« L’armée tente de faire de Bil’in un contre point au désengagement de Gaza. »
« Nous sommes témoins d’une tentative de faire que Bil’in contre balance les colonies évacuées dans la Bande de Gaza et de l’utilisation de la force brute contre les Palestiniens ici.
Nous, Israéliens partisans de la paix, rejetons d’emblée une situation d’ équilibre de la sorte » disent les organisateurs de l’action de solidarité qui se déroule aujourd’hui dans le village en dépit des efforts de l’armée pour l’interdire.
Les colons à Gaza avaient pris par la force une terre qui ne leur appartenait pas, en violation du droit international. Les gens de Bil’in, eux, veulent juste garder la terre dont ils ont hérité et qui est leur seul gagne-pain, une terre que le gouvernement israélien essaie de confisquer par la « barrière de séparation » et d’utiliser pour l’extension des colonies.
Vendredi dernier déjà l’armée a envahi Bil’in et usé d’une violence extrême pour essayer d’empêcher la manifestation hebdomadaire. Cette fois là le commandant militaire avait exigé que le Comité populaire de Bil’in n’invite plus de militants israéliens à la manif hebdomadaire, exigence qui avait été rejetée.
Ce matin à 5 heures, l’armée et la police des frontières sont entrées à Bil‘in. Elles ont décrété un couvre-feu, interdit la manifestation et ordonné aux 8 Israéliens qui avaient passé la nuit à Bil‘in de partir. Ils ont refusé et ont tous été arrêtés. Pendant ce temps les habitants de Bil’in sont sortis de chez eux, bravant le couvre-feu, et ont commencé à taper sur des casseroles et des pots dans les rues du village. C’est seulement quand les soldats ont commencé à tirer des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des bombes sonores qu’une partie des jeunes du village a commencé à jeter des pierres.
Pendant ce temps environ 300 Israéliens, des militants et sympatisants de Gush Shalom, Ta’ayush et des Anarchistes contre le Mur et d’autres se sont dirigés vers Bil’in dans un convoi de bus venant de Haifa, Jéusalem et Tel-Aviv.
L’armée a fermé toutes les routes vers Bil’in mais les manifestants ont réussi à arriver en passant par la colonie ultra orthodoxe de Modi’in Illit (Kiryat Sefer) qui a été créée sur les terres de Bil’in et des villages voisins. Par le terrain proche où l’on est en train de construire une nouvelle colonie, les manifestants ont pu atteindre une oliveraie et des vallées sur les terres du village de Bil’in, promises à l’extension de la colonie. Un officier arrivé sur les lieux a hurlé dans un mégaphone : "Stop ! Stop ! Vous pénétrez dans une zone militaire fermée », mais les manifestants n’en ont pas tenu compte et ont continué à descendre les pentes rocheuses escarpées de la vallée.
Marchant pendant plusieurs kilomètres sur un terrain difficile pendant les heures les plus chaudes de la journée, la colonne de manifestants a réussi à arriver au site de la barrière de séparation, côté ouest (« israélien »). Les forces militaires et de police les attendaient là et ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes et ont tenté de les arrêter. Les manifestants se sont séparés en petits groupes et la plupart d’entre eux ont réussi à atteindre les zones habitées de Bil’in, poursuivis dans les ruelles du village par les soldats et les policiers. La population de Bil’in a reçu les Israéliens avec enthousiasme, leur offrant de se réfugier dans les maisons -et leur offrant aussi de l’eau fraîche. Environ 25 Israéliens ont été arrêtés, parmi lesquels le Dr Anat Matar du département de philosophie de l’Université de Tel-Aviv et un vieux militant du Meretz , Latif Dori. Certains d’entre eux ont été traînés dans les voitures de police après avoir résisté pacifiquement à leur arrestation.
Environ 100 manifestants ont réussi à passer jusqu’à la place principale de Bil’in près de la mosquée, où ils ont été rejoints par un grand nombre de Palestiniens qui brisaient le couvre-feu. De nombreux Internationaux étaient aussi présents, la plupart Américains. D’autres Israéliens sont arrivés un peu plus tard. Ils avaient pris du retard mais n’avaient pas renoncé. Parmi eux l’ancien député Uri Avnery de Gush Shalom (qui fêtait ce jour même ses 82 ans), Yakov Manor de Ta’ayush et Dorothy Naor de New Profile.
Pendant environ une heure les manifestants palestiniens et israéliens ont fait face aux soldats et à la police des frontières, scandant des slogans comme « C’est la barrière la terreur » et « ceux qui refusent sont les héros » et chantant « la prison c’est un endroit génial si on suit sa conscience ». Certains interpellaient les soldats avec "pourquoi vous ne nous faites pas d’accolades comme aux colons ?" Les dirigeants de Bil’in ont demandé aux Internationaux et aux Israéliens de se joindre à eux dans une danse, en claquant des mains, sur les paroles : « On va gagner, on va gagner, à Bil’in on va gagner. Main dans la main, Chrétiens et Musulmans, avec les militants israéliens, on va tenir ». A ce moment le camion où étaient les prisonniers est passé sur la place avec,dedans, les militants arrêtés qui tapaient sur les parois et à l’extérieur leurs camarades qui criaient « soldats, dehors, halte à l’occupation ». Deux prisonnières ont esssayé de sauter du camion militaire mais les soldats les ont ramenées de force à l’intérieur.
Au bout d’une heure les soldats ont recommencé à tirer et la place du village a été recouverte de gaz lacrymogènes. Un militant vert, l’avocat Dov Chinin a reçu une balle en caoutchouc dans la jambe. Les manifestants se sont réfugiés dans la jardin d’une maison voisine en compagnie des moutons et des chèvres. Des gens de Bil’in les ont rejoints au bout d’un quart d’heure et leur ont dit que l’armée avait finalement laissé ouverte la route vers la barrière de séparation. Il a été décidé de maintenir la manifestation hebdomadaire malgré l’opposition de l’armée.
Tout au long du chemin, des habitants sont sortis et se sont joints au groupe. Ils ont atteint sans encombre le site de construction de la barrière, là où l’armée bloquait les manifestations depuis 6 mois. Seuls quelques militaires étaient présents, à leur tête le commandant militaire local, un lieutenant colonel. Les soldats ont essayé d’arrêter des manifestants palestiniens, les accusant de violer le couvre-feu, mais les Israéliens se sont interposés, donnant le temps aux Palestiniens de courir jusqu’à chez eux.
Les manifestants ont marché sur le site de la barrière, en chantant « au bout du compte, le mur tombera » puis sont revenus au centre du village. Peu après l’armée et les gardes de la police des frontières ont quitté Bil’in, sous les quolibets des manifestants.
« L’armée a essayé de briser les gens de Bil’in et d’empêcher par la force brutale leur droit de manifester. Ils ont plus particulièrement tenté d’empêcher de venir les militants israéliens dont la présence empêche l’armée de se livrer librement à des exactions. Le résultat a été complètement opposé. Aujourd’hui plus d’Israéliens sont venus à Bil’in que les autres vendredi. Non seulement ils n’ont pas empêché la marche de se tenir, mais elle s’est tenue plus loin que d’habitude », a déclaré Yonathan Pollak des Anarchistes contre le Mur, l’un des organisateurs au cœur de l’organisation des protestations hebdomadaires à Bil’in.
Peu après la fin de la manifestation la plupart des militants arrêtés ont été relâchés. L’armée a gardé en
détention Abdallah Abu Rahme - un militant important du Comité populaire de Bil’in qui avait déjà été arrêté plusieurs fois les mois deerniers. La Coalition contre le Mur exige sa libération immédiate : "C’est une personnalité bien connue partout ici pour son engagement total dans la lutte non violente. Il est scandaleux qu’un homme comme lui soit systématiquement mis en prison" .