Paris, le 26 juillet 2005,
M. Le Président de la République,
La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine est une association regroupant 40 organisations de solidarité internationale. En lien avec ses partenaires palestiniens, israéliens et plus de 60 associations françaises et européennes, la plateforme alerte, depuis septembre 2003, la population française et ses élus, sur les conséquences immédiates et à venir de la construction du Mur, dans le cadre de la campagne internationale contre le Mur et pour la fin de l’occupation des Territoires palestiniens, « Stop the Wall ».
Le 27 juillet prochain vous recevrez à Paris le premier ministre israélien, Ariel Sharon. Lors de sa dernière visite en juillet 2001, ce dernier avait affirmé « la grande volonté d’Israël de parvenir à la paix avec les Palestiniens ». Pourtant depuis juillet 2001, la situation sur le terrain ne cesse de s’aggraver. La colonisation et l’occupation s’intensifient tandis que la construction du Mur progresse chaque jour.
Rappel des obligations de la France envers Israël
– 1. Le 9 juillet 2004, la CIJ a déclaré le Mur illégal, considérant qu’il viole le droit international et aussi les droits fondamentaux des Palestiniens et qu’il remet en cause la création d’un Etat palestinien. Dans son avis, la Cour exige d’Israël l’arrêt de la construction du Mur, son démantèlement et la réparation des dommages causés aux Palestiniens. Elle rappelle aussi l’obligation pour les Etats signataires de la quatrième Convention de Genève, dont la France, de tout faire pour qu’Israël se conforme aux obligations juridiques présentes dans l’avis. En votant le 20 juillet 2004, la résolution A/RES/ES-10/15, demandant à Israël et à tous les Etats membres de se conformer aux obligations de la Cour, la France s’est engagée à ne pas reconnaître et à condamner le Mur.
A ce titre, la France est dans l’obligation d’exiger d’Ariel Sharon la fin de ce fait illégal, en conformité avec l’avis.
– 2. En 1999, la France était un des deux derniers pays à ratifier l’accord d’association entre l’UE et Israël. L’article 2 de cet accord stipule que « les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord ».
Ainsi, la France doit rappeler à M. Sharon que par la signature de cet accord, l’UE et Israël « consentent librement à se conférer un droit de regard mutuel sur le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme, et acceptent par avance que des violations graves de ces principes puissent justifier la prise de mesures appropriées, c’est‑à‑dire de sanctions, pouvant aller jusqu’à la suspension de l’accord », selon le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme
La France doit avertir M. Sharon que l’UE ne peut demeurer le premier partenaire commercial de l’Etat d’Israël, alors que celui-ci continue de violer les droits de l’Homme et le droit international, comme le conclut un rapport d’information de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, daté de mars 2004.
Poursuite de la construction du Mur : Jérusalem-Est prise au piège
Le 09 juillet 2004, la Cour internationale de justice (CIJ) déclarait illégal le Mur construit par Israël en Cisjordanie. Un an après, le gouvernement israélien poursuit en toute impunité la construction du Mur, qui atteint actuellement 255 kilomètres sur les 650 prévus et contribue à l’annexion de facto de 47% de la Cisjordanie.
Le 10 juillet dernier, le gouvernement israélien a validé le tracé du Mur dans la ville de Jérusalem, qui devrait être complété en octobre 2005. 55 000 habitants palestiniens seront exclus de la partie orientale de la ville. Le camp de réfugiés de Chouafat et le village de Koufr Akab seront coupés du reste de la ville, tandis que toutes les colonies israéliennes les plus importantes de Jérusalem et de sa périphérie, comme celle de Ma’ale Adumim, seront incorporées à la ville par la construction du Mur. La ville sera bientôt totalement isolée de la Cisjordanie par le Mur. Plus que jamais Jérusalem-Est est un élément stratégique de la politique de colonisation israélienne, qui rend de fait impossible la perspective d’un Etat palestinien viable et indépendant avec Jérusalem pour capitale.
Le retrait de Gaza : écran de fumée de la colonisation en Cisjordanie
La médiatisation du retrait israélien masque la poursuite et l’intensification de la colonisation en Cisjordanie. Le même jour que l’adoption du plan de retrait en février 2005, le gouvernement israélien a autorisé la construction de 3500 nouveaux logements dans la colonie de Ma’ale Adumin, à l’est de Jérusalem. Ainsi, le nombre de colons que le gouvernement israélien envisage d’installer en Cisjordanie est supérieur aux 7 000 colons qu’il prévoit simultanément d’évacuer de la bande de Gaza.
Le retrait de Gaza est présenté par Ariel Sharon comme un acte de paix. La réalité est différente. Selon le plan de désengagement présenté par le gouvernement israélien, les frontières terrestres et maritimes de la bande de Gaza resteront sous contrôle israélien. De même Israël conservera le contrôle exclusif de l’espace aérien de Gaza, ainsi que la possibilité de frappes préventives. Le plan de retrait, décidé de façon unilatérale, ne rentre pas dans le cadre de la feuille de route ou d’un règlement diplomatique global et contrecarre les chances d’une négociation entre Israéliens et Palestiniens.
Mur illégal : une mobilisation civile et parlementaire sans précédent
En appui aux sociétés civiles palestinienne et israélienne, la campagne « Stop the Wall » mobilise partout en Europe. En France, 220 000 citoyens français ont signé la pétition demandant au gouvernement de tout mettre en œuvre pour que le gouvernement israélien mette fin à l’occupation des Territoires palestiniens et à la construction du Mur et d’exiger de l’Union européenne la suspension de l’accord d’association UE-Israël, conditionné au respect des droits de l’Homme.
300 parlementaires français et européens ont signé la pétition de la Coordination européenne des comités Palestine, demandant à l’UE de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’Israël se conforme, enfin, au droit international, aux résolutions des Nations Unies et à l’avis de la CIJ.
En janvier 2005, les représentants de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine ont fait part au président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, de la mobilisation de la société civile et des élus français et européens. M. Debré a, sans ambiguïté, conforté la condamnation du Mur par la France aux Nations Unies et considéré que la France et l’UE doivent peser sur la relance du processus de paix. Il a aussi reconnu qu’une mission parlementaire devrait se rendre dans les Territoires et qu’un débat devrait avoir lieu au Parlement pour inviter le gouvernement à adopter une position claire.
Le 07 juillet 2005, à l’occasion d’une conférence de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine à l’Assemblée nationale, répondant à l’appel de Mme Monique Chemillier-Gendreau, juriste et professeur de droit international, des parlementaires de tous les partis politiques se sont prononcés pour que la France dépose un projet de résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies afin que l’avis de la CIJ soit respecté. Ils se sont également engagés à ouvrir un débat à la rentrée au sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat afin que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour qu’Israël se mette en conformité avec le droit international, comme l’exige la CIJ.
Monsieur Le Président, l’attitude et la détermination de la France pour la résolution du conflit en Irak sur la base du droit international doivent être reproduites pour mettre fin à l’occupation des Territoires palestiniens. A ce titre, le soutien de la France apporté à Mahmoud Abbas, dont l’élection a confirmé l’aspiration de la population palestinienne à la démocratie et à la paix, doit s’accompagner de pressions fermes à l’égard d’Ariel Sharon, afin qu’au delà du désengagement de Gaza, il se conforme au droit international rappelé dans l’avis de la CIJ et aux engagements de la feuille de route.
En espérant que ce courrier retiendra toute votre attention, veuillez agréer, M. Le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.
M. Bernard Ravenel, président de la Plateforme.