Photo : Des enfants palestiniens pendant la récolte des olives à Al Walaja en 2011 - Crédit : Ryan Rodrick Beiler (Active Still Collective)
Le mois d’octobre approche, ce qui signifie que la récolte des olives en Palestine battra bientôt son plein.
La récolte des olives est une saison sacrée en Palestine, presque équivalente à une fête religieuse élargie. Il y a quelque chose dans l’air - une certaine excitation, les familles, les amis et les voisins se réunissent, les gens renouvellent leurs liens avec leur terre, et à la fin de tout cela, la subsistance pour l’année suivante se présente sous la forme d’une huile épaisse et succulente, aux teintes dorées et vertes.
Pour les journalistes et les reporters en Palestine, la récolte des olives est un moment clé de l’année civile. Chaque saison donne lieu à d’innombrables anecdotes. Malheureusement, la plupart de ces histoires ne sont pas celles que l’on imagine accompagnées une si belle saison. Depuis que j’ai commencé à faire des reportages en Palestine, la violence des colons israéliens est l’une des principales composantes de mes reportages sur la récolte des olives.
Pendant la période de la récolte des olives, les colons israéliens de Cisjordanie se livrent à des campagnes de violence, prenant pour cible des agriculteurs et des familles palestiniennes alors qu’ils sont dans leurs oliveraies, en train de ramasser les fruits de leurs arbres. Il ne s’agit pas seulement d’attaques physiques contre le corps des gens, mais aussi de violentes attaques contre leurs terres. J’ai vu des colons brûler des hectares de terre et d’oliviers juste avant la récolte. J’ai vu des Palestiniens âgés pleurer en voyant les arbres plantés par leurs pères, flétris et noirs parce que les colons les avaient empoisonnés. J’ai vu des familles perdre des milliers de dollars après que des colons sont venus au milieu de la nuit et ont volé leur récolte au moment où elle mûrissait, les privant de leur principale source de revenus pour l’année suivante.
Personnellement, j’attends avec impatience la récolte des olives pour toute la beauté et la joie qu’elle apporte, mais je sais que cette année ne sera pas différente des précédentes. La joie s’accompagnera inévitablement de la cruauté et de la douleur de la violence des colons.
Il y a quelques jours, j’ai parlé à des militants palestiniens qui passent chaque récolte d’olives dans les villages les plus vulnérables de Cisjordanie, accompagnant les agriculteurs jusqu’à leurs terres pour les protéger en cas d’attaque des colons. Bien entendu, face à des colons armés de bâtons, de fusils, d’autres armes et de la force de l’armée israélienne, le seul moyen de défense dont disposent ces militants est leur corps.
Alors que je me préparais à faire mon reportage sur la récolte, j’ai contacté les activistes pour leur demander quel était leur emploi du temps et si je pouvais les accompagner en tant que reporter lors de certaines de leurs activités. L’un des militants, qui est souvent confronté aux colons et aux soldats, a dit quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas de sa part. Il m’a dit : « J’ai peur ».
Naturellement, j’ai pensé. Qui n’aurait pas peur ? Mais il s’agit de quelqu’un qui a regardé dans le canon de trop d’armes israéliennes pour pouvoir les compter, quelqu’un qui a été emprisonné pour son activisme et qui a perdu des amis et des camarades en cours de route. Malgré tout, il a toujours gardé un esprit positif et la motivation de continuer à pratiquer le sumud, ou fermeté, sur la terre.
Alors, quand il a dit qu’il craignait pour sa vie et celle des agriculteurs cette saison, j’ai compris que cette année n’allait pas être comme les précédentes. Elle allait être beaucoup, beaucoup plus grave. Les journalistes sur le terrain s’y attendent. Après tout, cette année a été marquée par certaines des pires attaques de colons contre des Palestiniens en Cisjordanie depuis des années, les pogroms de colons incendiant des villes palestiniennes entières étant de plus en plus fréquents et de plus en plus meurtriers.
Alors que la violence des colons en Cisjordanie s’aggrave chaque jour et que certains des colons les plus idéologiques et les plus violents consolident leur emprise sur le gouvernement israélien, la réalité est telle que, plutôt que de se préparer à une période de joie, de célébration et de solidarité, les Palestiniens se préparent à se battre une fois de plus pour leur vie et leur terre.
Traduit par : AFPS