La Barrière de Sécurité israélienne dont le but est de séparer les juifs des Palestiniens, a enfermé environ 1.600 familles d’al-Mawasi dans le bloc de colonies de 6.000 juifs et des mesures de sécurité plus sévères pendant ces 4 années et demi de conflit les ont en fait coupées de leurs familles, de leur travail et de leurs marchés.
Certains sont partis pour trouver du travail, aller à l’école ou obtenir un traitement médical spécialisé. Beaucoup de ceux qui sont restés vivent de l’aide étrangère.
Malgré le fait que beaucoup de Palestiniens dans la Bande de Gaza (une plaine côtière appauvrie et un des lieux les plus surpeuplés du monde) attendent avec impatience le retrait israélien du territoire cet été, peu d’entre eux attendent avec autant d’impatience désespérée que les habitants de la région d’Al-Mawasi, tassés dans une bande de sable de 14 kilomètres de long et 800 mètres de large.
« Nous sommes coincés dans une grande prison. C’est très frustrant. Nous ne pouvons aller nulle part, nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons pas travailler » raconte l’ouvrier Hamad Zourab (26 ans) qui dit n’avoir pas quitté Al-Mawasi depuis trois ans.
Les fermiers et les pêcheurs ici avaient une vie confortable dans le passé. D’autres travaillaient dans les villes palestiniennes voisines de Khan Yunis et de Rafah, en Israël même ou dans le bloc de colonies appelé Gush Katif.
Mais après l’éruption de la violence en 2000, les Palestiniens se sont soudain trouvés parqués tandis qu’Israël renforçait les restrictions sur leurs déplacements pour éviter des attaques.
Les pêcheurs avaient besoin de permission chaque fois qu’ils sortaient leurs bateaux et les heures de pêche ont été sévèrement restreintes.
Les prises de poissons ont souvent été retenues pendant des jours dans des camions non-réfrigérés à un check-point militaire israélien sur la lisière d’Al-Mawasi. Beaucoup de poissons ont pourri et ceux qu’on arrivait à faire passer par le check-point devaient être transférés dans un camion de l’autre côté de la barrière, ce qui augmentait le prix du transport et de la main d’œuvre. Beaucoup de pêcheurs ont laissé tomber leurs filets et ont trouvé du travail dans les colonies.
Les fermiers ont également perdu beaucoup de leurs récoltes pendant les longues attentes au check-point sous le soleil brûlant.
Les travailleurs d’Al-Mawasi ne pouvaient plus atteindre leur travail en Israël et d’autres ont été renvoyés de leur travail dans les colonies à cause des règles de sécurité. Ceux qui travaillaient dans les villes palestiniennes de la Bande de Gaza avaient du mal à traverser la Barrière de Sécurité et encore plus de mal à la retraverser pour le retour.
Amina Laham (40 ans) raconte qu’un jour elle faisait ses courses à Khan Yunis, à moins d’un kilomètre d’Al-Mawasi et qu’elle s’était trouvée coincée là pendant 20 jours.
Même le fait de recevoir de l’aide alimentaire des Nations Unies a représenté une lutte.
Soren Matz du ‘Relief and Works Administration’ des Nations Unies raconte que selon les restrictions imposées pendant le conflit, l’aide devait être amenée à Khan Yunis puis transportée par camion (aux dépens des destinataires) jusqu’au check-point, où elle était rechargée dans de nouveaux camions et envoyée à Al-Mawasi.
Ce n’est qu’à mi-avril, lors d’une baisse de tension suite à la trêve Israélo-Palestinienne, qu’Israël a permis au premier camion de farine, lentilles, riz , huile de cuisine et lait en poudre d’être conduit directement à Al-Mawasi raconte M. Matz.
« Ils n’ont pas librement accès aux besoins humains de base : l’éducation, la nourriture, le travail, les soins de santé » dit M. Matz.
L’armée dit que ces restrictions sont une nécessité regrettable, signalant que la mort d’un civil israélien et plusieurs autres tentatives d’attaques provenaient d’Al-Mawasi.
Elle dit qu’elle doit examiner à fond les Palestiniens qui traversent à Al-Mawasi qui donne accès aux colonies israéliennes.
« C’est une zone qui doit être très très sévèrement surveillée » dit le capitaine Yael Hartmann, une porte-parole de l’armée.
Les contrôles de sécurité retardent [le transport] des récoltes et des poissons parce que les soldats « doivent tout vérifier, que ce soit des produits ou le sac d’une personne. Tout doit être fouillé » dit-elle.
Dernièrement lors d’une journée de printemps, Ahmad Zourab, une parente éloignée d’un travailleur, a garé son camion pick-up déglingué sur la plage et son fils Shukri (16 ans) a commencé à jeter des sacs de 15 kilos de concombres pourris sur le sable. En quelques heures, ils ont jeté 600 sacs d’une valeur d’environ 2.200 euros qui avaient pourris lors d’une attente de trois jours au check-point.
Avant les combats, M. Zourab gagnait entre 280 et 360 euros par mois en faisant pousser des poivrons, tomates, concombres et pommes de terre sur sa ferme de 5 hectares et ses trois serres et en les vendant à Khan Yunis.
Il est aujourd’hui très endetté et emprunte de l’argent de ses voisins.
« J’ai 13 enfants à la maison et je ne peux pas les nourrir » dit-il.
Il montre un homme qui conduit son tracteur.
« Je lui dois 900 euros pour trois mois de travail. Je n’ai même pas assez d’argent pour payer les factures » ajoute-t-il.
Sa douleur est exacerbée par les colonies juives relativement luxueuses.
« Je regarde leurs enfants, ils conduisent de belles voitures et portent de beaux vêtements. Mes enfants veulent une glace et je ne peux pas leur offrir » dit M. Zourab.
Mme Laham, la femme qui a été coincée à Khan Yunis, partage une hutte de béton de trois pièces sombres avec sa famille de huit membres. Des matelas sont empilés dans un coin sur un sol craquelé. Le toit en tôle ondulé est retenu par des parpaings.
Mme Laham dit que les revenus de son mari qui travaille dans les colonies ou dans les fermes des voisins ont diminué de 5 euros à 8 euros par jour.
« Nous avons moins d’argent à dépenser, moins de nourriture, moins de vêtements, et moins de tout » dit-elle.
La famille n’a pas mangé de viande depuis deux mois et a rarement de l’argent pour acheter des fruits. Ses enfants perdent du poids et manquent d’énergie. Leurs vêtements sont râpés.
Certains habitants d’Al-Mawasi disent qu’ils s’inquiètent de la perte de leur travail dans les colonies juives qui se videront cet été. Mais le visage de Mme Laham s’illumine quand elle parle du retrait.
« La vie redeviendra bonne. Nous pourrons vivre et nous sentir en sécurité » dit-elle. « La vie pourra redevenir un peu plus normale ».