Le raidissement de Benyamin Nétanyahou sur le dossier israélo-palestinien est-il lié à la campagne électorale ? Bien placé dans les intentions de vote, le premier ministre israélien qui pensait sans doute être protégé sur son flanc droit par son alliance avec la formation d’Avigdor Lieberman, Israel Beitenou, n’est pas tout à fait rassuré de ce point de vue, comme deux événements l’ont montré ses dernières semaines.
Le plus récent, on en a déjà parlé ici, a été la poussée de l’aile dure du Likoud aux primaires du parti pour la liste des candidats à la Knesset, illustré par le bon résultat de Moshé Feiglin, un colon venu de l’extrême droite, archétype du porteur de kippa tricotée, de sandales et de M-16 de naguère reconverti en porteur de cravates. Le second et le plus intéressant a été masqué le 6 novembre par un événement planétaire, la réélection de Barack Obama. Il s’agissait en fait de la deuxième mauvaise nouvelle de la journée pour M. Nétanyahou après la défaite du candidat républicain Mitt Romney qu’il avait ostensiblement privilégié : l’arrivée de Naftali Bennett à la tête du parti Maison juive, le dernier avatar en date du Parti national-religieux, bras politique traditionnel de la colonisation des territoires palestiniens occupés.
La trajectoire de Naftali Bennett est passionnante : fils de juifs américains "montés" en Israël, passé par les unités d’élite de l’armée israélienne, il a fait fortune dans la high-tech (en vendant 145 millions de dollars sa société de protection des circuits bancaires Cyota) avant de se tourner progressivement vers la politique. Bras-droit de Benyamin Nétanyahou alors chef de l’opposition après la guerre contre le Hezbollah, de 2006 à 2008, il devient ensuite le directeur général de Yesha, le Conseil représentatif des colons de Cisjordanie de 2010 à 2012. Parallèlement il crée une force de frappe sur internet Israel cheli (Mon Israël) qui recrute des milliers de jeunes sympathisants ancrés à droite. Objectif affiché : lutter contre des élites jugés gauchistes ou post-sionistes, la célèbre radio de l’armée, Galeï Tsahal, est l’une de ses cibles.
En avril, il se met à son propre compte politique en rompant avec le Likoud jugé trop centriste et en se tournant vers Maison juive. Sept mois plus tard, au terme d’un efficace Blitzkrieg, il se propulse à la tête de la formation, dont se rapproche ultérieurement le petit parti Tekouma. Rien ne peut désormais l’empêcher d’entrer triomphalement à la Knesset en janvier.
A quarante ans, l’ancien prodige de l’informatique qui juge plus efficace de guerroyer pour la réécriture des contenus de Wikipédia plutôt que de brûler des oliviers appartenant à des Palestiniens, ne compte certainement pas se cantonner aux seconds rôles traditionnellement réservés à une extrême droite réputée pour son goût pour les guerres internes idéologiques (notamment entre religieux et non religieux) amplifiées par la personnalité souvent incommode de ses mentors.
A ses côtés, on trouve Ayelet Shaked, 36 ans, présidente de Mon Israël et également bien placée sur la liste de Maison juive bien que non-religieuse. Cette dernière était également membre de l’équipe de Benyamin Nétanyahou avant qu’il accède au pouvoir.
Naftali Bennett qui a grandi à Haïfa (Ayelet Shaked à Tel Aviv) a dirigé Yesha tout en résidant à Ranana, à l’ouest de la Ligne verte. Il veut bâtir des ponts entre Israéliens, colons ou non, religieux ou non. Bref construire un parti potentiellement attrape-tout, sur un créneau nationaliste "jabotinskien" pour ce qui est de la nature des relations qui peuvent être établies selon lui avec les Palestiniens et les pays arabes en général, assez proche de celui qu’occupe le Likoud aujourd’hui. Nul doute qu’il rejoindra après les élections une coalition dirigée par M. Nétanyahou, mais certainement pas pour y jouer les utilités.