La proximité était fortuite, mais venons en au fait. La publicité de l’OLP exposait les détails de l’offre de paix saoudienne de 2002, décorée des drapeaux colorés des 22 pays arabes et des 35 autres pays musulmans qui soutenaient l’offre.
Le sondage d’opinion annonce une victoire écrasante du Likoud qui s’oppose à chaque mot de la proposition saoudienne.
L’ANNONCE de L’OLP est la première de son genre. Les dirigeants de l’OLP ont enfin décidé de s’adresser directement au peuple israélien.
La publicité révélait à la population israélienne les termes exacts de l’offre de paix pan-arabe : complète reconnaissance de l’État d’Israël par tous les pays arabes et musulmans, entière normalisation des relations, en contre-partie d’un retrait israélien sur les frontières antérieures à 1967, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ainsi que la création d’un État palestinien, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec Jérusalem-est comme capitale. Le problème des réfugiés serait réglé d’un commun accord, ce qui implique que tout véto d’Israël à une solution serait inacceptable.
Comme je l’ai dit auparavant : si l’offre avait été faite le 4 Juin 1967, le jour précédant la guerre des 6 jours, les Israéliens auraient cru que le Messie était arrivé. Mais quand elle fut publiée en 2002, beaucoup d’Israéliens y virent un stratagème rusé pour priver Israël des fruits de sa victoire de 1967.
Le gouvernement israélien n’a officiellement jamais réagi à cette offre historique. L’opinion publique et les médias l’ignorèrent presque totalement, enfermés dans le concensus national qu’il n’y a pas de chance de paix.
Récemment l’ancienne offre retrouva un nouveau souffle. Shimon Peres et Ehoud Barak la découvrirent soudain comme s’ils avaient trouvé un trésor dans une grotte cachée. Tzipi Livni découvrit qu’elle comportait quelques points intéressants. C’est la base de l’initiative bénie du bureau de négociation de l’OLP de Saeb Erekat pour publier la publicité.
Réponse publique d’Israël : aucune.
LE SONDAGE d’opinion, d’autre part, fit une forte impression. Il jeta son ombre sur toute l’arène politique.
C’est vrai qu’il y a encore 80 jours avant le jour de l’élection, et, en Israël, 80 jours c’est une très, très longue période. En outre, contrairement aux sondages américains, les sondages israéliens produits pour les média sont notoirement non-fiables. Néanmoins, le sondage créa un choc.
Il montre que si les élections avaient lieu cette semaine, le Likoud aurait 34 sièges sur les 120 de la Knesset, 3 fois plus que ce qu’il a actuellement et deviendrait le groupe le plus important. Kadima n’aurait que 28 sièges, 1 de moins que dans la Knesset actuelle. (Explication : Kadima perdrait beaucoup d’électeurs qui reviendraient au Likoud, mais en gagnerait presque le même nombre sur le parti travailliste). Le parti travailliste descendrait à 10 sièges, la moitié de son misérable nombre actuel. Le parti Shas garderait le même nombre, tout comme le parti d’extrême droite de Liberman. Le parti Meretz passerait de 5 à 7. (Dans le sondage concurrent du journal Yediot Aharonot, le Likoud obtient 32, Kadima 26 et le parti travailliste 8 )
L’ASCENSION éclatante du Likoud est un phénomène inquiétant en lui-même mais le tableau d’ensemble est encore plus important : le bloc de tous les partis pour la paix, soit du bout des lèvres soit sincèrement (ceux qu’on appelle "la gauche") n’obtiendrait selon les sondages que 56 sièges au mieux, contre 64 sièges pour l’ensemble de tous les partis opposés à la paix (ceux qu’on appelle "la droite").
Ce qui signifie : si les élections avaient lieu cette semaine, l’issue aurait été une Knesset qui se consacre à perpétuer l’occupation, les colonies et l’annexion. Benyamin Netanyahu serait Premier ministre et serait en position de choisir librement, entre une douzaine de combinaisons possibles, la prochaine coalition gouvernementale.
Comment Netanyahu en est-il arrivé à un tel statut ? Après tout, il y a 10 ans il fut honteusement chassé du poste de Premier ministre par une opinion publique qui décida qu’elle ne pouvait plus le supporter un jour de plus. Aucun autre Premier ministre n’attira sur lui une telle opposition, un tel dégoût, et même adversion.
Cela fait maintenent plusieurs mois que Natanyhahu se comporte en élève modèle. Il se tint silencieux lorsqu’il était bon de rester silencieux. Il agit à la façon d’un homme d’État. Puis comme un politicien lors d’une fête d’ anniversaire d’enfant. Il sortit un lapin après l’autre de son haut de forme. Tous les quelques jours une autre personnalité rejoignait le Likoud avec tambour et trompette, selon une sélection et un dosage bien mâitrisés : Binyamin Begin, un homme d’extrême-droite et Dan Meridor, de la droite modérée, Assaf Hefetz ancien chef de la police et Moshe ("Bogi") Yaalon, ancien chef de l’armée, et ainsi de suite. Des stars, grandes et petites, qui donnèrent l’impression que le Likoud apparaissait comme le futur parti de gouvernement. Un parti multicolore, un parti rénové, avec à sa tête un leader expérimenté et responsable. Un parti avec beaucoup de différences d’opinion ,mais unifié par une programme qui dit non au retrait, non à l’État palestinien, non à tout compromis sur Jérusalem, non à toute négociation de paix sérieuse. Et bien sûr : non à l’offre de paix arabe.
Y-a-t-il un oui ? J’allais presque oublier : Netanyahu propose "une paix économique" – pour améliorer la situation des Palestiniens en Cisjordanie, pour qu’un jour futur , avant ou après la venue du Messie, Israël, proposerait un accord – ou peut-être pas. Mais une amélioration économique sous un régime d’occupation est, bien sur, un oxymoron. L’occupation suscite la résistance, la résistance suscite la répression, la répression signifie des sanctions économiques. Personne n’investira de l’argent dans un territoire accupé.
Si Netanyahu est élu, nous devons nous attendre à quatre années dans lesquelles nous n’avancerons pas d’un seul pouce vers la paix, mais au contraire, la confiance accrue de l’entreprise de colonisation repoussera même la paix.
L’ENVOL DE TZIPI LIVNI, d’un autre côté, ne progresse pas. Ceci ressort clairement des sondages.
Elle eut quelques mois d’état de grâce. Lorsque tout le pays était paralysé par les affaires de corruption d’Ehoud Olmert, Livni apparaissait par comparaison comme une colombe blanche rayonnante. Une candidate idéale : une femme, honnête, parlant la langue des gens simples, et qui croyait en ce qu’elle disait.
Mais après la démission d’Olmert, la corruption ne fut plus un thème central des élections. Que propose Tzipi ?
Elle n’a pas de charisme envoûtant. Ce n’est pas une oratrice (ce qui est peut-être un bien). Elle n’ enthousiasme pas. Elle ne fait pas appel aux émotions. Elle ne touche pas le coeur du peuple. Elle se contente de se baser sur des arguments rationnels.
Mais quel est sa rationalité ? Elle croit beaucoup dans des "négociations de paix". Mais des "négociations de paix" en tant que "processus politique", peuvent se révéler être un substitut à la paix elle-même.
Livni ne délivre pas de message de paix enthousiasmant. Elle n’esquisse pas de proposition de paix venant d’elle même.Elle est "diplomate" et garde ses cartes par devers elle. Pas se solution claire pour Jérusalem (Elle ne la mentionne même pas ! cela pourrait donner des munitions à Bibi !) pas plus qu’au problème des réfugiés (à Dieu ne plaise !). Elle a promis la seconde place de sa liste à Shaul Mofaz, qui pourrait facilement trouver les coeurs des centaines de milliers de citoyens indifférents et/ou fatigués qui pensent qu’il n’y a "pas de chance pour la paix". Il n’y a pas non plus de nouveaux ralliements : aucune nouvelle personnalité n’a rejoint Kadima. Il n’y a aucun signe de victoire imminente. Les chances ne sont pas bonnes.
LA SITUATION du parti travailliste est encore pire. Bien pire. Les sondages lui donnent 10 sièges au plus, peut-être même 8. Le parti qui dans ses formes antérieures exerçait un contrôle absolu sur le yishouv (l’ensemble des juifs émigrés en Palestine) et le nouvel État pendant 44 années, pourrait se réduire dans la prochaine Knesset au point d’atteindre le statut de 5ème groupe (après le Likoud, kadima, le Shas et Liberman).
Pas de quoi s’étonner.Tel un strip-teaser vieillissant, le parti a laissé choir tous ses habits. Il s’est converti au "capitalisme suédois", un néologisme de Peres. Tout comme les autres partis. En ce qui concerne la paix, il se traîne derrière Kadima, essaie parfois même de déborder le Likoud sur la droite. Il semble que son unique programme se résume à une seule clause : Ehud Barak doit rester ministre de la Défense, quelque soit le prochain Premier ministre, Netanyahu ou Livni.
Ce n’est pas une perspective attirante : ce ne sont pas seulement les rats qui quittent le navire mais aussi l’amiral lui-même ; Ami Ayalon, ancien commandant de la marine israélienne a annoncé cette semaine qu’il quittait le parti. Les19 membres sortants, rivalisant l’un avec l’autre avec l’aide d’une poignée de nouveaux venus (comprenant le directeur de "Peace Now" (la paix mintenant) Yariv Oppenheimer, and le journaliste Daniel Ben-Simon).
Ehud Barak est un désastre ambulant. Mais il ne peut être démis de la direction du parti travailliste avant les élections. Le parti trotte vers sa déroute Les yeux grand fermés.
PLUSIEURS HOMMES DE LETTRES, professeurs et politologues, certains d’entre eux réfugiés du parti travailliste, viennent de faire une chose : ils se sont rassemblés et ont annoncé leur ralliement au Meretz afin de créer une sorte de super-Meretz.
Ils ont eu un écho, mais les sondages récents donnent toujours au Meretz renforcé pas plus de 7 sièges (comparées aux 5 actuels). Pas vraiment une révolution.
Pourquoi ? Les initiateurs sont bien connus. Ce sont des membres de l’élite Ashkenaze, comme tous ceux du Meretz. L’opinion publique eut l’impression qu’à la place des anciens et très anciens dirigeants qui quittèrent la direction du Meretz l’un après l’autre (Shulamit Aloni, Yossi Sarid, Yossi Beilin, Ran Cohen, chacun d’entre eux avec des références positives), d’autres personnes arriveraient, des gens bien mais pas vraiment différents, avec les mêmes slogans, bons mais défaillants. Ils n’ont pas de message nouveau pour la jeune génération, pour les juifs orientaux, pour les citoyens arabes, pour les émigrants russes, pour les laïques qui veulent combattre l’emprise religieuse.
Les groupes de paix actifs, avec leurs membres jeunes et enthousiastes, ne furent pas invités, afin de ne pas donner au parti un "look radical". Dans le meilleur des cas, le parti renouvelé pourrait prendre quelques sièges au parti travailliste. Pour ce qui est de la situation générale, ce serait pratiquement sans importance, étant donné que seules des variations dans l’équilibre des deux grands blocs ont un effet réel. Beaucoup de nouveaux électeurs doivent être mobilisés.
Il y a place pour un nouveau parti de gauche, avec un nouveau nom, un nouvel esprit et un message d’espoir qui créerait un effet Obama : éveiller les masses de la nouvelle génération leur insufler de l’enthousiasme, promettre un changement réel.
Une telle alternative vient d’avoir lieu aux élections municipales de Tel-Aviv avec des résultats étonnants. Une nouvelle liste électorale est apparue de nulle part, les jeunes de Tel-Aviv l’ont rejointe avec plaisir. Elle attira les nouveaux électeurs, aussi bien que des électeurs dégoûtés par tous les politiciens, les gens avec une conscience écologique, une concience sociale, gays et lesbiennes, ainsi que beaucoup d’autres... Des centaines se sont engagés pour cette liste, leur candidat rassembla un tiers des voix contre le populaire maire sortant.
Ce qui signifie : oui, c’est possible. Mais cela n’arrivera pas cette fois-ci.
BARACK OBAMA entrera dans le bureau ovale vingt jours avant les élections israéliennes. Il a toujours une chance d’avoir un impact décisif sur les résultats. Personne en Israël ne veut entrer en conflit avec les Etats Unis.
Si le nouveau Président annonce immédiatement après sa prise de fonction qu’il est déterminé à réaliser la paix entre Israël et les Arabes dans l’esprit de l’initiative de paix saoudienne, avant la fin de 2009, ceci influencera beaucoup d’électeurs.
Si Netanyahu est élu, le Président Obama sera confronté à un dilemne : soit entrer dans un sérieux conflit avec le gouvernement d’Israël, avec toutes les implications au niveau de la politique intérieure américaine, soit laisser la paix au freezer, comme l’ont fait ses prédécesseurs.
Les élections américaines furent importantes pour Israël. Les élections israéliennes seront importantes pour l’Amérique également.