Le ministre libanais du Travail a levé hier ( lundi, 27 juin 2005 ) l’interdit frappant, depuis 22 ans, les Palestiniens du Liban au niveau de l’exercice d’une cinquantaine de métiers dans le secteur privé, a annoncé l’Agence nationale d’information (officielle).Le ministre Trad Hamadé a publié un mémorandum « exemptant les Palestiniens nés au Liban et dûment enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur de l’interdiction d’exercer » les professions limitées aux Libanais, a précisé l’Ani.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Hamadé a affirmé qu’il n’a fait qu’appliquer la prérogative que lui donne l’arrêté n° 1/79 qui autorise le ministre concerné à « lever l’interdit frappant une certaine catégorie de travailleurs étrangers ». « Il était temps de remédier à la situation socio-économique des réfugiés palestiniens, devenue inadmissible », a ajouté le ministre, précisant que ce nouveau sursis reste toutefois « tributaire des demandes du marché ».
Cette décision intervient alors qu’une forte proportion d’ouvriers syriens, estimés à plusieurs centaines de milliers avant le retrait des troupes de Damas fin avril, a quitté le Liban.
La Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) a « félicité » l’Union générale des travailleurs palestiniens de cette décision. « Il s’agit d’un premier pas pour octroyer aux Palestiniens leurs droits civils et sociaux conformes à la justice et aux droits de l’homme », souligne la CGTL.
« C’est un pas positif très important au regard des droits des Palestiniens », a pour sa part indiqué à l’AFP Souheil Natour, directeur du Centre de protection des droits de l’homme, une ONG palestinienne basée à Beyrouth. « Il faudrait le compléter en autorisant le travail des cadres palestiniens, détenteurs de diplômes universitaires, comme les avocats, les médecins et ceux qui exercent d’autres professions libérales de ce type, qui sont toujours interdites », a-t-il ajouté.
« Il faudrait également annuler l’amendement de la loi adoptée en 2001, interdisant aux Palestiniens du Liban l’acquisition de propriétés foncières et immobilières », a-t-il souligné, citant l’exemple de Palestiniens détenteurs au Liban d’appartements acquis avant cette date et qui se retrouvent en état de « non- droit ».
L’interdiction de travail pour les Palestiniens dans des dizaines d’emplois, du concierge d’immeuble jusqu’à l’employé de banque, est en vigueur depuis 1983, soit un an après l’invasion israélienne du Liban.
Selon l’Onu, quelque 400 000 Palestiniens sont enregistrés au Liban. Toutefois, selon des estimations concordantes, en raison de l’émigration massive, le Liban n’abrite pas plus de 250 000 Palestiniens, répartis dans 12 camps de réfugiés et vivant dans des conditions extrêmement précaires.
Au bout de 20 ans, les Palestiniens ont enfin le droit de travailler
Les réfugiés nés au Liban peuvent rechercher du travail
Par Mohammed Zaatari, 28 juin 2005,
Sidon - La décision du Ministre du travail, Trad Hamadeh, permettant aux Palestiniens nés au Liban d’exercer certains emplois redonne l’espoir à des milliers de Palestiniens qui, jusqu’à présent, n’avaient été embauchés que pour des boulots journaliers, privés de leurs droits et accablés par le chômage et la misère.
Hamadeh a émis une directive stipulant que les Palestiniens nés sur le territoire libanais et enregistrés officiellement au ministère de l’intérieur libanais ne seront pas exclus de la plupart des professions au Liban.
Sa directive a été accueillie avec satisfaction par les cercles politiques palestiniens et est considéré comme un prélude à un engagement plus sérieux vis-à-vis des problèmes des réfugiés palestiniens du pays, dont le plus urgent est la nécessité de reconnaître leurs droits civils et sociaux.
Les réfugiés palestiniens vivant au Liban étaient considérés auparavant comme des étrangers dans le pays et l’idée de leur accorder des droits était considérée comme un prélude à leur installation permanente dans le pays. En conséquence, pendant plus de 50 ans, plus de 70 professions ont été interdites aux réfugiés palestiniens.
Ce manque de possibilités de travail pour les réfugiés palestiniens au Liban a crée des conditions économiques dévastatrices dans les camps de réfugiés.
Les travailleurs ont décrit cette décision comme conforme aux droits humains fondamentaux surtout étant donné que c’est arrivé à un moment de pression internationale accrue vis-à-vis des réfugiés palestiniens afin de les forcer à accepter une solution où ils renonceraient à leur droit au retour.
Le secrétaire général des Comités Populaires Palestiniens à Sidon, Abed Maqdah, a décrit cette décision comme étant « importante » et historique » disant qu’elle mettait fin à une injustice qui avait été infligée aux Palestiniens pendant beaucoup d’années.
Maqdah dit que la décision était « une position politique nationale » visant à soutenir la cause palestinienne face à la pression internationale.
« Si certains pensent qu’ils nous refusent une installation permanente en nous privant de nos droits, nous répétons que nous sommes des invités au Liban et que nous refusons une installation permanente et insistons sur notre droit au retour » affirme-t-il.
Les palestiniens travaillent comme journaliers dans des boulots manuels tels que le bâtiment et l’agriculture.
Le taux de chômage parmi les ingénieurs et les docteurs a augmenté à tel point que certains d’entre eux ont ouvert des cliniques et des bureaux dans leurs propres maisons et plus particulièrement, tous ceux à qui l’UNRWA n’a pas donné d’emplois.
La pharmacienne Salha Wardeh dit : « J’ai étudié la pharmacie et n’ai pas trouvé de travail. Je pense que cette décision redonne de l’espoir et j’espère pouvoir ouvrir une officine à l’extérieur du camp ».
Pour sa part, Yasser Abdullah, un diplômé en électronique du ‘Sibline Vocational Institute’ qui a transformé sa maison en magasin de réparations, a dit qu’il espérait que la décision serait bien mise en pratique.
Etant donné que les réfugiés n’ont pas d’autre choix, des douzaines de magasins industriels sont surconcentrés le long des bâtiments résidentiels dans le camp d’Ain al-Hilweh.
Adel Manfi a décrit la décision comme « sage » en disant qu’elle allait bénéficier aussi bien aux Libanais qu’aux Palestiniens.
Les Palestiniens ont appris qu’ils pourront avoir accès à certains emplois qui nécessitent un permis de travail et dont la fiscalité est très élevée.
Le dirigeant des comités de défense du droit au retour, Fouad Othman, dit que la décision aide à améliorer les relations entre les Palestiniens et les Libanais mais qu’elle aide aussi à promouvoir la résistance palestinienne au refus d’une installation permanente.
Othman dit : « Cette décision est historique et c’est un pas vers le soulagement de l’injustice qui pèse sur les épaules du peuple palestinien ».
Ibrahim Qott, propriétaire d’un magasin de peinture, a dit : « L’état libanais nous a traité comme des étrangers » en rajoutant « une installation permanente ne peut pas être évitée si cela nous est imposé ».
Mais Ali Eid, un chauffeur de taxi, dit que l’installation permanente va commencer « maintenant en nous permettant de travailler et dans le futur, en nous donnant la nationalité libanaise ».