Mme. Benita Ferrero-Wladner,
Commissaire aux relations extérieures
et à la politique européenne de voisinage
Mme. Ursula Plassnik,
Présidente du Conseil de l’UE
Bruxelles, 28 avril 2006
Mme Ferrero-Waldner,
Mme Plassnik,
Je vous fais parvenir ce courrier afin de vous faire part de ma
désapprobation concernant la décision de suspendre l’aide directe de
l’UE à l’Autorité Palestinienne.
Il est légitime que l’UE cherche à obtenir les garanties nécessaires
afin de s’assurer que les fonds européens ne soient pas utilisés à des
fins terroristes. Cette question avait d’ailleurs déjà été posée sous la
Présidence de Yasser Arafat. Une enquête de l’OLAF avait alors démontré
que de telles accusations étaient infondées. Il est tout aussi légitime
que l’UE demande que le gouvernement palestinien, en tant que partenaire
de l’UE, ne prône pas la destruction de l’Etat d’Israël et n’appelle pas
à sa disparition.
Cependant, il est regrettable que l’UE n’ait pas cherché à "juger sur
pièce" et n’ait pas accordé le temps nécessaire au nouveau gouvernement
palestinien pour clarifier ses positions. Il est tout aussi déplorable
que l’UE n’ait pas cherché à établir un dialogue avec l’AP afin de
l’encourager à adopter une déclaration allant dans le sens des exigences
de l’UE. Les idées énoncées dans la charte du Hamas ne peuvent en aucun
cas être acceptées par l’UE. Cependant, il eut été équitable et réaliste
de la part de l’UE d’identifier des objectifs dont la réalisation
conditionnerait l’aide, plutôt que d’établir une liste de pré-conditions
à celle-ci.
L’UE, et plus particulièrement la Commission, n’a d’ailleurs eu de cesse
de promouvoir une approche positive de la clause de l’élément essentiel.
Selon cette approche, les termes des accords doivent être utilisés afin
de mettre en place des mécanismes de suivi, de dialogue et de pression
dans le but d’améliorer la situation, les sanctions intervenant
éventuellement à l’issu du processus. Cette approche prévaut d’ailleurs
dans la résolution adoptée par le Parlement européen le 2 février 2006
(élection en Palestine).
La décision de l’UE me paraît donc particulièrement malvenue- le fait
qu’elle ait été annoncée par la Commission et le Secrétaire Général du
Conseil avant même la réunion des ministres et sans considération des
positions du Parlement européen fragilise encore sa légitimité. Cette
décision semble avoir été prise sans aucune vision stratégique ni
réflexion quant à un possible plan de sortie de crise. De plus, elle
reste très confuse quant à l’envergure et au type de l’aide gelée.
Nul ne peut mettre en doute la transparence et la légitimité des
élections palestiniennes. Le processus démocratique dans ce pays a été
promu, soutenu, financé et observé par l’UE. Le comportement des
palestiniens et leur volonté d’aller au bout du processus de
démocratisation a d’ailleurs été exemplaire. Il est donc déplorable de
constater que l’UE se met en porte-à-faux en refusant de reconnaître le
nouveau gouvernement palestinien comme un interlocuteur à part entière.
Une telle attitude décrédibilise l’ensemble de l’action de l’UE en
matière de promotion des droits de l’Homme et des principes
démocratiques, élément pourtant essentiel de l’action extérieure de l’Union.
Enfin, en gelant les aides indispensables au fonctionnement des
ministères palestiniens, L’UE porte atteinte aux structures mêmes du
futur Etat palestinien, qu’elle a pourtant très largement contribué à
mettre en place.
Pour l’ensemble de ces raisons, et pour éviter une crise sociale et
politique majeure et irréversible dans les territoires palestiniens, il
me semble urgent que l’UE revienne sur sa décision, qu’elle fasse preuve
de mesure et d’équilibre dans ses décisions et qu’elle s’assure de
pratiquer la même règle pour tous ses partenaires.
Je vous serais également reconnaissante de me faire parvenir les
informations précises concernant le financement et les projets gelés par
l’UE et ses Etats membres, plus particulièrement ceux liés à la
promotion des droits de l’Homme et aux réformes démocratiques.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à la présente
requête, je vous prie d’agréer, Madame la Commissaire, Madame la
Présidente, l’expression de mes salutations distinguées.
Hélène Flautre