Photo : Parachutage de vivres au-dessus de Gaza, 1er mars 2024 © Roi Abdullah II de Jordanie
Ce qui est présenté comme une assistance bienveillante s’apparente à un simulacre d’aide humanitaire qui ne fait rien pour mettre fin à la campagne systématique et intentionnelle de famine qu’Israël et ses alliés américains et européens, avec la complicité des régimes de la région, mènent contre les Palestiniens.
Les experts et les responsables de l’aide ont clairement indiqué que ces largages ne constituent pas un moyen efficace d’atténuer la famine qui frappe 2,3 millions de personnes à Gaza et qui est délibérément provoquée par Israël, avec le soutien total des États-Unis.
En participant à ces largages, l’Égypte et les Émirats arabes unis, mais surtout la Jordanie, dont l’armée de l’air les effectue, fournissent une couverture de relations publiques aux pays directement impliqués dans le génocide israélien des Palestiniens de Gaza.
L’effet - intentionnel ou non - est de soulager Israël et ses soutiens de la pression exercée pour lever le siège total que Tel-Aviv a imposé à l’enclave côtière dans le but évident de causer un maximum de souffrances et de morts au plus grand nombre de personnes possible.
Des enfants affamés
À l’heure actuelle, les enfants de Gaza "sont affamés à un rythme que le monde n’a jamais connu", a déclaré Melanie Ward, directrice générale de l’organisation caritative Medical Aid for Palestinians (Aide médicale aux Palestiniens).
"C’est très simple. C’est parce que l’armée israélienne ne laisse pas entrer l’aide", a déclaré Melanie Ward à CNN jeudi, expliquant pourquoi l’aide ne parvient pas à Gaza. "Nous pourrions mettre fin à la famine demain très simplement s’ils nous laissaient accéder aux gens là-bas.
Samedi, l’armée américaine et la Jordanie ont largué des vivres le long de la côte de Gaza, censés soulager la famine qui s’aggrave rapidement.
Cette opération intervient après que le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas, les Émirats arabes unis et même l’Égypte - tous des alliés fidèles d’Israël - ont déjà pris part à des opérations similaires, souvent avec l’aide de la Jordanie.
Le Commandement central américain (CENTCOM) a déclaré que le parachutage de "plus de 38 000 repas" contribuait "aux efforts continus du gouvernement américain pour fournir une aide humanitaire vitale à la population de Gaza".
Selon l’ONU, 576 000 personnes à Gaza, soit un quart de la population, "sont à un pas de la famine" et l’ensemble de la population a désespérément besoin de nourriture.
Israël bloque des milliers de camions d’aide
Pendant ce temps, les images satellite montrent des milliers de camions d’aide bloqués au point de passage de Rafah avec l’Égypte, incapables d’entrer dans Gaza parce qu’Israël ne les laisse pas entrer et que Washington refuse d’utiliser son énorme pouvoir pour obliger Tel-Aviv à le faire ou à mettre fin à son siège sur Gaza.
La participation de l’Égypte à ces parachutages est d’autant plus étrange que l’Égypte contrôle la frontière terrestre de Rafah avec Gaza, mais refuse d’y exercer sa souveraineté et son contrôle.
Pendant ce temps, Israël continue d’assassiner et de mutiler des centaines de personnes chaque jour avec des bombes et des missiles fabriqués aux États-Unis, y compris pendant qu’elles font désespérément la queue pour obtenir ou chercher de la nourriture.
Depuis octobre, l’administration Biden a donné carte blanche à Israël pour mener à bien son génocide et sa famine délibérée à Gaza en toute impunité, avec des livraisons d’armes quasi constantes, contournant même le Congrès pour donner le feu vert à des livraisons d’armes à Israël.
Des coups d’éclat coordonnés avec Israël
La Jordanie largue des fournitures à Gaza depuis le mois de novembre.
Le roi Abdallah de Jordanie a participé à certains de ces parachutages, comme le montre un clip spectaculaire de deux minutes publié par la Cour royale jordanienne.
La vidéo, qui rappelle la bande-annonce d’un film d’action hollywoodien, montre le monarque commandant une opération de largage de colis par parachute.
Ces parachutages sont coordonnés avec Israël, car aucun avion ne peut pénétrer dans l’espace aérien au-dessus de Gaza sans l’autorisation explicite d’Israël, sous peine d’être abattu.
Tel-Aviv sait que, dans la pratique, ces largages n’entraveront pas de manière substantielle sa politique consistant à affamer délibérément les Palestiniens, mais elle est satisfaite de l’imagerie de propagande suggérant faussement que les habitants de Gaza reçoivent une aide importante.
"Une opération de parachutage a permis de livrer 160 colis de nourriture et de fournitures médicales aux habitants du sud de Gaza et à l’hôpital de campagne jordanien de Khan Yunis", s’est vanté mercredi le COGAT, l’organe bureaucratique de l’occupation militaire israélienne.
Washington pourrait mettre fin à la famine
Avant les largages aériens de samedi, quatre responsables américains anonymes ont déclaré au média Axios que Washington envisageait cette mesure "car les livraisons par voie terrestre deviennent de plus en plus difficiles", comme si une force naturelle était à l’origine du problème.
En réalité, les dirigeants israéliens savent que sans les livraisons d’armes de Washington, ils devraient mettre fin à leur génocide en quelques jours.
Par conséquent, si l’administration Biden avait réellement l’intention de mettre fin à la famine et à la campagne d’extermination, elle utiliserait son influence pour ordonner à Israël d’autoriser immédiatement l’entrée des camions d’aide et d’arrêter les bombardements.
En plus d’empêcher tous les camions d’aide, à l’exception d’une poignée, d’entrer dans Gaza, Tel Aviv autorise des foules de fanatiques sionistes à organiser des rassemblements pour empêcher les camions d’aide transportant des fournitures vitales d’entrer dans la bande de Gaza.
Ces racistes génocidaires campent dans des tentes et bénéficient de la protection de l’armée israélienne. Ils organisent même des soirées dansantes en plein air.
"Indigne et dégradant"
Les agences d’aide internationale et même un ancien fonctionnaire américain qualifient les parachutages d’inefficaces, voire de contre-productifs.
"Oxfam ne soutient pas les largages américains vers Gaza, qui serviraient surtout à soulager la mauvaise conscience des hauts fonctionnaires américains dont les politiques contribuent aux atrocités actuelles et au risque de famine à Gaza", a déclaré Scott Paul, un responsable de l’organisation caritative basée au Royaume-Uni.
"Alors que les Palestiniens de Gaza ont été poussés au bord du gouffre, le parachutage d’une quantité dérisoire et symbolique d’aide à Gaza, sans aucun plan pour la distribuer en toute sécurité, n’apporterait aucune aide et serait profondément dégradant pour les Palestiniens", a ajouté M. Paul.
"Au lieu de procéder à des largages aveugles à Gaza, les États-Unis devraient réduire le flux d’armes à destination d’Israël qui sont utilisées dans des attaques aveugles, faire pression pour un cessez-le-feu immédiat et la libération des otages, et insister pour qu’Israël respecte son devoir de fournir une aide humanitaire, un accès et d’autres services de base".
"Les largages aériens sont inefficaces, coûteux, dangereux et ne sont utiles que lorsqu’il n’y a pas d’autres possibilités de livraison", a déclaré David Harden, ancien fonctionnaire de l’USAID, l’agence américaine pour le développement international.
"Les largages aériens servent principalement au bénéfice de l’administration Biden, afin de masquer un énorme échec politique".
L’aide tombe dans la mer, Israël
Récemment, des milliers de Palestiniens se sont rassemblés sur une plage du centre de Gaza alors que la Jordanie et la France larguaient des vivres, dont certaines sont tombées dans la mer.
Les Palestiniens ont couru dans l’eau froide pour tenter de récupérer une partie de l’aide.
Quelques jours plus tard, l’armée de l’air jordanienne a accidentellement largué des colis dans le sud d’Israël au lieu du nord de Gaza.
Même lorsque les fournitures atterrissent à Gaza, ceux qui ont la chance de mettre la main dessus peuvent les vendre à des prix élevés dans un contexte de pénurie désespérée, dans le cadre de ce qu’un Palestinien de Gaza a appelé "un processus indigne et humiliant qui fait du tort à ceux qui sont vraiment dans le besoin".
Couvrir la complicité dans le génocide
Pour la Jordanie et d’autres États de la région, ces opérations sont probablement destinées à la consommation intérieure, un effort pour apaiser la rage du public face à l’inaction de leurs gouvernements pour arrêter un génocide qui est sur le point d’entrer dans son sixième mois.
La Jordanie a même fait appel à un influenceur Instagram, à un cinéaste américain et a invité la chaîne de radio américaine NPR à participer à l’un des largages.
Mais rien n’indique que la population ait été apaisée, puisque les Jordaniens continuent de manifester et de demander l’arrêt du commerce jordanien avec Israël, y compris la fourniture de produits agricoles.
Le Royaume-Uni, qui s’est toujours opposé à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, a également participé à l’une de ces opérations de largage en collaboration avec la Jordanie.
La France, bien qu’elle ait appelé à un cessez-le-feu immédiat, reste une fervente alliée d’Israël et résiste aux appels à l’arrêt des exportations d’armes vers ce pays.
Le Canada, ennemi implacable des droits des Palestiniens et autre fournisseur d’armes à Tel-Aviv, s’apprête également à larguer de l’aide à Gaza, peut-être aussi en collaboration avec la Jordanie.
Tout aussi scandaleux, les Pays-Bas, qui fournissent des pièces détachées aux avions de guerre israéliens qui bombardent les Palestiniens, ont également participé à un parachutage d’aide avec la Jordanie le mois dernier.
Bien qu’un tribunal néerlandais ait ordonné l’arrêt des exportations de pièces détachées vers Israël, le gouvernement, déterminé à continuer d’assister le génocide, a promis de faire appel de la décision.
En facilitant les parachutages au nom de ces pays, la Jordanie les aide effectivement à blanchir leur rôle dans le génocide.
Aujourd’hui, les États-Unis, le pays le plus responsable du génocide aux côtés d’Israël, veulent leur part du gâteau. Certains y voient un signe de faiblesse de Washington. Mais c’est une erreur.
"J’ai vu Israël humilier les administrations américaines précédentes, mais à part la frappe aérienne meurtrière de 1967 contre le navire Liberty de la marine américaine, forcer maintenant [les États-Unis] à effectuer des largages d’aide à Gaza comme si [les États-Unis] ne valaient pas mieux que l’Égypte et la Jordanie est la pire humiliation d’Israël envers [les États-Unis] que je n’aie jamais vue", a écrit Robert Ford, un ancien diplomate américain, sur X, anciennement Twitter.
"Je devrais ajouter que [les États-Unis] effectueront des parachutages d’aide humanitaire aux habitants de Gaza si l’armée de l’air israélienne accepte gracieusement de ne pas abattre les avions américains au-dessus de Gaza".
Ce sentiment peut être compréhensible, mais il renverse la réalité : C’est Washington qui contrôle la situation. Washington veut que le génocide se poursuive. Il veut simplement faire croire qu’il aide les Palestiniens alors qu’il aide Israël à les assassiner.
Washington considère clairement les largages aériens comme des moyens d’atteindre cet objectif.
Traduction : AFPS