Un assassinat n’est pas un attribut de régime démocratique. C’est celui de dictatures sordides, et une démocratie qui utilise cette méthode perd de fait son statut de démocratie.
L’assassinat du cheikh Yassine, chef spirituel du Hamas mais surtout autorité religieuse musulmane palestinienne, marque un tournant important dans cette stratégie de guerre. En s’attaquant à un symbole religieux Sharon marque sa volonté de faire basculer un conflit politique vers un conflit religieux. Il manifeste de plus sa volonté d’internationaliser le conflit en provoquant les menaces (attendues) du Hamas de poursuivre de ses représailles les Israéliens dans le monde entier. Cela lui permet au moment des attentats de Madrid, dont il potentialise à son profit les images terribles, de fabriquer un lien entre Palestiniens et terrorisme international. Quel Européen en voyant les images de Madrid n’a pas pensé à celles de Tel-Aviv ou de Jérusalem ? L’assassinat du cheikh Yassine est intervenu quelques jours plus tard, presque comme une réponse de l’Occident à Al-Qaeda.
Mais il y a toujours pire ! Sharon vient par deux fois de désigner comme la prochaine cible d’un assassinat le Président Arafat lui-même, et ce malgré l’interdit explicite des Américains. Mais comme le dit le titre de sa biographie publiée en Israël : " Il ne s’arrête pas au feu rouge. " L’observation détaillée de ses états de service montre qu’il ne menace jamais à la légère, et qu’il met toujours ses menaces à exécution.
Or plus la situation en Palestine empire, et plus la personne du Président Arafat, par son histoire, sa force symbolique de représentation de la Palestine tout entière est le seul homme capable aujourd’hui de fédérer les tendances politiques palestiniennes et de maintenir la cohésion nationale autour d’un objectif de paix négociée avec Israël.
La situation du terrain est devenue tellement insupportable qu’elle favorise la radicalisation et/ou l’éclatement du champ politique palestinien. La disparition d’Arafat dans ce contexte entraînerait le chaos dans le camp palestinien et repousserait les échéances négociées du type " feuille de route ", voire initiative de Genève, aux calendes grecques, et c’est très précisément l’objectif de Sharon. Le chaos loin de l’effrayer sert exactement une stratégie soigneusement mise au point.
L’assassinat du Président Arafat est programmé, il est à l’ordre du jour de l’agenda politique israélien. Sharon s’est fait fort de le faire voter par son cabinet, les annonces publiques servent à préparer les opinions et les gouvernements étrangers à cette exécution. Elles servent aussi à vérifier quel serait le risque encouru ou l’impact.
Il est donc urgent de prendre la mesure de ce qui n’est pas une simple tentative d’intimidation. Prendre cette menace à la légère c’est lui donner encore plus de chance d’être mise à exécution. Il est au contraire nécessaire et urgent que Sharon reçoive une véritable mise en demeure de la part des gouvernements du monde, assortie de menaces de sanctions capables de le faire reculer.
Le réseau associatif français pour la Palestine se doit d’interpeller toute la classe politique française et européenne pour exiger d’elle des réactions très fermes, et prioritairement de prendre des mesures immédiates de protection du président élu de tous les Palestiniens par l’envoi d’observateurs internationaux à la Mouqata’a. Les prochaines semaines pourraient être décisives pour l’avenir de la Palestine, et d’Israël .
Et si tout cela n’était qu’un effet de panique et non un réel danger, un scénario catastrophe ?
Il n’en resterait pas moins vrai qu’un chef de gouvernement qui proclame publiquement qu’il va faire assassiner le représentant élu d’un peuple est un voyou qui fait de son pays un Etat voyou. Cette menace publique est ignoble et inacceptable de la part des pays démocratiques du monde, elle mérite réponse immédiate et cinglante. Il est temps de désavouer Sharon et de le traiter comme ce qu’il est : un délinquant sans limites qui joue avec des grenades dégoupillées.
Michèle SIBONY
Vice-présidente, UJFP