Par Rémi Sulmont, Loïc Farge
Manuel Valls terminera son voyage en Israël et en Cisjordanie par les territoires palestiniens, où "sa visite a des chances de passer inaperçue" selon Daphné Rousseau, la correspondante de RTL à Jérusalem. Il est un inconnu en Palestine, mais il est très apprécié dans l’État hébreu. La rencontre la plus attendue, c’est celle avec son homologue Benjamin Netanyahou, l’inamovible premier ministre israélien au pouvoir depuis sept 7 ans. Manuel Valls aura le temps de s’acclimater avant son rendez-vous avec lui : il ne le verra que le mardi 24 mai au matin. Entre-temps, le chef du gouvernement français aura inauguré une centrale solaire d’EDF, vu des start-ups et la communauté française. Il se sera recueilli aussi sur la tombe des victimes de l’Hyper Cacher.
Après l’attentat de janvier 2015, son discours à l’Assemblée en France a beaucoup tourné à la télévision et sur les réseaux sociaux israéliens. Ses mots au dîner du Crif en mars dernier, où il a remplacé au pied levé le Président Hollande, ont consolidé son image d’ami d’Israël. "Il y a la haine d’Israël, il y a l’antisémitisme et il y a l’antisionisme, c’est-à-dire tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et la haine d’Israël", avait-il lancé. Un discours très applaudi.
Tout comme sa déclaration après le vote polémique de l’Unesco ces derniers jours. La France avait voté une résolution visant à "sauvegarder le patrimoine palestinien à Jérusalem-Est". Devant la colère de Netanyahou et du Crif, Manuel Valls a été le premier à "regretter" le vote de la France se désolidarisant de la position prise au Quai d’Orsay.
Valls opposé au boycott d’Israël
Pour ses détracteurs, Manuel Valls aurait "basculé" dans le camp pro-israélien. C’est ce que pense, par exemple, Rony Brauman. L’ancien président de Médecins sans frontières soutient désormais le mouvement de boycott des produits israéliens, des relations culturelles ou académiques. Il fait le constat que les Palestiniens des territoires occupés vivent sous un "régime d’apartheid" et que le boycott, pour lui, est devenu un moyen de faire pression pour stopper la colonisation.
Ce mouvement s’inspire de la lutte-apartheid des années 90 en Afrique du Sud. Sur Manuel Valls, Rony Brauman dit : "Je me demande ce qu’on aurait dit si un dirigeant socialiste avait été accueilli en héros en Afrique du Sud en plein apartheid". Ces appels au boycott, taxés d’antisémitisme par l’État d’Israël, sont punis par loi en France, pas ailleurs. Manuel Valls devrait rappeler en Israël l’opposition déterminée de la France à tout boycott.
Équilibre rompu ?
Que pensent les diplomates français à la veille du voyage ? "En se faisant le chantre de l’antisémitisme, Manuel Valls prend forcément le risque d’être exposé et récupéré", nous a dit l’un d’entre eux. D’autres ne cachent pas leur malaise. Manuel Valls "a clairement rompu l’équilibre habituel que la France recherche pour parler aux deux parties et faire redémarrer le processus de paix", nous a confié un haut diplomate, qui fait remarquer que le parcours Manuel Valls, qu’on compare à Nicolas Sarkozy pour son style, ressemble justement à l’évolution de l’ancien chef de l’État français.
De 2002 et 2007, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy s’était rapproché d’Israël et de Benjamin Netanyahou. Devenu président, les tête-à-tête avec le Premier ministre israélien l’ont refroidi et l’ont incité à prendre ses distances. "Manuel Valls va-t-il profiter de son voyage en Israël pour rééquilibrer ?", se demande-t-on au Quai d’Orsay. Ses discours "ont été soupesés", dit-on à Matignon.