vie de famille, école, université, lieu de travail, services de santé, terre agricole, et même parfois domicile. La lutte des Palestiniens pour leur survie sur leur propre sol ne peut pas déboucher. Le moindre changement dans leur vie, si minime soit-il, est susceptible d’entrer en conflit avec les lois et règlements de la machine bureaucratique de l’occupation. Se marier, changer d’adresse, atteindre ses 16 ans, tomber malade, inviter des amis, entreprendre des études, même être enterré - autant de situations qui influent sur les conditions dans lesquelles un individu peut se déplacer d’un endroit à un autre.
°Tu mens. Ce n’est pas ta femme. Il est écrit ici que tu es célibataire.
°Tu ne peux pas passer, tu as plus de 16 ans.
°Tu ne peux pas passer, tu n’es pas sur la liste.
“Depuis plusieurs semaines, seuls les résidents de Nuaman sont autorisés à passer le check point. Deux femmes, qui ont récemment épousé des résidents du village et qui ont des cartes d’identité bleues, ne peuvent pas entrer dans le village parce que les mots "habite Nuaman" ne figurent pas sur leurs papiers. Difficile d’être enregistré en tant qu’habitant du village quand officiellement votre lieu de résidence n’existe pas. Les entrées et les sorties de Nuaman ne sont autorisées que conformément à une liste de noms - mais celui qui l’a établie a omis les dernières maisons du village. C’est ainsi que jeudi dernier dix habitants dont les noms n’étaient pas sur la liste ont été retenus 2 heures." (Nuaman, /12/06)
"A 17 heures nous rejoignons une longue file de véhicules sur la route de Bir Nabala. On ne voit même pas le début de la file. Nous comptons 72 véhicules qui attendent d’être contrôlés. Nous prenons la queue et parvenons au check point au bout de 40 minutes. Le commandant du check point explique que la situation est très tendue parce que des Palestiniens ont retiré les obstacles que l’armée avait placés pour barrer la route entre le village de Qalandiya et Bir Nabala. Cette route pour Bir Nabala est très fréquentée. Le contrôle des papiers a pour objet d’identifier les personnes qui n’habitent pas Bir Nabala, et de leur faire rebrousser chemin. Le Centre Humanitaire n’avait pas connaissance de ces ordres, non plus que deux officiers présents au check point. Il semble que l’idée soit de boucler l’enclave de Bir Nabala. Non seulement les habitants de la zone soient privés de leur liberté de déplacement et contraints d’attendre longtemps au retour de leurs heures de travail, simplement pour rentrer chez eux - mais en outre les personnes qui ont une autre adresse sur leurs papiers ne peuvent pas rentrer du tout, étant donné que depuis longtemps il est impossible de faire transcrire les changements d’adresse sur les papiers d’identité.
Un jeune homme, résidant d’Hébron, demande, sans trop d’espoir, à aller à Bir Nabala. Il reste assis à côté du check point plus d’une heure dans le froid (il est peu chaudement vêtu), dans l’espoir que la directive ne s’appliquera pas à lui, ou que nous pourrons et voudrons l’aider. Finalement, désespéré, il fait demi tour.
A 18h15 nous téléphonons au porte-parole de l’administration civile et lui demandons d’intervenir. Il s’étonne de la situation et demande qui a donné ces instructions. Il s’engage à examiner le problème. A 18h30 aucune voiture n’arrive de Kalandiya et la file s’est réduite à 32 véhicules. Les soldats n’ont pas reçu d’autres ordres, et la situation n’a guère changé." (Bir Nabala, Kalandiya, 26/11/06)
“Check point de Beit Furik : personne, à part les résidants, n’a le droit d’entrer et de sortir des villages de Beit Furik et de Beit Dajan. Même les habitants des trois villages voisins, Salem, Azmout et Dir al Khatab, n’ont pas le droit de traverser Beit Furik et Beit Dajan.” (Naplouse et ses environs, 2/11/06)
“Un résidant de Beit Furik, qui a épousé il y a deux mois une jeune femme de Sanniriya, se présente avec sa femme et sa belle-mère. Ils veulent aller à Beit Furik voir sa famille. Il n’a pas pu recevoir son certificat de mariage à cause de la grève du Ministère de l’Intérieur Palestinien. De même, sa femme n’a pas pu faire transcrire son changement de statut et d’adresse sur ses papiers. L’homme propose de laisser ses papiers au check point jusqu’à la fin de leur visite, une heure plus tard environ. Les soldats discutent longuement de la suggestion. Finalement ils décident que l’alliance portée par la jeune femme vaut preuve de mariage, et les autorisent à entrer à Beit Furik. (Naplouse et ses environs, 2/11/06)
“Une personne qui habite à Beit Furik est retenue, et est assise dans le local. L’adresse de sa carte d’identité a été effacée, et les soldats refusent de le laisser passer. Ils lui disent d’aller "ailleurs, n’importe où". Ils disent qu’ils ne peuvent pas consulter son adresse parce que l’ordinateur ne marche pas. Ils n’ont pas l’intention de prendre contact avec la brigade pour la vérifier. Nos tentatives de les convaincre se heurtent à leur hostilité grossière. Les choses traînent en longueur. Bien plus tard finalement le commandant arrive. Nous lui expliquons la situation. Il donne aussitôt l’ordre d’appeler la brigade et de tirer l’adresse au clair. En cinq minutes la brigade contrôle l’adresse, et le jeune est relâché et poursuit sa route." (Naplouse et ses environs,1/11/06)
Une femme, citoyenne israélienne, qui habite avec son mari à Tura, n’est pas autorisée à emmener son jeune enfant se faire vacciner à Umm al Fahm. Elle doit faire le détour jusqu’à un check point éloigné où les citoyens israéliens ont le droit de passer. (Nord de la Cisjordanie, 7/11/06)
Les Palestiniens n’ont le droit de passer aucun des check points qui isolent la vallée du Jourdain, sauf si leurs papiers indiquent qu’ils y résident, ou qu’ils y détiennent un permis de travail (autrement dit qu’ils travaillent dans une colonie), ou encore qu’ils possèdent un permis pour activité commerciale valable jusqu’à 19 heures.
Les Palestiniens qui demandent à se rendre à Jéricho, y compris le trafic commercial par camion, n’ont pas le droit d’emprunter l’itinéraire court qui descend de l’ouest depuis le carrefour de Maale Ephraim et rejoint la route 90. Ils doivent suivre la Route Allon (Route 458) vers le sud jusqu’au carrefour de Rimonim, passer ce check point et encore au moins un autre en arrivant à Jéricho. Toutes les pistes de terre qui descendent les flancs de la vallée sont barrées par des grilles de fer ou des talus de terre ou de rochers. Les bergers qui arrivent avec leurs troupeaux du village d’Akrava par exemple, qui se trouve à quelques kilomètres de là dans les collines, sont considérés par l’armée comme étant en infraction. Sont également interdits de passage aux habitants les champs de tirs, situés essentiellement dans les zones habitées par les bédouins. (Vallée du Jourdain, 29/11/06)
Un homme de Bardala demande à aller à Jénine, où son fils est hospitalisé. Ses papiers indiquent comme résidence "Jéricho", avec écrit en dessous "Bardala". Les soldats refusent de le laisser passer parce qu’il faut que ce soit dans l’ordre inverse : d’abord "Bardala", ensuite "Jéricho". Il dit que certains soldats le laissent passer, d’autres pas. (Vallée du Jourdain, 13/11/06)
A l’attention du Centre Humanitaire
Mazen, de Dahariya, a trois ans et souffre d’un cancer des deux yeux. Toute sa famille figure sur la liste noire des Services de Sécurité Générale et sur celle de la Police. On lui a déjà enlevé un œil, et le cancer s’est étendu à l’autre, nécessitant une intervention immédiate. Personne ne peut l’emmener à l’hôpital Augusta Victoria, l’hôpital palestinien du Mont des Oliviers. Suite à l’intervention de MachsomWatch et de parlementaires de la Knesset, le chef des Services de Sécurité Générale autorise la grand’mère de Mazen (qui figure aussi sur la liste) à l’emmener à son traitement. L’hôpital Augusta Victoria fait transférer l’enfant à l’hôpital Hadassah à Ein Karem, où on veut le garder une semaine de plus. Entre temps le permis de la grand’mère a expiré. Une fois de plus nous devons intervenir. Une extension de permis de quatre jours (au lieu d’une semaine) est délivrée par le DCO d’Hébron. Elle doit être faxée à Jérusalem, puisqu’aucun membre de la famille ne peut l’apporter, aucun d’entre eux n’étant autorisé par les Services de Sécurité à entrer en Israël.
Une fois le traitement terminé, lorsque tous deux cherchent à rentrer chez eux par les bus palestiniens, les chauffeurs ne les laissent pas monter, parce que la grand’mère n’a qu’une photocopie, et pas l’original du permis. (Les chauffeurs de bus palestiniens sont tenus de vérifier et ne doivent transporter que les personnes en situation régulière). De nouveau nous devons intervenir et Mazen et sa grand’mère rentrent chez eux.
Le père de l’enfant nous a décrit l’enquête des Services de Sécurité Générale, après qu’il a sollicité de pouvoir accompagner son fils à Jérusalem. Il a été envoyé au "Capitaine George", et tandis que planait l’ombre de la terrible maladie du petit, le "Capitaine" lui a dit : "Je peux te faire accorder tout permis dont tu as besoin. On t’aidera si tu nous aides." Une fois cette "offre" déclinée, toute la famille a été placée sur la liste noire des Services de Sécurité Générale.