Paris, le 11 juillet 2006
Monsieur Jacques Chirac,
Président de la République
Monsieur le Président,
La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine exprime sa plus ferme condamnation de
l’attaque israélienne dans la bande de Gaza, la plus importante depuis le désengagement
d’août 2005.
Après l’enfermement, les sanctions économiques, qui ont renforcé une pauvreté
massive, les 1,4 millions d’habitants de Gaza, dont la moitié est maintenant privée
d’électricité et d’eau potable, subissent donc à nouveau une situation invivable.
Après avoir mené depuis des années des exécutions « ciblées » et des bombardements qui
tuent plus de civils que de personnes directement visées, après avoir exposé toute une
génération de jeunes israéliens à la guerre pour perpétuer une occupation illégale, l’armée
israélienne se dit aujourd’hui prête à tout pour sauver un seul homme, sauf à négocier.
Pour cela, 1,4 millions de personnes doivent supporter collectivement, en violation de la
IVème Convention de Genève, les conséquences de l’attaque israélienne dans ce « territoire
prison », qui, même après le retrait israélien, demeure de jure un territoire occupé.
Car l’objectif est ailleurs. Le gouvernement israélien impose seul des conditions que les
Palestiniens n’ont d’autre choix que d’endosser et de faire accepter à leur opinion. La réaction
israélienne s’est donnée comme objectif proclamé d’évincer le gouvernement issu du Hamas,
quitte à entraîner la chute de l’Autorité palestinienne.
L’arrestation de 64 ministres, députés et
maires du Hamas, le bombardement du bureau du Premier ministre palestinien participent de
cette stratégie.
Cette stratégie est d’autant plus insensée que le Hamas, qui continue de respecter une trêve
conclue depuis un an et demi, a fini par accepter le « document d’entente nationale » proposé
par les prisonniers, qui prévoit l’arrêt des attaques contre les civils, et entérine l’option d’un
règlement sur la base de deux États dans les frontières dites de 1967.
En ignorant délibérément ce progrès, pire, en rendant l’option d’une évolution progressive
vers une position de dialogue irrecevable aux yeux d’une portion croissante de l’opinion
palestinienne, cette opération militaire est non seulement une violation du droit humanitaire,
mais aussi un crime contre la paix et une insulte à l’avenir.
Nous tenons solennellement à vous alerter sur les dangers de cette tentative de neutralisation
du Hamas par la force, ceci ne pouvant que mener à la radicalisation de la population
palestinienne et in fine à l’échec. La paix a plus à gagner par l’intégration du Hamas dans le
jeu politique.
Face à cette logique tragique et à l’urgence de la situation, quelles mesures sont-elles prises
par le gouvernement français et l’Union européenne pour mettre un terme à l’unilatéralisme
israélien ?
Jusqu’à quand durera l’incohérence de la politique européenne qui adopte des sanctions à
l’égard de l’Autorité palestinienne tout en gardant le silence face aux violations flagrantes du
droit international par le gouvernement israélien, dont l’impunité semble maintenant être la
norme ?
L’Union européenne a les moyens et les outils politiques qui lui permettent de contraindre
l’Etat d’Israël à se conformer au droit international, tels que la suspension de l’accord
d’association UE-Israël (conditionné, par son article 2, au respect des droits de l’Homme et du
droit international).
L’Union européenne ne peut réduire la question palestinienne à une question uniquement
humanitaire. Nous considérons que l’aide internationale ne serait pas nécessaire dans ses
proportions actuelles si l’Etat israélien mettait fin à l’occupation des Territoires ou déjà, au
moins, aux entraves imposées aux Palestiniens dans leurs déplacements.
Il est temps de passer de la logique de la force à celle du droit.
C’est pourquoi, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine vous demande
instamment, Monsieur le Président, de tout entreprendre pour que l’Union européenne prenne
toutes les mesures nécessaires pour contraindre l’Etat d’Israël à cesser son attaque et à se
conformer au droit international.
Nous souhaitons que l’Union européenne, en tant que membre du Quartet, contribue ainsi à
ramener les parties vers une perspective de règlement politique du conflit, fondé sur le droit et
la justice.
Nous vous remercions de l’attention que vous prêterez à ce courrier et nous vous prions
d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.
M. Bernard Ravenel,
Président de la Plateforme des ONG françaises
pour la Palestine