Les faits sont moins significatifs que l’exploitation politique et médiatique qu’ils engendrent : dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 mai, plusieurs centaines d’habitants du quartier de Hatikva, dans le sud de Tel-Aviv, se sont livrés à des violences racistes à l’encontre de la population africaine immigrée - surtout originaire d’Erythrée et du Soudan -, particulièrement nombreuse dans cette banlieue.
Les manifestations de racisme vis-à-vis des Noirs ne sont pas rares en Israël, comme en témoignent régulièrement les falachas (juifs d’origine éthiopienne), qui ont souvent le sentiment d’être des citoyens de seconde zone, et de vivre dans des ghettos : dans 23 zones urbaines du pays, la population noire représente au moins 25 % des résidents.
Les témoignages des habitants du quartier d’Hatikva soulignent une réaction de rejet assez répandue envers les Africains : en situation précaire, souvent sans travail ni domicile fixe, ils sont accusés de constituer des foyers de criminalité.
Les violences du 24 mai n’ont pas fait de blessés graves, mais des dizaines d’immigrés ont été sévèrement battus par des groupes de jeunes se livrant à une véritable chasse au faciès, tandis que des voitures et des échoppes appartenant à des Africains, ont été vandalisées.
Le problème soulevé par ces violences - qui ont donné lieu à 17 arrestations - est qu’elles ont suivi de peu des discours incendiaires, frisant l’incitation à la haine raciale, d’hommes politiques de droite et d’extrême droite. Devant environ un millier d’habitants qui s’étaient rassemblés pour demander l’expulsion des immigrés, la députée Miri Regev, membre du Likoud, le parti du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a estimé que " les Soudanais sont un cancer qui prolifère. Nous ferons tout pour les renvoyer d’où ils viennent ", a insisté l’ancienne porte-parole de l’armée israélienne.
" Les infiltrés - immigrants illégaux - doivent être expulsés. Nous ne devons pas avoir peur de le dire : l’expulsion, tout de suite ! ", a renchéri Danny Danon (Likoud). Le premier ministre a pris ses distances avec ces violences, estimant qu’elles n’ont " aucune place " en Israël, et il s’est engagé à résoudre " de façon responsable " le problème de l’immigration clandestine.
La méthode est connue : c’est la construction (qui sera achevée fin 2012) d’une barrière de sécurité sur quelque 230 kilomètres de frontière commune avec l’Egypte. " Nous commencerons bientôt à renvoyer les immigrés dans leurs pays d’origine ", a promis M. Nétanyahou. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 62 000 immigrés clandestins - un nombre en constante augmentation - résident en Israël depuis 2006. Ils sont principalement originaires d’Erythrée, du Soudan et du Soudan du Sud.
Or les premiers, vu la situation politique de leur pays, sont considérés comme d’authentiques demandeurs d’asile par les Nations unies. Israël n’a pas de relations diplomatiques avec le Soudan, ce qui complique une politique d’expulsion. Celle-ci serait difficile vers le Soudan du Sud, en raison de la situation humanitaire qui y règne.
Israël s’efforce de convaincre des pays africains tiers d’accepter des dizaines de milliers d’immigrés illégaux, mais le succès d’une telle démarche est incertain. Comme ces difficultés ne seront pas surmontées de sitôt, les manifestations de racisme observées ces derniers jours risquent de se poursuivre.