En Israël, la valse des alliances ne connaît pas de fin. Mercredi 31 octobre, alors qu’il rencontrera pour la première fois à Paris le président François Hollande, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a donné une nouvelle orientation à son parti : à droite toute. « Le Likoud approuve la fusion avec le parti de Lieberman (l’actuel ministre des affaires étrangères, chef du parti Israël Beitenou – ndlr) » , titrait le site du quotidien Haaretz lundi soir.
Israël Beitenou et le Likoud feront donc liste commune aux prochaines législatives, le 22 janvier 2013. Cet accord, au passage, en dit long sur le degré de démocratie au sein du Likoud : « Netanyahou est la seule personne capable de nous demander d’approuver un accord sans nous le montrer », expliquait un cadre du parti, cité par le quotidien israélien Yediot Aharonot.
Selon les indiscrétions que le Likoud a fait fuiter dans la presse israélienne la semaine passée, l’accord proposé par Netanyahou aux militants permet au président du Likoud de déterminer la position des candidats de son parti sur la liste commune, tout en maintenant un équilibre semblable à celui de l’actuelle Assemblée, au sein de laquelle le Likoud dispose de 27 élus, et Israël Beitenou, 15.
« Mais pour ce qui est du programme, on ne sait rien, note Elisabeth Marteu, spécialiste d’Israël, chargée de cours à l’IEP de Paris. Cet accord a d’abord surpris, car Netanyahou demeure favori des sondages, même si la campagne ne fait que commencer. Netanyahou craignait sans doute que Lieberman ne s’allie avec le centre pour demeurer au gouvernement coûte que coûte. Netanyahou a devancé cette possibilité. »
Au petit jeu des alliances politiques de dernière minute, Benjamin Netanyahou est passé maître. En mai dernier, des élections anticipées devaient avoir lieu. Mais à quelques heures de la dissolution de la Knesset, le parti Kadima (première formation parlementaire avec 28 députés) avait annoncé son ralliement à la coalition de Benjamin Netanyahou. Une coalition de circonstance, qui n’a tenu que quelques semaines, le temps pour Netanyahou de se maintenir en selle. Kadima est finalement retourné dans l’opposition, faute d’accord sur le service militaire des juifs ultra-orthodoxes, qui en sont aujourd’hui exemptés.
Liberman et Nétanyahou en phase sur le dossier palestinien comme sur l’Iran
L’alliance du jour du Likoud avec l’extrême droite est de pur opportunisme. Elle intervient après les tentatives de rapprochement du Likoud avec Kadima, le parti de centre droit que Benjamin Netanyahou essaie aujourd’hui de contrer. Regrouper les forces de droite sans tabou : la vieille recette avait déjà fonctionné après les élections de 2009. Kadima était arrivé en tête, mais le Likoud et Netanyahou avaient finalement dû former le gouvernement, s’alliant d’un côté à l’extrême droite, de l’autre à l’ancien travailliste Ehoud Barak.
La tactique fut fatale à Tzipi Livni, l’ancienne protégée d’Ariel Sharon et leader de Kadima, contrainte dès lors de s’agiter dans le vide au sein de l’opposition, avant d’être déboulonnée de la tête de son parti par l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne, Shaul Mofaz. Désormais électron libre sans influence réelle sur la vie politique, les efforts de Tzipi Livni pour revenir sur le devant de scène grâce à l’ancien ministre de l’intérieur, Avraham Poraz, et son parti, Hetz, ne passionnent plus personne en Israël. Seule, une hypothétique alliance avec l’ancien premier ministre Ehoud Olmert permettrait, avec le soutien de Kadima, de faire émerger un bloc politique à gauche du Likoud, pour empêcher Netanyahou et Lieberman de poursuivre leur pas de deux.
Car le leader d’Israël Beitenou pense lui aussi à long terme. « Lieberman a fait peu de vagues depuis 2009. Il est resté globalement dans le sillage de la politique du gouvernement Netanyahou et n’a pas cherché à se distinguer », analyse la chercheuse Elisabeth Marteu. Lieberman, qui espérait un temps récupérer le ministère des finances, devrait finalement se contenter des affaires étrangères, poste qu’il occupe actuellement.
Il compte sur l’accord avec le Likoud pour asseoir davantage sa position et à terme, prendre la place de Netanyahou comme leader de la droite israélienne. Son électorat, largement russophone, est solide. Sentant toutefois que son discours originel – œuvrer à la création d’un État 100 % juif en transférant la population arabe d’Israël en Cisjordanie – constitue un frein à ses ambitions, Lieberman y fait de moins en moins référence en public. Mais il est encore loin de recevoir l’adhésion de la droite dans son ensemble.
Sans adversaire à sa taille, Benjamin Netanyahou est aujourd’hui serein. Selon plusieurs sondages, le ticket Likoud-Beitenou obtiendrait au moins 40 sièges sur les 120 que compte le Parlement israélien. De quoi permettre à Netanyahou de conserver le poste de Premier ministre, dans un système à la proportionnelle intégrale qui continue de faire l’unanimité contre lui à droite comme à gauche.
Au printemps dernier déjà, près de la moitié (48 %) des Israéliens considéraient Netanyahou comme le meilleur candidat à sa propre succession, selon une enquête d’opinion commandée alors par le quotidien israélien de gauche Haaretz. Les estimations sont sensiblement les mêmes aujourd’hui. De quoi rendre confiant le couple Lieberman-Netanyahou, en phase sur les deux dossiers essentiels des six prochains mois : la question palestinienne, où ils privilégient le statut-quo – même si une offensive à Gaza cet hiver est une option discutée dans la presse israélienne ; et l’Iran, contre lequel de nouvelles mesures de rétorsion seront examinées au printemps.