Ivry, le 19 mars 2007
Monsieur Philippe Douste-Blazy
Ministre des Affaires étrangères
37, Quai d’Orsay
75007 Paris
Monsieur le Ministre,
Appelé de nos vœux, un gouvernement d’Union nationale vient enfin d’être mis en place samedi dernier dans les Territoires palestiniens. Il a reçu l’investiture du Conseil législatif palestinien.
Ce gouvernement résulte directement de l’accord de La Mecque, un accord qui avait été salué aussi bien pour ce qui concerne la composition de ce gouvernement que la base politique sur laquelle il devait fonder son action.
Dès son installation, le Premier ministre palestinien vient de déclarer que son gouvernement œuvrerait « avec la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation et recouvrer les droits légitimes de notre peuple, au premier rang desquels la création d’un Etat indépendant, jouissant d’une pleine souveraineté sur les territoires occupés en 1967 ».
Outre cet engagement qui implique une reconnaissance clairement implicite d’Israël, il a souligné que son gouvernement « respecte les résolutions de la légitimité internationale et les accords signés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ». Il propose de soumettre à référendum tout accord de paix avec Israël ce qui enlève tout pouvoir de blocage. Il a par ailleurs évoqué la question de la libération des prisonniers.
Ce sont-là des éléments nouveaux, particulièrement importants, qui doivent nécessairement être pris en compte pour quiconque veut la paix au Proche-orient, une paix basée sur le droit international pertinent.
Pourtant, malgré ces faits nouveaux majeurs, M. Ehud Olmert (au plus bas dans son opinion publique du fait d’une succession de revers) et l’administration américaine (qui est dans une situation identique pour les raisons que l’on sait) ont brutalement refermé la porte ouverte grâce à ces avancées significatives des Palestiniens, des avancées attendues et réclamées notamment par le Quartet.
Le Premier ministre palestinien a évoqué le droit à la résistance de son peuple. C’est en effet un droit consacré et inaliénable. Un peuple qui subit une occupation a en effet, c’est internationalement reconnu, le droit de s’en libérer. C’est notamment ce que prévoit expressément la 4ème Convention de Genève.
Le Document dit des prisonniers, qui a servi de base pour l’accord de La Mecque, précise les conditions de ce droit à la résistance qui est un « recours suprême » selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme, tandis que le Président Mahmoud Abbas excluait toute forme de violence. On ne peut identifier violence et résistance dès lors que la violence première, à la source de tout, est l’occupation armée d’Israël.
C’est le refus de poser la question israélo-palestinienne en terme d’occupation, ainsi que le fait de manière constante l’ONU, qui permet de dévoyer l’usage des mots par l’Administration américaine qui est elle-même une force « occupante ».
S’agissant du Proche-Orient, la vraie et unique question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Israël accepte les trois mêmes conditions qui ont été posées aux Palestiniens, à savoir la reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontière de 1967 ; l’acceptation des résolutions pertinentes de l’ONU et des accords conclus avec l’OLP ; l’arrêt de la violence, de toutes les violences que ce pays fait supporter au peuple palestinien.
Pour l’heure c’est le silence du côté israélien sur ces trois questions mais son action dit ce qu’il y a derrière ce silence : ce pays ne reconnaît aucune de ces trois conditions.
C’est pourquoi si l’on veut avancer vers la paix au Proche-orient, il est désormais un impératif : exiger d’Israël des engagements parallèles à ceux réclamés aux Palestiniens. La balle est désormais dans le camp de M. Ehud Olmert et ne pas vouloir le considérer, ainsi que le font les USA, c’est à coup sûr souhaiter la poursuite de la guerre avec tous les dégâts insupportables, et de toutes natures, qu’elle produit.
Un régime des sanctions a été mis en œuvre à l’encontre du peuple palestinien suite à son vote démocratique aux dernières élections législatives. Rien de tel n’a jamais été ne serait-ce qu’évoqué s’agissant d’Israël. Il faut faire preuve de courage politique et de justice en mettant fin à cette situation exceptionnelle dont bénéficie Israël face au droit international, à savoir que c’est le seul pays sur la planète qui peut s’exonérer de l’appliquer sans conséquence aucune. Cette voie et cette politique actuelles qui l’exonèrent de tout respect du droit ne font que l’encourager à tout faire uniquement selon ses propres choix et ceci de manière unilatérale.
Ce « deux poids, deux mesures » est un chemin anti-paix. Et c’est aussi un chemin anti-sécurité pour ce pays. La sécurité majeure d’Israël repose en effet sur l’existence d’un Etat palestinien viable dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. Tout le reste, et l’histoire mouvementée de cette région du monde depuis 1947-1948 le montre, n’est que voie sans issue, voie sanglante, voie guerrière, voie suicidaire, voie redoutable pour la stabilité régionale et plus largement.
J’ai pris bonne note avec satisfaction de votre invitation à rencontrer le nouveau ministre palestinien des Affaires étrangères qui est un « indépendant ». Mais je note aussi que le Quai tergiverse pour l’établissement de contacts avec l’ensemble du nouveau gouvernement palestinien à l’inverse du gouvernement norvégien qui a décidé d’une reprise sans exclusive des relations. Le fait de vouloir une position commune de l’Union sur ce point ne saurait empêcher de nous prononcer sur cette question.
De même est-il incroyable que l’Union européenne, un des membres du Quartet, ne semble pas informée des intentions de Madame Rice lors de son prochain séjour au Proche-Orient. De sorte que l’Union avance à l’aveugle tandis qu’elle semble se résigner à ne jouer aucun rôle marquant au Proche-orient qui est au cœur des crises majeures que connaît cette région du monde. Laisser les seuls américains jouer seuls leur partition c’est l’échec assuré. Combien d’années que cela dure, qui en apporte confirmation ?
C’est pourquoi le moment est venu, outre de lever les sanctions contre le peuple palestinien ainsi que proposé par le Premier ministre français à New York, d’opérer un double mouvement : d’une part, de rétablir les relations avec ce nouveau gouvernement étant entendu que le Président de l’Autorité palestinienne dispose seul des pouvoirs de discuter avec Israël et, d’autre part, de mettre fermement Israël au pied du mur du respect du droit international.
Il est temps que soit stoppée la politique du fait accompli et du refus absolu du droit international.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes sentiments distingués.
Jean-Claude Lefort
Député du Val-de-Marne
Membre de la Commission
des Affaires étrangères