Les remontrances faites par David Grossman lors du rassemblement à la mémoire d’Yitzhak Rabin continuent de résonner et, le temps passant, elles se transforment en une sorte de papier tournesol, capable de déterminer l’appartenance de celui qui s’y réfère - camp « national » ou camp de « la paix », droite ou gauche.
Grossman lui-même croit que « les divergences d’opinion, aujourd’hui, entre droite et gauche ne sont vraiment pas
la manière de mener la guerre ». La gauche se joint ainsi à ceux qui se lamentent de la perte de capacité de dissuasion et qui appellent à effacer l’humiliation de l’échec, à se débarrasser des responsables et à préparer Israël à une nouvelle série de combats.
Les dirigeants du « camp de la paix » ne se mettront pas à la tête du camp qui est en train de se renforcer, et qui s’attache à la normalité, refuse de se plier à un ordre du jour de préparation à la prochaine guerre et de vouer un culte au Moloch de la « dissuasion ». Eux continuent de se réfugier à l‘ombre du plan de paix classique, rebattu et anachronique, tenu pour d’autant plus inévitable qu’il est moins pertinent - « une paix par absence de choix » comme dit Grossman : « cette terre sera partagée, un Etat palestinien créé ».
Les changements fondamentaux qui se sont produits depuis que ce plan de paix a été formulé pour la première fois, il y a plus d’une génération, n’éveillent aucun doute quant à sa faisabilité, ni le fait que ce plan de paix soit passé d’une formule d’accord à un moyen d’oppression et d’écrasement. Tout n’est qu’affaire de « consensus national » juif, comme si l’obstacle était intérieur, entre Juifs. Et pour venir à bout de la résistance des Palestiniens, on envoie Olmert, lui qui est « creux, procédurier, perfide », leur expliquer ce qui est bon pour eux, par-dessus la tête de leurs dirigeants élus.
Dans la réalité présente, alors que la notion même de « paix » est devenue subversive, le seul fait de la mentionner à nouveau est susceptible d’être considéré comme un événement retentissant, un texte fondateur. Mais il convient de prêter attention à la passivité adoptée par le porte-parole du camp de la paix : tout ce qui est exigé du combattant de la paix, c’est de prêcher la morale à des à des dirigeants creux.
Où est l’appel à se joindre à la lutte contre les injustices de la clôture, l’étranglement des barrages, le blocus de Gaza, l’assassinat de femmes et d’enfants, la destruction des institutions de l’Autorité Palestinienne, l’expulsion de familles palestiniennes auxquelles « manquent des documents » ? Car enfin, seules ces questions concrètes, parfaitement non héroïques, importent dans le tracé d’une vie commune en terre d’Israël, et pas des « plans de paix », objets d’une polémique stérile qui ne fait que renforcer le statu quo.}}
Mais comment peut-on exiger de sortir de la passivité, si le porte-parole ressent « combien nous sommes près de perdre ce que nous avons créé ici » ? Pareille licence poétique est interdite, même à un auteur talentueux et a fortiori au porteur d’un message politique. Nous sommes très loin de perdre ce que nous avons créé ici, et le camp de la paix commettra, de nouveau, une erreur fatale si elle laisse la droite porter la bannière de l’optimisme et de l’espoir.
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)