Paris, le 11 juillet 2012
M. Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères
37, quai d’Orsay
75007 Paris
Monsieur le Ministre,
Je vous remercie tout d’abord de votre réponse, en date du 26 juin, suite à mon courrier du 24 mai, portant sur la question du Proche-Orient.
Vous indiquez fort justement que les « paramètres sont connus » du règlement de ce conflit qui dure depuis plus de 60 ans. Vous indiquez ensuite que, pour y contribuer, la « France œuvrera sans relâche pour parvenir à la signature par les deux parties (…) d’un accord de paix portant sur les questions du statut final. »
Mais la question est de savoir comment parvenir à la signature de cet accord de paix sur la base de ces paramètres bien connus et ce que la France peut faire en ce sens.
Vous savez parfaitement que la partie qui refuse l’application du droit international, ce n’est pas la partie palestinienne mais uniquement la partie israélienne. Huit ans après l’avis de la Cour Internationale de Justice contre le mur et la colonisation, un avis non suivi d’effets, comment croire que, dans un tête-à-tête totalement déséquilibré, un accord final puisse être trouvé, alors même que la colonisation – que vous condamnez légitiment – est érigée en position de principe par la partie israélienne ?
On insiste de nouveau, cela a été redit à l’occasion de la visite du Président Mahmoud Abbas à Paris, « sur la reprise des négociations ». Mais les dirigeants israéliens indiquent que des négociations doivent reprendre « sans conditions ». C’est un refus du droit et c’est encore du temps gagné pour les dirigeants d’Israël qui mettent en péril la solution de deux Etats. Il est clair que les seules négociations qui vaillent doivent partir du droit international et non pas porter sur une remise en cause de ce droit. Elles doivent porter sur son application et sa mise en œuvre, ce que refusent totalement, vous le savez bien, les dirigeants israéliens. Combien de temps encore la communauté internationale va-t-elle accepter cette situation ? Ce sont des actes qu’il faut et non plus seulement des paroles, les plus justes soient-elles.
De ce point de vue, je reviens sur deux questions majeures non clairement abordées dans votre réponse :
Quand donc la France va-t-elle indiquer sa volonté de voter en faveur de l’admission de la Palestine à l’ONU dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale ? C’est une position de principe qu’on attend de la France. Le précédent Président de la République avait très étrangement signifié son refus de voter en faveur de cette admission en invoquant le veto américain annoncé. Etrange, ou plutôt inconséquent, car la question n’est pas de savoir s’il y aura ou non un veto ! La question est autre : oui ou non admet-on la Palestine à l’ONU comme Etat membre de plein droit. C’est la seule question qui est posée dans la demande palestinienne exprimée en septembre dernier à l’Assemblée générale de l’ONU et c’est à elle, et à elle seule, qu’il faut répondre.
Dans le même esprit, il est un acte politique qu’il nous revient de prendre pour faire bouger les lignes et qui est de pleine souveraineté française : notre pays, comme l’ont déjà fait plus de 130 pays dans le monde, doit reconnaître sans attendre la Palestine et travailler avec elle, en bilatéral, à un partenariat stratégique couvrant tous les domaines.
Les mots, même quand ils sont très justes, sont aujourd’hui devenus des maux s’agissant de la question israélo-palestinienne. Or c’est un devoir de la communauté internationale que d’agir et non pas seulement de parler. C’est ce qui se fait d’ailleurs partout dans le monde, sauf dans ce cas précis tandis que cela fait plus de 60 ans que dure ce conflit qui provoque un lot de frustrations absolument considérables et une montée corollaire des radicalismes.
On explique et on affirme, très justement, que la sécurité d’Israël passe par la création d’un Etat palestinien. La réponse à cette question est politique, en effet. Pourtant on ne fait rien de sérieux sur ce point. C’est même à se demander si cette sécurité d’Israël est véritablement voulue autrement que par des livraisons successives de matériels militaires de toute sorte à ce pays qui possède la bombe atomique mais qui se refuse à signer le TNP et qui sera absent de la prochaine réunion internationale sur le sujet.
Cette politique israélienne est une politique suicidaire. Pour Israël. Pour le peuple palestinien. Et pour la sécurité internationale. Ce conflit est central pour la sécurité et la stabilité internationales. Le régler sur la base du droit doit être un choix stratégique premier.
Les modifications importantes survenues dans cette région du Moyen-Orient, la montée politique de très nombreux pays émergents fait que le monde qui change est de moins en moins un monde unipolaire dominé par les seuls Etats-Unis.
Le rôle de a France est de défendre le droit et la justice partout dans le monde. Et l’intérêt de la France est de jouer un rôle adapté aux réalités d’aujourd’hui si l’on souhaite que le message universel dont elle est généralement porteuse retrouve toute sa vigueur émancipatrice et redonne à la France toute sa place dans le monde, spécialement dans cette région où elle a été mise à mal du fait de la politique du précédent président.
Je souhaiterais donc vous rencontrer pour bien comprendre les intentions et le calendrier du gouvernement par rapport à ces deux questions, dans la ligne des engagements pris par le Président François Hollande et ceux pris, également, par le Parti et des parlementaires socialiste ces derniers mois.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes salutations les meilleures.
M. Jean-Claude Lefort
Député honoraire
Président de l’AFPS