Les partisans du Fateh, le parti de Abbas, ripostent durement, depuis la mi-juin, à Naplouse, au coup de force du Hamas à Gaza : des bureaux des islamistes ont été incendiés, des imams et activistes arrêtés, des associations saccagées ou brûlées.
Le cheikh Maher Kharraz, un imam populaire, partisan affiché du Hamas, a récemment été victime d’un raid des services de sécurité, des actions qui se multiplient dans cette ville, une place forte des islamistes en Cisjordanie occupée.
Tout se passe comme si les deux territoires palestiniens fonctionnaient comme des vases communicants : quand des exactions ou des arrestations se déroulent dans l’un, les adversaires lancent des représailles dans l’autre.
Conduit pour un interrogatoire dans les bureaux des renseignements, le cheikh Kharraz était accusé de faire de la « provocation » du haut de son minbar (chair) à la mosquée Khadra, dans la vieille ville. D’inciter à la révolte. « Ils veulent faire comme dans les autres pays arabes, museler les imams. Je prêche la religion, mais parfois la religion et la politique sont très proches », dit-il. Sur le ton de la confidence, il lâche : « Vous savez ce que m’a dit le directeur des renseignements ? “Nous ne voulons plus du Hamas en Cisjordanie, une décision a été prise”. »
Du côté des associations, toutes celles proches des islamistes ou classées organisations religieuses sont ciblées, affirme le Hamas. « Ils pensent que tous ceux ou celles qui portent un voile, une barbe ou enseignent le Coran sont leurs ennemis, qu’ils font partie du Hamas », fulmine Oum Mohammad, directrice d’une association d’apprentissage du Coran pour jeunes filles, fermée par décision du cabinet du Premier ministre Salam Fayyad. Fin août, ce dernier a annulé les autorisations de travail d’environ 120 associations, tout en niant viser celles du Hamas. Le motif : « Violations légales, financières et administratives. »
« Ils veulent faire disparaître toutes les associations religieuses de la société », assure la directrice, le visage ceint d’un long voile blanc. Mais elle le jure, son association n’a aucune affiliation politique.
« Nous sommes pris entre le marteau des services de sécurité et l’enclume de l’occupation israélienne : il est évident qu’il existe une totale coopération dans la répression contre le Hamas », poursuit une députée du Hamas, Mona Mansour, à Naplouse. Israël a emprisonné la plupart des dirigeants politiques du Hamas en Cisjordanie et son armée traque les membres de sa branche armée, soupçonnés de préparer des attentats. La sécurité palestinienne de Cisjordanie justifie ces opérations, en particulier les arrestations, par la nécessité de prévenir un « nouveau coup d’État ». « Les arrestations visent à frapper l’infrastructure militaire du Hamas en Cisjordanie », explique un des plus hauts responsables des services de sécurité du territoire, sous le couvert de l’anonymat. « Elles ne visent pas la branche politique sauf s’il existe des preuves de son implication dans des opérations armées contre l’Autorité palestinienne », assure-t-il.
La Commission indépendante palestinienne pour les droits des citoyens, une association de défense des droits de l’homme basée à Ramallah, estime cependant que ces interpellations sont « politiques ». « Près de 600 personnes ont été interpellées depuis le 15 juin. Les personnes sont relâchées ensuite, mais il y a en permanence dans les centres de détention 80 à 100 personnes », affirme un de ses responsables, Majid al-Arouri. « Ces personnes sont accusées de posséder des armes ou d’appartenir à la force exécutive », la police du Hamas présente à Gaza, ajoute-t-il. « Mais ces arrestations sont illégales, les suspects ne sont jamais présentés devant le procureur général pour une inculpation », s’indigne t-il.
Entre-temps à Gaza, le Hamas a arrêté dans la nuit de samedi à dimanche Yahya Rabah, un cadre du Fateh et ancien représentant diplomatique palestinien au Yémen, accusé de « corruption ». « Sa convocation n’est pas liée à la politique, mais à des questions de corruption financière », s’est défendu un porte-parole du ministère de l’Intérieur du Hamas à Gaza, Ihab al-Ghassine.
Toujours dans la bande de Gaza, dix personnes ont été blessées samedi dont deux par balles, lors de heurts entre partisans du Fateh et du Hamas. Les heurts se sont produits dans la localité de Khan Younès (sud de la bande de Gaza) suite à l’annonce par le Hamas de la destitution d’un imam local pro-Fateh pour être remplacé par un religieux, pro-Hamas.
Enfin, le Hamas et l’Égypte se sont mis d’accord pour le passage, par le point de passage de Rafah, de plusieurs dizaines de membres du Hamas bloqués depuis plus de trois mois en territoire égyptien, a affirmé hier à l’AFP un porte-parole du Hamas. [1]
Pendant ce temps en Cisjordanie, la colonisation et ses violences continuent :
Des centaines de colons tentent de créer des colonies sauvages en Cisjordanie
[2]
Plusieurs centaines de colons et de militants de droite israéliens occupaient hier quatre sites de Cisjordanie dans l’intention d’y créer des colonies sauvages. Quelque 400 militants voulaient notamment établir une implantation sauvage sur une colline près de la localité palestinienne de Halhoul, dans le sud de la Cisjordanie, a constaté un journaliste de l’AFP. Les occupants, des jeunes gens pour la plupart, ont dressé quatre cabanes de fortune, à l’occasion de la fête juive de Soukkot (Tabernacles), malgré un ordre de l’armée qui avait déclaré le secteur « zone militaire fermée ». Plusieurs dizaines de soldats et de policiers étaient déployés à proximité, mais ils ne sont pas intervenus dans l’immédiat.
D’autres manifestants opposés à tout éventuel retrait de Cisjordanie pouvant entraîner le démantèlement de colonies ont occupé trois autres sites et tenté de s’implanter sur un quatrième, selon les organisateurs. Sur une colline proche de la colonie d’Efrat, dans la région de Bethléem, un groupe de 600 personnes s’organisait pour y passer la nuit. Dans la région de Naplouse (Nord), on dénombrait quelque 200 manifestants sur une hauteur proche de la colonie d’Eilon Moreh et 500 autres près de la colonie de Kedoumim. Dans le secteur de Ramallah (centre), plusieurs centaines de colons tentaient de forcer les barrages de la police et de l’armée pour gagner une hauteur proche de la colonie de Hashmonaïm. L’armée devrait autoriser les squatters à passer la nuit sur les sites qu’ils occupent en vue d’une évacuation aujourd’hui, a indiqué à l’AFP Nadia Matar, l’une des organisatrices de ces manifestations.
Selon le mouvement pacifiste israélien La Paix maintenant, il y a une centaine de colonies sauvages habitées en Cisjordanie, dont 56 établies après l’arrivée au pouvoir de l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, en mars 2001. Israël s’est engagé auprès des États-Unis à démanteler ces colonies, mais cette promesse n’a pas été suivie d’effet. Pour la communauté internationale, toutes les colonies dans les territoires occupés depuis juin 1967 sont illégales, qu’elles aient ou non obtenu le feu vert des autorités israéliennes.