Abordant ensuite la question de la situation au Proche-Orient, M.
Philippe Douste-Blazy a rappelé l’importante évolution du contexte
politique dans cette région au cours des dernières semaines avec, en
particulier, la mise en place d’un nouveau gouvernement palestinien
composé presque entièrement de membres du Hamas. S’il a admis qu’il
était sans doute encore trop tôt pour analyser toutes les conséquences
de ces événements sur le processus de paix, il a cependant rappelé les
principes qui, dans ce contexte, guidaient et continueraient de guider
l’action de la France.
Tout d’abord, le nouveau gouvernement palestinien doit accepter les
trois principes fondamentaux du Processus de paix rappelés par le
Quartet : renonciation à la violence, reconnaissance d’Israël et des
engagements internationaux souscrits par l’Autorité palestinienne. Comme
il a été dit et répété au cours des deux derniers mois, le dialogue
politique avec le gouvernement palestinien dépendra du respect de ces
principes.
Or, à ce jour, le nouveau gouvernement palestinien n’a pas
donné de signal clair quant à sa volonté de répondre aux attentes de la
communauté internationale. Les ouvertures ont été limitées et
insuffisantes : il en va ainsi de la lettre au Secrétaire général des
Nations unies mentionnant une solution au conflit israélo-palestinienne
incluant deux Etats, reconnaissance qui a été ensuite démentie par le
ministre des Affaires étrangères palestinien.
En deuxième lieu, le ministre des Affaires étrangères a fait valoir que,
si des exigences étaient adressées au gouvernement palestinien, il
n’était nullement question pour autant de provoquer une crise
humanitaire dans les Territoires palestiniens, ni de sacrifier les
acquis institutionnels de la dernière décennie.
C’est pourquoi la France
considère comme essentiel que l’aide internationale continue de parvenir
à la population : ceci vaut d’abord pour l’aide humanitaire mais
également pour l’aide budgétaire directe, dès lors qu’elle est ciblée
sur des administrations telles que les services sociaux, l’éducation ou
les hôpitaux qui apportent des bénéfices à la population palestinienne.
L’annonce faite hier à Luxembourg par le Conseil des ministres d’une
suspension de l’aide européenne doit bien être perçue comme une mesure à
titre conservatoire, pendant que les membres de l’Union européenne
réfléchissent aux modalités précises de l’aide qui continuera à être
offerte aux Palestiniens. Dans cette perspective, l’Union européenne va
examiner les différents canaux par lesquels cette aide pourra transiter
: les Nations unies, la Banque mondiale, les organisations non
gouvernementales, mais aussi les services du président Abbas, ce dernier
étant le garant de la pérennité des institutions de l’Autorité
palestinienne. Il importe ainsi de préserver ces institutions que
l’Union européenne a contribué à façonner et dont le maintien fait
partie intégrante de la solution au conflit.
M. Philippe Douste-Blazy a ajouté qu’aider la population signifiait
aussi, pour la France, poursuivre ses contacts au niveau technique avec
l’administration palestinienne : la collaboration établie avec les
fonctionnaires de différents ministères doit être poursuivie.
En troisième lieu, s’agissant de la politique que la France et ses
partenaires européens choisiront de mener vis-à-vis du Hamas, il a fait
valoir qu’elle devrait, en tout état de cause, tenir compte de
l’objectif prioritaire qui doit être la relance du Processus de paix. Il
a expliqué à cet égard qu’il fallait continuer d’agir pour aboutir à un
règlement juste du conflit israélo-palestinien, c’est-à-dire à
l’existence de deux Etats viables et vivant côte à côte dans la paix et
la sécurité. Cet objectif ne doit pas être perdu de vue, même s’il faut
être conscient que le Hamas ne se pliera pas du jour au lendemain aux
principes qui ont été posés. Il sera, par conséquent, nécessaire de
laisser du temps pour que ces trois exigences soient satisfaites, tout
en les rappelant constamment, avec fermeté.
Le ministre des Affaires étrangères a cependant appelé à la lucidité :
certains avancent l’hypothèse qu’un échec du Hamas au pouvoir pourrait
amener les Palestiniens à reconsidérer leur choix à l’occasion d’un
nouveau scrutin et à ramener le Fatah au pouvoir.
Cette hypothèse repose
sur une méconnaissance des motivations du vote du 25 janvier : il est
peu vraisemblable que le Fatah soit en mesure de reprendre rapidement le
pouvoir. Tout laisse penser au contraire que ceux qui parient sur
l’asphyxie du gouvernement Hamas et espèrent son effondrement rapide,
risquent d’entraîner une radicalisation du mouvement et le succès des
extrémistes en cas de nouvelle consultation électorale. Il convient, par
conséquent, de se méfier de la tentation de jouer "la politique du pire".
S’agissant de la relance du Processus de paix du côté israélien, M.
Philippe Douste-Blazy a observé que les résultats des élections
semblaient de nature à ouvrir quelques possibilités.
Les électeurs
israéliens se sont prononcés clairement en faveur d’une solution rapide
au conflit.
Il convient de réfléchir dès maintenant aux initiatives qui
pourraient être proposées aux parties, afin qu’une fois le gouvernement
israélien constitué, il soit possible d’avancer vers des solutions
négociées sur les questions les plus sensibles : la barrière de
séparation, le statut de Jérusalem, les colonies, la vallée du Jourdain- et plus largement la frontière et les questions de sécurité. Le moment
est d’autant plus décisif que l’actualité fait apparaître une nouvelle
escalade de la violence à Gaza. Le cycle - malheureusement bien connu -
de provocations et de répressions a entraîné en quelques jours la mort
de plusieurs Palestiniens, situation qui non seulement n’est pas
acceptable, mais est en outre, par son extrême volatilité, dangereuse
pour tous.
Il est de l’intérêt de la communauté internationale de tout
faire pour y mettre un terme, en rappelant que la seule voie vers la
paix réside dans celle d’un processus négocié.