Monsieur Jacques Chirac
Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint Honoré
75008 Paris
Paris, le 12 avril 2006
Monsieur le Président,
Le Conseil des ministres de l’Union européenne du 10 avril vient de
confirmer la décision prise par la Commission de suspendre l’aide européenne
aux Palestiniens.
Cette décision est particulièrement choquante. L’Autorité palestinienne se
trouve déjà dans une situation financière proche de la banqueroute. La
suspension de l’aide de l’Union qui s’ajoute à celle des aides américaines
et à l’arrêt illégal des transferts de taxes dues par Israël à l’Autorité
palestinienne, apparaît comme une volonté d’étranglement économique et
social et comme la sanction de tout un peuple.
Un rapport de la Banque mondiale du 15 mars 2006 souligne que 62% de l’aide
internationale accordée à la Palestine représente de l’aide budgétaire et
au développement. De telles aides ne pourraient pas être « remplacées » par
de l’assistance humanitaire. L’assistance promise aux Palestiniens par le
Conseil afin de couvrir les « besoins essentiels » des Palestiniens n’
apporte aucune solution. Tout ceci se traduira inévitablement par un nouveau
et sérieux recul dans la capacité de l’Autorité palestinienne à faire face
aux besoins de gestion, aux financements des traitements des fonctionnaires,
des services ou des infrastructures...
Le rapport de la Banque mondiale indique d’ailleurs qu’une suspension de l’
aide internationale conduirait à un chômage de 47% et une pauvreté frappant
74% de la population palestinienne à l’horizon 2008 !
La situation qui, à l’évidence, va découler de cette suspension des aides
risque de s’avérer dramatique pour le peuple palestinien. Aussi, je vous
demande, Monsieur le Président, d’intervenir d’urgence pour faire lever
cette sanction inique ou pour trouver des solutions politiques et des
circuits financiers nouveaux permettant de poursuivre toutes les aides. A
défaut, le Hamas ne manquerait pas de sortir politiquement renforcé de cette
politique dangereuse qui fera du peuple palestinien la principale victime.
La France et ses partenaires européens ont estimé nécessaire d’agir, avec
une grande détermination vis-à-vis du gouvernement palestinien dirigé par le
Hamas. Ils ont posé des conditions et exigé le respect des pratiques
considérées comme les plus communément admises au sein de la « Communauté
internationale » (notamment l’abandon de la violence).
Il serait souhaitable que les « Vingt cinq » manifestent la même
détermination pour obtenir d’Israël l’application des résolutions de l’ONU
et les dispositions de la Feuille de route en particulier pour le retrait
des territoires occupés, pour l’arrêt et le démantèlement des colonies et du
mur d’annexion... autant de conditions incontournables pour avancer vers une
solution juste et durable. Cette exigence d’initiative paraît d’autant plus
importante, pour la crédibilité de la France, Monsieur le Président, que
vous allez bientôt recevoir le Président Mahmoud Abbas à Paris. Le Président
palestinien attend légitimement beaucoup de notre pays. Nous souhaitons
profondément qu’il lui soit répondu positivement.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes
respectueuses salutations.
Marie-George Buffet