Monsieur le Président,
Les 18 et 19 novembre prochains, vous avez prévu de vous rendre en
Israël et en Palestine.
Vous y aborderez avec les dirigeants de ces pays les problèmes brûlants
qui mettent gravement en échec l’issue des discussions de paix
actuellement en cours, comme ce fut le cas pour les précédentes.
Le plus grave et le plus irréductible de ces problèmes est la violation
du droit humanitaire international par la colonisation israélienne du
territoire palestinien occupé, qui empêche la réalisation même d’un Etat
palestinien.
En témoignent les quelque 5 000 autorisations délivrées pour de
nouvelles constructions dans les colonies depuis le début des
discussions de paix en cours ; l’encerclement progressif de
Jérusalem-Est par de nouveaux noyaux de colonisation dans les quartiers
palestiniens s’ajoutant aux colonies existantes ; et l’augmentation du
nombre de confiscations et de démolitions d’infrastructures
palestiniennes.
Depuis plusieurs années, de nombreux rapports, d’agences des Nations
unies, d’ONG ou des chefs de mission européens à Jérusalem Est et
Ramallah, documentent ces violations des droits de l’Homme, du droit
humanitaire international et des résolutions de l’ONU. Un exemple parmi
les plus connus est le blocus, illégal, de la bande de Gaza, qui
constitue une forme de punition collective de sa population et qui a un
impact sévère sur la vie des Palestiniens. Le blocus de la bande de Gaza
atteste de la politique israélienne visant à diviser les territoires
occupés en isolant Gaza et Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie,
mettant ainsi en péril toute perspective d’Etat palestinien et de
développement.
Plus grave encore, ces violations ont lieu dans un contexte d’impunité
totale qui ouvre la porte aux violations futures et nie le droit
fondamental des Palestiniens à la justice et à la réparation.
La tentative de transfert forcé qui menace les Bédouins palestiniens,
aussi bien en Israël que dans les territoires palestiniens occupés, est
moins connue. Si le plan Prawer–Begin est adopté par le parlement
israélien, 70 000 Bédouins dans le Néguev israélien, citoyens d’Israël,
sont menacés d’expulsion vers des “villes de regroupement“ et de la
confiscation presque totale de leurs terres ancestrales. En
Cisjordanie, 27 000 autres Bédouins palestiniens sont aussi en passe
d’être déportés afin de permettre à Israël de construire de nouvelles
colonies dans la zone dite E1 et dans la vallée du Jourdain, comme nous
l’a rappelé la récente intervention musclée de l’armée israélienne
contre des diplomates européens en mission humanitaire dans le village
rasé de Khirbet Makhul. Par ailleurs, ces colonies diviseraient la
Cisjordanie en deux et couperaient définitivement Jérusalem-Est de son
arrière-pays palestinien.
Monsieur le Président, lors de la récente visite du président Abbas en
France, vous avez rappelé le soutien de celle-ci à une solution à deux
Etats, sur la base de la Ligne verte, y compris à Jérusalem, capitale
des deux Etats, dans le droit fil de la position constante de la France,
clairement affirmée par son vote en faveur d’un Etat de Palestine membre
observateur à l’ONU.
Lors de votre visite en Israël et en Palestine nous vous demandons de
rappeler fermement ces positions aux dirigeants israéliens et de
renouveler votre soutien aux dirigeants palestiniens qui se trouvent en
position de faiblesse dans les négociations en cours.
Seul le respect du droit international, y compris la fin de la
colonisation et le démantèlement des colonies existantes, la levée du
blocus de la bande de Gaza et le respect des droits de Palestiniens à
Jérusalem Est et en Zone C - où la France doit poursuivre sa politique
d’aide au développement - peuvent mener à la paix basée sur une solution
à deux Etats.
Nous vous appelons à signifier votre engagement clair et déterminé en
faveur de la mise en œuvre effective des mesures récemment prises par
l’Union européenne pour assurer que les colonies ne bénéficient pas de
son soutien financier, entre autres par leur participation à des
programmes européens tel que Horizon 2020. Enfin, la France doit
concrétiser son soutien pour des lignes directrice sur l’étiquetage
différencié des produits des colonies et des recommandations adressées
aux entreprises concernant le respecter du droit international dans le
cadre de leurs activités ». Il est nécessaire ces mesures soient
traduites dans la propre réglementation nationale et appliquées aux
relations bilatérales franco-israéliennes.
Nous vous remercions de l’attention que vous prêterez à ce courrier et
nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre
haute considération. Nous vous informons par ailleurs que nous rendrons
cette lettre publique.
Signataires :
· Claude Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises
pour la Palestine
· Karim Lahidji, président de la Fédération Internationale des
Droits de l’Homme
· Michel Tubiana, président du Réseau euro-méditerranéen des
droits de l’Homme