Photo : des habitant.es de la communauté bédouine d’Al-Qaboun quittent leurs terres. Août 2023. Crédit : Issam Rimawi.
"Je suis le gouvernement, je suis l’État. Je suis la police et l’armée" a affirmé un colon juif armé alors qu’il occupait la maison d’un éleveur de moutons palestinien au début du mois.
L’affirmation du colon, aussi répugnante soit-elle, reflète la vérité : les colons et l’État ne font qu’un, travaillant main dans la main pour coloniser les terres palestiniennes.
L’État ne peut pas atteindre son objectif de contrôle total entre le Jourdain et la mer Méditerranée sans que les colons terrorisent les Palestiniens jusqu’à ce qu’ils fuient leurs terres.
Quelques jours après que le colon armé susmentionné a pénétré dans la maison de Muhammad Hassan Abu al-Kabash, la communauté des éleveurs a démantelé son campement à al-Qabun, au nord-est de Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée.
Une douzaine de familles vivaient à al-Qabun depuis plus de vingt ans avant que les colons n’arrivent en février "et ne commencent à nous causer des ennuis" a déclaré Abu al-Kabash.
Les colons ont soumis la communauté pastorale à des mois de harcèlement en "marchant autour de leurs maisons, en arrivant à cheval et en tracteur tard dans la nuit pour provoquer et intimider les familles" selon B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits humains.
"Les colons ont également pris possession des champs de la communauté et l’ont empêchée de faire paître son troupeau sur ses terres" a ajouté B’Tselem.
Forcés de partir
Incapable de travailler et craignant pour sa sécurité, la communauté a été contrainte de quitter ses terres, comme l’ont fait plusieurs autres communautés rurales de Cisjordanie au cours des derniers mois. Des dizaines d’autres communautés d’éleveurs sont "directement touchées par l’augmentation de la violence des colons israéliens et par les mesures prises par les autorités israéliennes" selon le groupe de surveillance des Nations unies OCHA.
"Au cours des six premiers mois de 2023, l’ONU a enregistré 591 incidents liés aux colons qui ont fait des victimes palestiniennes, des dégâts matériels ou les deux" a déclaré l’OCHA.
"Il s’agit d’une augmentation de 39 % de la moyenne mensuelle par rapport à 2022, au cours de laquelle le nombre le plus élevé d’incidents liés aux colons depuis que l’ONU a commencé à enregistrer de telles données en 2006 a été signalé."
Le déplacement de communautés en raison d’un environnement coercitif équivaut à un transfert forcé - "une grave violation de la quatrième Convention de Genève et donc un crime de guerre" selon l’OCHA.
B’Tselem affirme que les politiques israéliennes "imposent des conditions impossibles aux résidents locaux afin de les pousser à partir, ouvrant ainsi la voie à la prise de contrôle de leurs terres et à leur transfert en mains juives."
Interdire aux Palestiniens de construire des maisons et des infrastructures, tout en autorisant et en finançant les colonies dont les habitants attaquent les Palestiniens, sont des politiques "visant à soutenir, préserver et renforcer la suprématie juive" ajoute B’Tselem.
La violence des colons s’intensifie
Depuis le début de l’année, près de 500 Palestiniens - dont plus de la moitié sont des enfants - ont été transférés de force en raison de la violence des colons et du manque d’accès aux pâturages, selon l’OCHA.
Pendant ce temps, au cours des six premiers mois de 2023, Israël a fait progresser l’approbation de près de 13 000 unités de colonisation en Cisjordanie - "l’année la plus élevée jamais enregistrée" a déclaré en juillet l’organisme de surveillance des colonies La paix maintenant. Ce n’est pas une coïncidence s’il s’agit de l’année la plus élevée jamais enregistrée en ce qui concerne l’avancement des unités de colonisation et les attaques des colons contre les Palestiniens et leurs biens.
Certaines de ces attaques ont été mortelles.
Le gouvernement israélien actuel, dirigé par Benjamin Netanyahu, a intensifié la violence structurelle nécessaire à la création et au maintien d’un État juif en Palestine.
Les principes directeurs du gouvernement commencent par l’affirmation que "le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la terre d’Israël."
C’est l’évolution naturelle de l’impunité qui a permis une colonisation rampante des terres de Cisjordanie, en violation flagrante du droit international, après la signature des accords d’Oslo par Israël et l’Organisation de libération de la Palestine au milieu des années 1990.
Dans les années qui ont suivi, le prétendu processus de paix a permis à Israël de consolider son contrôle et de rendre permanente son occupation militaire sous le couvert de mesures de sécurité temporaires.
Les gouvernements israéliens précédents se sont efforcés de maintenir l’impression que l’État était en quelque sorte séparé de l’entreprise de colonisation des terres palestiniennes et syriennes occupées, alors qu’en réalité, presque toutes les facettes de l’État, y compris le système judiciaire actuellement mis à mal, sont impliquées dans le projet de colonisation.
Sans défense
Le gouvernement actuel, en revanche, est transparent quant à ses desseins maximalistes sur les terres palestiniennes et à son approbation de la violence, tant de la part des colons que de l’État, nécessaire à la réalisation du "grand objectif" d’Israël, selon les termes du ministre kahaniste de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir : "La terre d’Israël pour le peuple d’Israël". Au début du mois, M. Ben-Gvir a qualifié de "héros" les colons soupçonnés d’avoir tué Qusai Jamal Mutan à Burqa, une ville proche de Ramallah, qualifiant d’autodéfense cet acte de violence.
Les Palestiniens, quant à eux, ne sont pas autorisés à se défendre contre les attaques de colons comme ceux célébrés par Ben-Gvir, qui provoquent et harcèlent sous la garde de l’armée.
Comme l’explique la journaliste israélienne Amira Hass, "les Palestiniens n’ont pas le droit d’utiliser des armes pour se défendre, ni des pierres ou des bâtons, et ils n’ont pas non plus le droit de se précipiter à la défense d’autrui."
L’interdiction est imposée et appliquée par l’armée "dans une atmosphère de suprématie juive [...] une matrice complexe dans laquelle chaque élément est lié à un autre et le maintient en place" déclare Hass.
Les Palestiniens comme les bergers d’al-Qabun savent qu’il n’y a pas grand-chose pour les protéger des colons et de l’État, qui travaillent ensemble pour les priver de leur terre et de leur mode de vie.
Traduction : AFPS