellement en France et ailleurs dans le monde. Je partage cela avec vous car ces concerts étaient très importants pour moi, et les autres musiciens comptaient sur moi. Résultat : les concerts ont été annulés. Je ne comprend pas en quoi je suis un problème pour la sécurité israélienne. Cette politique est discriminatoire. Si la musique est considérée comme dangereuse ou suspecte, je continuerai encore et toujours à en jouer, pour montrer au monde que la culture et la musique palestiniennes sont dynamiques, créatives et ouvertes sur le monde. Car la musique a toujours été un espace de liberté que personne ne pourra jamais nous enlever. Malgré les restrictions à la liberté de mouvement imposées aux Palestiniens, notre musique continuera à être sans frontières."
Mohamed Najem