Le Liban connaît une crise sans précédent, aggravée par l’explosion dans le port de Beyrouth en août 2020, la pandémie COVID, l’absence de réel gouvernement, l’effondrement de quasiment tous les services publics et la corruption « institutionnalisée ». Mais tout le monde n’est pas concerné de la même manière et la richesse est insolente : le nombre de Maserati, Lamborghini, Porsche, est sidérant.
Pour accéder aux camps, il faut une autorisation de l’armée. Les camps sont des enceintes fermées. À l’extérieur, au nord et au sud, un checkpoint de l’armée libanaise, et des miradors. L’armée contrôle toute circulation. Les Palestiniens attendent parfois une heure. L’armée ne pénètre pas dans les camps. Les déplacements des Palestiniens près de la frontière sont aussi soumis à autorisation, qui une fois donnée, peut parfois être refusée au checkpoint, sans explication.
Les discriminations envers les Palestiniens et les Syriens concernent les professions interdites, et les salaires moins élevés. Depuis peu ils peuvent exercer comme infirmier·es, car beaucoup d’infirmiers libanais quittent le pays du fait des salaires de misère.
Dans les camps visités, la majorité des enfants souffrent de divers maux : situations familiales dégradées, orphelins de père, et de nombreuses mères souffrent de dépression ; problèmes de santé : maladies graves, retard de croissance ; troubles psychologiques ; habitat insalubre ; conditions matérielles et économiques entraînant la déscolarisation : impossibilité de payer le transport scolaire, ou besoin de travailler pour gagner un peu d’argent.
Quelques constats
Les camps de la banlieue de Beyrouth (Chatila, Burj el-Barajneh) sont surpeuplés. Le manque d’espace et de verdure est criant, les ordures s’entassent. Les camps du nord et du sud ne souffrent pas des mêmes problèmes.
- Chatila : les pires logements que nous ayons vus. Dans l’un, une planche devant la porte empêche les rats d’entrer.
- Baalbeck : 5 000 personnes vivent dans ½ km2.
- Burj el-Shemali : impression d’espace dans ce camp, assez aéré. De nombreux jeunes suivent l’enseignement professionnel dispensé dans le camp en lien avec ses équipements (par ex sur les panneaux solaires).
Hanane Dabdoub, 38 ans, travailleuse sociale au camp, témoigne : ses grands-parents paternels sont arrivés du village de Berwi, près d’Acre, en 1948. Son grand-père avait des souvenirs de la Palestine, il lui parlait des fruits. Sa grand-mère avait deux ans, elle n’a pas de souvenirs. Sa mère est libanaise. La famille a toujours vécu dans le camp. « Je vois la Palestine comme ma patrie. Pas comme un rêve, mais comme mon droit d’y retourner. Vivre ici est la chose la plus stupide que mes grands-parents ont faite. Les orphelins détesteraient vivre dans un orphelinat. S’ils vivent dans une famille, même en cas de maltraitance, au moins il y a des substituts possibles. Ici, on vit comme dans une prison. Au moins en Palestine on peut se battre […] Malgré les difficultés, nous sommes résilients, nous sommes capables de nous éduquer, de travailler. Nous sommes dignes et fiers ».
- Rashidieh : c’est le 3e camp le plus peuplé. Il est au bord de la plage. Dans le jardin d’enfants les éducatrices font respirer les enfants au rythme des vagues que l’on entend derrière le mur. Il y a une seule route d’accès, et une seule entrée. C’est le camp le plus près de la frontière, souvent affecté par des frappes israéliennes. S’y trouve un hôpital dirigé par le Croissant rouge palestinien, et où travaillent des médecins de l’UNRWA : un généraliste pour 25 000 personnes.
- El-Buss : le centre social BAS [1] a des jardins sur les toits, où les habitants font pousser légumes et fleurs. De nombreux services sont regroupés à El-Buss du fait de sa situation géographique centrale pour les camps du sud, près de Tyr. BAS met d’énormes moyens en œuvre pour soigner les troubles de santé mentale. La demande pour de tels services a augmenté, et la prise en charge des enfants est de plus en plus précoce.
« Les Palestiniens du Liban sont les oubliés du monde » nous dit le directeur de BAS Kassem Aïna. Il explique que s’ils ne sont pas en butte à l’occupation, ils sont exilés, oubliés. À quelques kilomètres seulement de leur terre pour ceux du sud. Ils ne peuvent que la voir, sans pouvoir en fouler le sol. L’espoir qui les tient en vie, c’est le droit au retour.
« Nous souffrons d’un mal incurable : l’espoir. Aidez-nous à porter le fardeau de cet espoir » écrivait Mahmoud Darwich.