« Ils couperont toutes les fleurs, mais ne pourront arrêter le printemps » Pablo Neruda
UNE JOURNEE CHEZ YOUSSEF
Intriguée par les pancartes écrites en hébreu dans le bus palestinien qui nous véhiculait, j’ai demandé en Anglais au chauffeur le « pourquoi ». Youssef m’a expliqué l’obligation de les mettre, sinon il était passible d’amende.
Au cours de la conversation, quelques mots d’hébreu ont fusé de sa bouche... Intriguée, je lui ai demandé s’il parlait la langue et nous avons sympathisé.
Il a travaillé en Israël 18 ans au sein d’une famille d’un homme politique très connu... Pour 48 heures de retard dans le renouvellement de son permis de travail, il s’est retrouvé 2 mois en prison et n’a pu récupérer son statut de travailleur là-bas.
Donc, j’ai été invitée pour passer la journée chez eux, dans le village de Beit Ommar. Nous étions deux, à l’entrée du village, il nous attendait avec son autobus.
Youssef a 41 ans, une femme et 4 enfants. Le village a 25 000 habitants. Les gosses vont à l’école, c’est loin. Le matin ils prennent un taxi. Le soir ils rentrent à pied... L’hiver est rude ici, dit-il. Le village est à 900 m... Ils se chauffent au gaz. L’hiver, un ballon de gaz dure environ 1 semaine, soit environ 100 shekels.
Son salaire journalier de chauffeur est de 80 shekels. Il y a de nombreux habitants du village sans travail. Des associations religieuses les aident. Nous entrons dans une maison cossue, propre, qu’il a fait construire quand il travaillait en Israël. Ils sont treize frères et sœurs et chaque étage est divisé en quatre appartements...
Nous buvons la citronnade, le thé, pendant que la femme s’agite dans la cuisine. Les gosses nous regardent avec des grands yeux. La conversation n’est qu’en hébreu et je traduis pour Danièle et lui traduit pour sa femme ! Deux de ses frères ont la chance de travailler à la mairie. L’aîné est professeur à l’université d’Hébron. Lui, Youssef, est le manuel. Il rit tout le temps et dit qu’il aime les gens.
Le repas est prêt. Nous avons les narines et le palais en fête. Oh ! les odeurs !!! Plat de poulet, aubergines, riz, curcuma et autres épices !!
Nous, les invitées, mangeons à table avec Youssef et son père qui vient d’arriver. Les deux femmes et les enfants Mangeront après nous. Manque de place ? Respect de la tradition ? Je ne sais.
Je lui ai demandé si quelquefois les soldats israéliens leur causaient des ennuis... Alors il raconte. Un soir d’été brûlant, il va se reposer dans une pièce ouverte sur un balcon. Sa femme est à l’autre bout de la maison avec les enfants. Il n’entend rien, mais quand il se lève le matin, il trouve des restes de feu qui se consume sur la terrasse. Il est donc rentré, inquiet, pour voir ce qui se passait. Sur la terrasse, ils ont trouvé un mot, un papier (oublié ?!) qui disait : « On a la preuve qu’on peut rentrer sans qu’ils entendent. Nous avons escaladé le balcon avec une corde, sommes entrés. Exercice terminé et positif » C’était, d’après Youssef, un « entraînement » de l’armée comme un autre !...
Après une dernière tasse de thé nous nous sommes séparés...
Merci, mon ami, merci pour l’hospitalité et ton sourire...
LES TERRITOIRES DE 48.
JOURNEE EN HAUTE GALILEE A LA FRONTIERE DU LIBAN
Nous étions attendus par le responsable de l’ « Association pour la Défense des Droits des Personnes Déplacées en Israël ».
Sur les 800 000 Palestiniens qui ont dû quitter leurs maisons en 1948, il en reste encore 150 000 en Israël. 25 % d’entre eux ont été définitivement chassés et sont considérés comme des personnes déplacées (en interne), c’est-à-dire sans avoir passé de frontière.
Nous arrivons sur les lieux de El Ghobsiyo. Le site est beau, avec beaucoup d’arbres. Seule trace de vie, les ruines d’une mosquée entourée d’un mur de tôles et de barbelés. En 1948, sentant l’incertitude de l’avenir, un habitant (ayant un statut important) conclut un arrangement avec un leader de la « Milice » juive : en échange de sa coopération, il obtient la promesse que le village ne sera pas envahi. En mai 1948, les forces israéliennes envahissent le village (700 h). L’homme monte sur le toit de la mosquée, agitant un drapeau blanc. Il est tué.
Tandis que les familles accueillaient les soldats avec du café, un jeune homme et son père sont tués. Le lendemain, encore onze morts et les habitats sont expulsés. Après quelque temps, ils purent rentrer chez eux pour une durée d’une petite année. Août 1951 : David Ben Gourion, Premier ministre déclare le village zone militaire. Les habitants sont encore chassés. Ils se sont battus pour le droit au retour dans le village.
Le 30 novembre 1951, la Cour Suprême Israélienne déclare qu’ils peuvent revenir. L’armée s’y oppose, malgré le décret.
En 1955-1956, le village est détruit. Seule la mosquée subsiste. Lorsque, en 1995, les habitants reviennent sur les lieux pour prier, on leur bâtit un mur de deux mètres pour les empêcher. Deux générations vivent dans les environs avec interdiction de reconstruire ! Ceci n’est qu’un exemple qui se répète sur 45 villages de la région.
Le but d’Israël est de judaïser la terre, d’y installer des colons, en utilisant comme argument
une loi de 1950, la loi des propriétaires absents. Les biens sont confisqués et transférés à l’état
la déclaration des terrains comme zones militaires.
L’exemple de Kabri est parlant : village riche, avec une source importante. Après expulsion des habitants, destruction du village, installation d’un kibboutz nommé Kabri où l’on embouteille l’eau de la source...
PARLONS-EN, PARLONS-EN, CE N’EST QUE JUSTICE.
Camille